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Jurassique parc !
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Total
= 90 km |
Table des matières (cliquez sur les titres !)
Esquina.
Ça veut dire
« coin » en Espagnol. Mon bus pour aller au parc de Torotoro est la « esquina »
de 6 Août et de République à 05:30 du matin, les jeudi et les dimanche
uniquement.
Un rendez-vous
pareil… je me dis que si ça marche…
Alors j’ai pris
un taxi, le premier taxi de mon voyage, pour aller à l’arrêt du bus car pas de
« micros » (les micros sont les bus en ville) avant 6 heures du
matin.
Arrivé au coin il
y a bien un bus, rouge flamboyant. Il s’appelle le Trans Torotoro,
et pas le Torotoro express… Quatre vingt dix
kilomètres à vol d’oiseau, 138 km par la route, 7 à
10 heures de trajet, maximum 20 km/h de moyenne.
J’achète mon
billet aller et retour à une dame charmante et j’attends que les vendeurs de
café arrivent.
Petit à petit la
vie s’installe près de « l’arrêt » du bus. Un homme arrive les mains
chargées de postes de radio. Un couple s’arrête et regarde, l’homme surtout, La
femme regarde mais laisse son mari discuter. Ils repartent avec une radio toute
neuve, le son à fond.
Un autre homme
passe avec sous le bras un tabouret et dessus un téléphone. Son fils de 7 ou 8
ans porte une pancarte « téléphone public ». L’homme pose son tabouret-téléphone par terre, le fiston grimpe le long du
poteau, récupère un fil, le branche. Voilà donc le téléphone public opérationnel…
Nous partons à
06:30, l’ambiance est bon enfant, visiblement tout le monde connaît tout le
monde. On se croirait à un départ en colonie de vacances. En chemin nous nous
arrêtons pour le petit-déjeuner,
puis pour le déjeuner.
Les heures passent lentement.
La route, au
début c’était une route, s’est transformée en route pavée avec des galets, puis
en piste, maintenant c’est un chemin de montagne que nous empruntons avec le Trans Torotoro…
Dans le bus les 2
filles de la « contrôleuse » dorment comme la plupart des
autres passagers, les poireaux
pendent du plafond, et le chauffeur prend tous les virages à gauche la tête dehors
pour regarder où mettre ses roues. Le chico qui a
chargé les bagages sur le toit passe une bonne partie de son temps dehors pour
guider le bus dans les virages ou pour pousser des cailloux mal placés.
Un homme se
réveille, il a oublié son « arrêt » et descend en rase campagne.
Quatorze heures trente.
Nous arrivons. J’ai bouffé du soleil et de la poussière comme jamais et je suis
franchement éprouvé. Le bus se gare et on commence doucement à décharger les
bagages :
- Oui le sac bleu là, c’est le mien.
- A qui est la cuisinière ?
- Attend un peu, ça arrive !
- Le vélo, qui
attrape le vélo ?
Et moi je
voudrais ma mochila !
Le premier hôtel
est trop chic, les 2 suivants trop pourris. J’arrive à l’hostal
« les sœurs », il n’y a que 4 hébergements possibles à Torotoro. L’hostal des sœurs est
tenu par l’ancien pasteur du village et sa femme. Il y a des bibles
partout.
Le pasteur est un
hyperactif épuisant… Impossible de rester avec lui sans qu’il parle où veuille
que vous alliez quelque part… Epuisant et moi je suis épuisé ! Il conclue
toutes ses phrases par SOS, mais comme j’ai fait des progrès en Espagnol je comprends
qu’il dit en fait « eso es », soit
« ceci est » mais je pense plutôt que chez lui cela veut dire
« ainsi soit-il ».
Il veut aussitôt
m’emmener visiter la « maison de pierre » dont l’entrée me coûte que
3 Bs et dont il a la clé car les gens lui font confiance me dit-il. Nous
partons donc visiter cette maison de pierre, une réalisation artistique dans la
veine du Palais
idéal du Facteur Cheval, des Jardins
Secrets ou bien du « rock garden »
visité à Chandigarh alors que j’étais en Inde. La
maison est toute faite, recouverte, de pierres et de fossiles. Des dinosaures
sont dessinés sur les murs avec des pierres. Le pasteur
m’explique consciencieusement que « celui-ci est différent de celui
là » mais qu’il ne sait pas à quelle catégorie ils appartiennent.
« De toute façon – me dit-il à plusieurs reprises – tout cela est très
ancien puisque cela date d’avant le déluge ». Visiblement le déluge est
une date-repère importante de son histoire.
