<%@ Language=JavaScript%> Le journal

Jurassique parc !

Cochabamba (17°24'00"S 66°10'00"W)                                               Torotoro (18°06'00"S 65°44'00"W)

                                                                                                                             Total = 90 km

 

Table des matières (cliquez sur les titres !)

Trans Torotoro

Jésus

La grotte

Moins 350 millions d’années

Retour au présent

 

Trans Torotoro

Esquina.

Ça veut dire « coin » en Espagnol. Mon bus pour aller au parc de Torotoro est la « esquina » de 6 Août et de République à 05:30 du matin, les jeudi et les dimanche uniquement.

Un rendez-vous pareil… je me dis que si ça marche…

 

Alors j’ai pris un taxi, le premier taxi de mon voyage, pour aller à l’arrêt du bus car pas de « micros » (les micros sont les bus en ville) avant 6 heures du matin.

Arrivé au coin il y a bien un bus, rouge flamboyant. Il s’appelle le Trans Torotoro, et pas le Torotoro express… Quatre vingt dix kilomètres à vol d’oiseau, 138 km par la route, 7 à 10 heures de trajet, maximum 20 km/h de moyenne.

 

J’achète mon billet aller et retour à une dame charmante et j’attends que les vendeurs de café arrivent.

Petit à petit la vie s’installe près de « l’arrêt » du bus. Un homme arrive les mains chargées de postes de radio. Un couple s’arrête et regarde, l’homme surtout, La femme regarde mais laisse son mari discuter. Ils repartent avec une radio toute neuve, le son à fond.

Un autre homme passe avec sous le bras un tabouret et dessus un téléphone. Son fils de 7 ou 8 ans porte une pancarte « téléphone public ». L’homme pose son tabouret-téléphone par terre, le fiston grimpe le long du poteau, récupère un fil, le branche. Voilà donc le téléphone public opérationnel…

Nous partons à 06:30, l’ambiance est bon enfant, visiblement tout le monde connaît tout le monde. On se croirait à un départ en colonie de vacances. En chemin nous nous arrêtons pour le petit-déjeuner, puis pour le déjeuner. Les heures passent lentement.

La route, au début c’était une route, s’est transformée en route pavée avec des galets, puis en piste, maintenant c’est un chemin de montagne que nous empruntons avec le Trans Torotoro

Dans le bus les 2 filles de la « contrôleuse » dorment comme la plupart des autres passagers, les poireaux pendent du plafond, et le chauffeur prend tous les virages à gauche la tête dehors pour regarder où mettre ses roues. Le chico qui a chargé les bagages sur le toit passe une bonne partie de son temps dehors pour guider le bus dans les virages ou pour pousser des cailloux mal placés.

Un homme se réveille, il a oublié son « arrêt » et descend en rase campagne.

 

Quatorze heures trente. Nous arrivons. J’ai bouffé du soleil et de la poussière comme jamais et je suis franchement éprouvé. Le bus se gare et on commence doucement à décharger les bagages :

-      Oui le sac bleu là, c’est le mien.

-      A qui est la cuisinière ?

-      Attend un peu, ça arrive !

-      Le vélo, qui attrape le vélo ?

Et moi je voudrais ma mochila !

 

Le premier hôtel est trop chic, les 2 suivants trop pourris. J’arrive à l’hostal « les sœurs », il n’y a que 4 hébergements possibles à Torotoro. L’hostal des sœurs est tenu par l’ancien pasteur du village et sa femme. Il y a des bibles partout.

 

Le pasteur est un hyperactif épuisant… Impossible de rester avec lui sans qu’il parle où veuille que vous alliez quelque part… Epuisant et moi je suis épuisé ! Il conclue toutes ses phrases par SOS, mais comme j’ai fait des progrès en Espagnol je comprends qu’il dit en fait « eso es », soit « ceci est » mais je pense plutôt que chez lui cela veut dire « ainsi soit-il ».

 

Il veut aussitôt m’emmener visiter la « maison de pierre » dont l’entrée me coûte que 3 Bs et dont il a la clé car les gens lui font confiance me dit-il. Nous partons donc visiter cette maison de pierre, une réalisation artistique dans la veine du Palais idéal du Facteur Cheval, des Jardins Secrets ou bien du « rock garden » visité à Chandigarh alors que j’étais en Inde. La maison est toute faite, recouverte, de pierres et de fossiles. Des dinosaures sont dessinés sur les murs avec des pierres. Le pasteur m’explique consciencieusement que « celui-ci est différent de celui là » mais qu’il ne sait pas à quelle catégorie ils appartiennent. « De toute façon – me dit-il à plusieurs reprises – tout cela est très ancien puisque cela date d’avant le déluge ». Visiblement le déluge est une date-repère importante de son histoire.

