19 avril 2003

Virage à droite au feu rouge

Hésitation, impatience
et bien des interrogations

Sébastien Rodrigue

Les automobilistes et les piétons sont sortis indemnes des premières journées d'autorisation du virage à droite au feu rouge, mais les responsables de la sécurité routière constatent qu'il y a encore à faire pour que les règles soient respectées.

Le virage à droite au feu rouge (VDFR) est autorisé depuis bientôt une semaine au Québec, à l'exception de Montréal, et les quelques services de police contactés par La Presse n'ont recensé aucun accident causé par cette réforme.

Le virage a néanmoins causé de l'hésitation, de l'impatience et bien des interrogations aux intersections. «Il y a beaucoup trop d'interdictions. Un conducteur à plus de chance d'avoir une contravention que de tourner», se plaint André, un résidant de Longueuil.

Sekou Kaba croit lui aussi que les interdictions à certaines intersections ainsi que sur l'ensemble du territoire montréalais créent de la confusion. Prudent, il se méfie des automobilistes. «Les conducteurs ne font pas plus attention avec le virage à droite quils ne le faisaient avant», dit-il.

Un autre passant rencontré sur la rue Saint-Charles, à Longueuil, entend beaucoup de coups de klaxon à l'endroit de ceux qui ne se prévalent pas de ce nouveau droit lorsqu'ils patientent à un feu rouge. «C'est sûr qu'il va y avoir des petits cognages», prévoit-il.

Le ministère des Transports le répète : le virage à droite est un privilège, pas une obligation. Il y a aussi de nombreuses interdictions, sur 60% des croisements à Longueuil, 12% à Trois-Rivières et 27% à Laval.

Dans la région métropolitaine, les policiers ont donné très peu de contraventions. Les policiers de Laval en ont donné 12 lors de la première journée où la réglementation s'appliquait, tandis que leurs confrères de Longueuil n'en ont distribué aucune jusqu'à maintenant. À Montréal, on n'avait toujours pas comptabilisé cette donnée.

Peu de contraventions, pas d'accident, mais certains problèmes subsistent aux intersections. À Laval, par exemple, le sergent Martin Légaré constate que les voitures ne font pas toutes leur arrêt avant de tourner. «Quand il y a une file, le premier fait son arrêt et les autres le suivent comme s'il s'agissait d'une flèche (...) Les piétons n'ont plus de moyen pour traverser», observe-t-il.

Son homologue de Trois-Rivières, le capitaine Réjean Vivier, constate pour sa part que les conducteurs ne respectent pas toujours les lignes d'arrêt. «Le danger, c'est que les gens arrêtent tranquillement et s'occupent plus des voitures arrivant des autres voies que des piétons et des cyclistes», remarque-t-il.

Le capitaine Vivier exprime encore des craintes quant à la cohabitation des automobilistes et des piétons sur la voie publique avec cette nouvelle règle. «Ça va prendre des mois. Il faudra que les gens se disent qu'ils peuvent se faire arrêter et payer 138$ d'amende. C'est triste, mais c'est comme ça», dit-il.

Les services de police disent appliquer la tolérance zéro depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle règle. Quand il est permis de tourner, les automobilistes doivent stopper leur voiture à la ligne d'arrêt, céder le passage aux piétons engagés, aux véhicules et aux cyclistes, regarder dans le rétroviseur droit et vérifier l'angle mort droit, regarder des deux côtés puis s'engager.

L'arrivée du VDFR s'avère toutefois plus complexe pour les personnes handicapées. Serge Poulin, porte-parole du Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain, rappelle que les non-voyants avaient l'habitude de se fier au départ des voitures pour traverser une rue.

La coalition contre le VDFR, dont fait partie M. Poulin, s'était opposée en faisant valoir, entre autres, que les deux tiers des conducteurs n'effectuaient pas leur virage de façon conforme.

Mais la catastrophe annoncée ne s'est pas encore produite. M. Poulin croit néanmoins les accidents inévitables au cours des prochains mois. «Les gens ne sont pas encore habitués, ce qui fait que beaucoup ne tournent pas encore», soutient-il. En attendant, le porte-parole de la Coalition opposée au VDFR craint que les personnes aveugles restent plus souvent chez elles de peur d'être happée par une voiture.

L'exception montréalaise risque de durer
Attendu pour le conseil municipal du 28 avril, le rapport du comité mixte sur le virage à droite au feu rouge ne sera pas déposé avant octobre. Le co-président du comité spécial, Jeremy Searle, indique que les élus souhaitent observer l'expérience ailleurs dans la province.

Il s'agit du deuxième délai accordé à ce rapport initialement prévu le 27 janvier. «Avec le changement de gouvernement, nous ne sommes pas certains qu'il continuera de payer pour les études (...) Avec l'autorisation ailleurs, c'est l'occasion de faire des comparaisons sur l'île de Montréal et à l'extérieur», ajoute M. Searle.

Jusqu'à maintenant, 90% des opinions émises devant le comité demandaient aux élus de faire une exception avec Montréal, comme c'est le cas à New York.

À moins d'un autre report, le comité tiendra une derniere audience au mois de septembre où l'expérience du virage à droite ailleurs dans la province sera discutée.

La semaine dernière, le responsable des transports à la Ville de Montréal, Claude Dauphin, a indiqué que son administration n'avait pas l'intention de permettre le virage à droite d'ici les 18 prochains mois. Mais avant cela, la Ville doit faire l'analyse de la configuration de ses 2300 intersections, ce qui coûtera environ quatre millions.


page mise en ligne le 19 avril 2003 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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