De retour à la
maison sa femme me demande d’où je viens et se met à me dresser un tableau
idyllique des Israéliens, touristes dont elle ne veut plus chez elle : ils
sont sales, bruyants, sans gène, posent leurs affaires sales sur la table où on
mange, se plaignent qu’il n’y a pas d’eau 24/24 h (alors que cela n’a jamais
été le cas ici à Torotoro), prennent une chambre avec
3 lits et y dorment à 9, ne paient pas, etc, etc…
Le pasteur,
désolé que je ne veuille pas aller visiter plus de choses aujourd’hui m’annonce
que son fils adoptif de 16 ans pourra me guider dans le parc.
Jésus sera donc
mon guide pendant 3 jours.
Nous partons le
matin et dès la sortie du village, à 100 m de la maison, je découvre les
premières traces de dinosaures. Jésus m’en montre, ici, et puis encore là, et
la bas !
Il y en a
partout !
Ici c’est un carnivore
bipède, et là bas un quadrupède
herbivore. On a trouvé dans ce parc plus de 200 traces d’animaux
différents. Je n’en reviens pas mais je ne réalise pas encore…
Dans le canyon du
rio Torotoro, nous voyons
des peintures
rupestres de plus de mille ans d’âge et nous passons devant des sites
incas. Plus loin nous arrivons à un endroit du canyon où il y a des bassins
d’eau de plusieurs mètres carrés. En discutant avec Jésus
j’apprends que c’est là que les enfants du village viennent pour apprendre à
nager. La balade que nous faisons est superbe et Jésus prend peut à peu
confiance en moi, c’est le monde à l’envers, et m’entraîne dans des endroits
moins accessibles. La nature est très belle.
Au retour je
flâne un peu dans le village. Cela me donne l’occasion de saisir quelques
scènes de rues bien amusantes : ici des
gamins chargent un brouette, là bas des femmes font sécher
du maïs.
Je repère une boulangerie,
il n’y a pas vraiment de boulangeries mais plutôt des particuliers qui vendent
leur pain. Pour indiquer qu’il y a du pain à vendre ? Il suffit de mettre
une table ou une chaise dehors avec un linge blanc ! J’achète du pain de
maïs et je pars étudier un peu d’espagnol.
Je m’installe au
soleil sur
une dalle de pierre de l’autre côté du rio. Je m’assieds au milieu des
traces d’un quadrupède herbivore. La trace
est immense et elle date de 80 millions d’années. Quelle étrange impression.
Vu la taille des empreintes, le bestiau n’était pas tout petit…
Plus tard je me
rends compte que l’on peut voir la trace depuis
le village.
Ce matin nous
partons tôt pour aller visite la grotte de Humajalanta
située à 10 km de là. Je me retourne et je regarde ce
village
si attachant en plein Jurrasic Park…
Nous croisons des
femmes
qui ne veulent pas vraiment être prises en photos mais qui ne font pas la
gueule si c’est trop tard ! Jésus
me montre de nouvelles traces. Je reconnais de moi-même un bipède
carnivore, brr, brrrr,
brrrrrr !
Comme c’est
curieux de voir ce sol
fragmenté et puis, là, tout d’un coup au beau milieu quelques
empreintes…
A l’entrée de la
grotte il y a nouveau des traces – je reconnais un bipède
herbivore.
Enfin nous sommes
à l’entrée de la grotte et c’est… immense !
Jésus sort la corde
et la lampe torche et nous entrons. Salle après salle nous passons
devant les stalactites et les stalagmites qui, évidemment, sont tous affublés
de noms : la
vierge et le garçon, l’arbre
de noël…
Certains passages
sont interdits aux claustrophobes et je
dois abandonner mon petit sac à dos qui devient bien trop encombrant…
Quatre vingt mètres plus bas nous arrivons à un lac où Jésus
me montre des petits
poissons aveugles.
A la remontée je
demande à faire une pause
dans le « salon » afin de remplir mon petit carnet.
En chemin un des
rares graffitis que je vois est… une étoile de David…
Enfin nous ressortons.
La grotte fait plus de 14 km
de long mais seuls les 4 premiers kilomètres sont connus. Et on n’a jamais
retrouvé le squelette d’un scientifique qui n’est jamais ressorti avec les
autres membres de son expédition il y a 16 ans !
De retour au
village et après un pause goûter, je retourne travailler mon espagnol dans les
traces « antédiluviennes »
comme dit le pasteur !
Au centre du
village j’entends des annonces faites au haut-parleur. Curieux, je vais voir.