De retour à la maison sa femme me demande d’où je viens et se met à me dresser un tableau idyllique des Israéliens, touristes dont elle ne veut plus chez elle : ils sont sales, bruyants, sans gène, posent leurs affaires sales sur la table où on mange, se plaignent qu’il n’y a pas d’eau 24/24 h (alors que cela n’a jamais été le cas ici à Torotoro), prennent une chambre avec 3 lits et y dorment à 9, ne paient pas, etc, etc

 

Le pasteur, désolé que je ne veuille pas aller visiter plus de choses aujourd’hui m’annonce que son fils adoptif de 16 ans pourra me guider dans le parc.

Jésus

Jésus sera donc mon guide pendant 3 jours.

 

Nous partons le matin et dès la sortie du village, à 100 m de la maison, je découvre les premières traces de dinosaures. Jésus m’en montre, ici, et puis encore là, et la bas !

Il y en a partout !

Ici c’est un carnivore bipède, et là bas un quadrupède herbivore. On a trouvé dans ce parc plus de 200 traces d’animaux différents. Je n’en reviens pas mais je ne réalise pas encore…

 

Dans le canyon du rio Torotoro, nous voyons des peintures rupestres de plus de mille ans d’âge et nous passons devant des sites incas. Plus loin nous arrivons à un endroit du canyon où il y a des bassins d’eau de plusieurs mètres carrés. En discutant avec Jésus j’apprends que c’est là que les enfants du village viennent pour apprendre à nager. La balade que nous faisons est superbe et Jésus prend peut à peu confiance en moi, c’est le monde à l’envers, et m’entraîne dans des endroits moins accessibles. La nature est très belle.

 

Au retour je flâne un peu dans le village. Cela me donne l’occasion de saisir quelques scènes de rues bien amusantes : ici des gamins chargent un brouette, là bas des femmes font sécher du maïs.

Je repère une boulangerie, il n’y a pas vraiment de boulangeries mais plutôt des particuliers qui vendent leur pain. Pour indiquer qu’il y a du pain à vendre ? Il suffit de mettre une table ou une chaise dehors avec un linge blanc ! J’achète du pain de maïs et je pars étudier un peu d’espagnol.

 

Je m’installe au soleil sur une dalle de pierre de l’autre côté du rio. Je m’assieds au milieu des traces d’un quadrupède herbivore. La trace est immense et elle date de 80 millions d’années. Quelle étrange impression. Vu la taille des empreintes, le bestiau n’était pas tout petit…

Plus tard je me rends compte que l’on peut voir la trace depuis le village.

La grotte

Ce matin nous partons tôt pour aller visite la grotte de Humajalanta située à 10 km de là. Je me retourne et je regarde ce village si attachant en plein Jurrasic Park…

Nous croisons des femmes qui ne veulent pas vraiment être prises en photos mais qui ne font pas la gueule si c’est trop tard ! Jésus me montre de nouvelles traces. Je reconnais de moi-même un bipède carnivore, brr, brrrr, brrrrrr !

Comme c’est curieux de voir ce sol fragmenté et puis, là, tout d’un coup au beau milieu quelques empreintes

A l’entrée de la grotte il y a nouveau des traces – je reconnais un bipède herbivore.

 

Enfin nous sommes à l’entrée de la grotte et c’est… immense !

Jésus sort la corde et la lampe torche et nous entrons. Salle après salle nous passons devant les stalactites et les stalagmites qui, évidemment, sont tous affublés de noms : la vierge et le garçon, l’arbre de noël

Certains passages sont interdits aux claustrophobes et je dois abandonner mon petit sac à dos qui devient bien trop encombrant… Quatre vingt mètres plus bas nous arrivons à un lac où Jésus me montre des petits poissons aveugles.

A la remontée je demande à faire une pause dans le « salon » afin de remplir mon petit carnet.

En chemin un des rares graffitis que je vois est… une étoile de David…

 

Enfin nous ressortons. La grotte fait plus de 14 km de long mais seuls les 4 premiers kilomètres sont connus. Et on n’a jamais retrouvé le squelette d’un scientifique qui n’est jamais ressorti avec les autres membres de son expédition il y a 16 ans !

 

De retour au village et après un pause goûter, je retourne travailler mon espagnol dans les traces « antédiluviennes »  comme dit le pasteur !

 

Au centre du village j’entends des annonces faites au haut-parleur. Curieux, je vais voir. C’est une réunion politique ou, à tout le moins, de revendication. Les gens sont tous habillés de façon traditionnelle et c’est un festival de couleurs.

Assis au fond je commence à détourner l’attention des moins attentifs… Mon petit appareil de photo numérique me permet de surprendre certaines scènes et dès que je montre le résultat aux moins farouches, c’est un mini attroupement qui se produit autour de moins.

Les femmes ne veulent toujours pas être prises en photos mais elles sont ravies quand j’arrive tout de même à les avoir, de vraies coquettes !

 

La Bolivie est un pays très catholique et il n’est pas rare de trouver des autocollants sur les portes des maisons qui indiquent :

     « ici nous sommes catholiques et nous ne voulons pas changer de religion » ou bien encore :

     « ici nous sommes catholiques et ceux qui disent du mal de notre religion, ou d’une autre, ne sont pas les bienvenus ».

J’ai vu plusieurs de ces autocollants au Chili.

La visite de l’église de Torotoro est très instructive. J’y lis les « prescriptions » pour se marier.

Comme chez nous il faut :

     un certificat de mariage civil (dont, en ce qui nous concerne, je ne comprends toujours pas l’utilité depuis que l’église est séparée de l’état…),

     être baptisé, et

     avoir suivi une préparation au mariage.

Mais ici, il faut en plus :

     que les parents du côté du marié et de la mariée soient aussi baptisés et

     que les fiancés et leur famille proche aient assistés aux 12 dernières messes dominicales (ou fêtes dites « d’obligation »).

Visiblement, ça ne rigole pas.

 

Le panneau suivant nous rappelle, citation de la bible à l’appui, que Dieu ne nous oblige pas à être catholiques, mais que Jésus nous invite à le suivre…

Moins 350 millions d’années

Dernier jour. Nous partons visiter le verger, un endroit du canyon où coule une source d’eau tiède qui donne naissance à une végétation luxuriante.

Jésus s’est enhardi avec moi et je me demande même un instant si j’ai pris l’option « canyoning » car je me retrouve en train d’escalader une cascade et, plus tard, à traverser le rio avec de l’eau jusqu’aux chevilles !

 

L’après-midi je demande à Jésus de me montrer l’endroit où il y a des fossiles marins. Le terrain est tout plissé et là, entre les plis, à certains endroits, se trouvent des fossiles. Une fois de plus le trajet donne à voir des paysages magiques et est l’occasion de rencontres pittoresques.

« Nous y sommes » me dit Jésus. Moi je ne vois rien, lui se penche et me ramasse une poignée de fossiles tous différents ! J’apprends à regarder et tout content je commence à faire mes premières découvertes. Moins 350 millions d’années me dit mon livre…

 

Retour au village d’où je repars seul voir à nouveau les traces des dinos. Je veux graver dans ma mémoire les plus grosses, environ 80 cm de long ! A côté mon pied (je chausse du 41) fait tout petit. Quel animal était-ce donc ? Que faisait-il là ? Et le « petit » carnivore qui passait à côté, qui était-il ?

Retour au présent

Maintenant que sais reconnaître les traces d’un dino végétarien de celles d’un mangeur de viande, mais, que je trompe toujours entre un mouton, une chèvre, une brebis et un bouc, je me sens encore plus le champion de l’inutile…

 

Ma préoccupation du moment est de savoir si mon bus, le « trans Torotoro » sera là le lendemain matin.

Oui il est là ! Nous partons à 7 heures du matin.

 

Je quitte Torotoro, ce village intrigant où tous les gens sont pauvres mais où la pauvreté n’existe pas, ce village sans mendiant et sans SDF, ce village où il faut marcher des heures pour aller vendre trois produits au marché, ce village où l’eau courante ne court pas tous les jours, où l’électricité ne fonctionne pas toujours, où la télé et Internet sont inexistant. Ce village où il n’y a qu’une seule cabine téléphonique et pas de poste, ce village où l’hôpital ressemble à une infirmerie.

Ce village où une marchande vous envoie dans la boutique d’en face acheter quelque chose car cela vous conviendra mieux, ce village où l’on se trompe « dans le bon sens » en vous rendant la monnaie, ce village où l’on encaisse pour la copine si elle n’est pas là.

Ce village ou les femmes avec des enfants ont l’air d’avoir 14 ans ou 50 ans, où elles donnent le sein en papotant et en marchant…

Ce village où les gens sont heureux… à 140 km de la ville et à 8 heures de route.

 

Je monte à bord du Trans Torotoro… et  nous faisons face à un embouteillage avec l’autre compagnie, le Trans del Norte !

Alfredo, notre chauffeur, est le même qu’à l’aller. Il me dit bonjour avec un grand sourire. Je me demande quel âge peut bien avoir cette jeune femme ?

Après la partie de la route la plus difficile, celle où le chico court déplacer les cailloux, celui-ci prend un peu de repos. La dame à côté de moi aère sa poule.

Une petite fille descend et me fait penser à Marilyn.

Nous sommes arrivés, je suis crevé…