C’est une réunion
politique ou, à tout le moins, de revendication. Les gens sont tous
habillés de façon traditionnelle
et c’est un festival de couleurs.
Assis au fond je
commence à détourner l’attention des moins attentifs… Mon petit appareil de
photo numérique me permet de surprendre certaines scènes
et dès que je montre le résultat aux moins farouches, c’est un mini
attroupement qui se produit autour de moins.
Les femmes ne
veulent toujours pas être prises en photos mais elles
sont ravies quand j’arrive tout de même à les avoir, de vraies
coquettes !
La Bolivie est un
pays très catholique et il n’est pas rare de trouver des autocollants sur les
portes des maisons qui indiquent :
J’ai vu plusieurs
de ces autocollants au Chili.
La visite de
l’église de Torotoro est très instructive. J’y lis
les « prescriptions » pour se marier.
Comme chez nous
il faut :
Mais ici, il faut en
plus :
Visiblement, ça ne
rigole pas.
Le panneau
suivant nous rappelle, citation de la bible à l’appui,
que Dieu ne nous oblige pas à être catholiques, mais que Jésus nous invite à le
suivre…
Dernier jour.
Nous partons visiter le verger, un endroit du canyon où coule une source d’eau
tiède qui donne naissance à une végétation luxuriante.
Jésus s’est
enhardi avec moi et je me demande même un instant si j’ai pris l’option « canyoning » car je me retrouve en train
d’escalader une cascade et, plus tard, à traverser le rio
avec de l’eau jusqu’aux chevilles !
L’après-midi je
demande à Jésus de me montrer l’endroit où il y a des fossiles marins. Le
terrain est tout plissé
et là, entre les plis, à certains endroits, se trouvent des fossiles. Une fois
de plus le trajet donne à voir des paysages
magiques et est l’occasion de rencontres
pittoresques.
« Nous y
sommes » me dit Jésus. Moi je ne vois rien, lui se penche et me ramasse
une poignée de fossiles
tous différents ! J’apprends à regarder et tout
content je commence à faire mes premières découvertes. Moins 350
millions d’années me dit mon livre…
Retour au village
d’où je repars seul voir à nouveau les traces des dinos.
Je veux graver dans ma mémoire les plus grosses,
environ 80 cm de long ! A côté mon pied (je chausse du 41) fait tout
petit. Quel animal
était-ce donc ? Que faisait-il là ? Et le « petit »
carnivore qui passait à côté, qui était-il ?
Maintenant que
sais reconnaître les traces d’un dino végétarien de
celles d’un mangeur de viande, mais, que je trompe toujours entre un mouton,
une chèvre, une brebis et un bouc, je me sens encore plus le champion de
l’inutile…
Ma préoccupation
du moment est de savoir si mon bus, le « trans Torotoro » sera là le lendemain matin.
Oui il est
là ! Nous partons à 7 heures du matin.
Je quitte Torotoro, ce village intrigant où tous les gens sont
pauvres mais où la pauvreté n’existe pas, ce village sans mendiant et sans SDF,
ce village où il faut marcher des heures pour aller vendre trois produits au
marché, ce village où l’eau courante ne court pas tous les jours, où
l’électricité ne fonctionne pas toujours, où la télé et Internet sont
inexistant. Ce village où il n’y a qu’une seule cabine téléphonique et pas de
poste, ce village où l’hôpital ressemble à une infirmerie.
Ce village où une
marchande vous envoie dans la boutique d’en face acheter quelque chose car cela
vous conviendra mieux, ce village où l’on se trompe « dans le bon
sens » en vous rendant la monnaie, ce village où l’on encaisse pour la
copine si elle n’est pas là.
Ce village ou les
femmes avec des enfants ont l’air d’avoir 14 ans ou 50 ans, où elles donnent le
sein en papotant et en marchant…
Ce village où les
gens sont heureux… à 140 km de la ville et à 8 heures
de route.
Je monte à bord
du Trans Torotoro… et nous faisons face à un
embouteillage avec l’autre compagnie, le Trans
del Norte !
Alfredo, notre
chauffeur, est le même qu’à l’aller. Il me dit bonjour avec un grand sourire.
Je me demande quel âge peut bien avoir cette jeune
femme ?
Après la partie
de la route la plus difficile, celle où le chico
court déplacer les cailloux, celui-ci prend un
peu de repos. La dame à côté de moi aère sa
poule.
Une petite
fille descend et me fait penser à Marilyn.
Nous sommes
arrivés, je suis crevé…