12 avril 2003

À vous de tourner !

Le virage à droite au feu rouge, qui entre en vigueur demain, ne sera pas permis sans conditions... loin de là !

Il y a eu l'arrivée des clignotants sur les voitures. Puis le port obligatoire de la ceinture de sécurité. Et les sièges pour enfants. Les voies réservées pour les autobus. Et maintenant, le virage à droite sur feu rouge. Êtes-vous prêts à tourner ?


Isabelle Mathieu
IMathieu@lesoleil.com

Il en aura fallu des années d'études, de tergiversations, de projets pilotes, de lignes ouvertes enflammées et d'éditoriaux incisifs. Mais le gouvernement provincial a finalement tranché et modifié le Code de la sécurité routière pour permettre le virage à droite au feu rouge (VDFR), une règle en vigueur partout en Amérique du Nord, sauf à New York et à Montréal.

On en est maintenant aux derniers milles, ou plutôt aux premiers: demain, c'est à vous de jouer. Mais jouez prudemment: les policiers jurent quels seront là pour vous regarder.

La Sûreté municipale de Québec est, incapable de dire combien de patrouilleurs seront en service pour surveiller les virages à droite, mais elle affirme que les agents seront visibles dans tous les arrondissements... et pas seulement pour faire de la prévention. «Ce sera zéro pouvoir discrétionnaire des policiers, dit l'agent Steve Desroches, porte-parole de la police. Il n'y aura pas d'avertissement, mais des contraventions dès le début. Il faut que les gens comprennent que ce n'est pas une farce. »

Car contrairement à l'arrivée relativement récente des voies réservées pour les autobus, le changement des règles sur le virage à droite a un impact direct sur la sécurité de personnes très vulnérables, les piétons. La Direction de la santé publique de Québec, qui s'opposait au projet, estimait en 2001 que l'arrivée du VDFR occasionnerait 70 blessés et 100 accidents avec dommages matériels chaque année et un décès tous les deux ans.

En 10 ans de police, Steve Dessroches confie que c'est la première fois qu'il voit une transition aussi rapide entre l'éducation et la punition. Mais la répression est nécessaire, dit-il, parce que certains automobilistes ont déjà commencé à tourner à droite avant même l'entrée en vigueur de la mesure. « On sait aussi qu'il y a des gens qui contreviennent à la loi parce qu'ils ne sont pas contents de voir autant d'interdiction », dit Steve Desroches.


illusration : Côté

Occasions rares
C'est vrai que les occasions d'exercer le nouveau privilège seront rares : à Québec, le VDFR sera permis de jour seulement 3 fois sur 10. La faible proportion s'explique par le fait que dans la Vieille Capitale, contrairement à plusieurs villes de la province, on a voulu protéger les piétons sur presque tout le territoire. On trouve en effet 505 passages exclusifs pour piétons pour 700 carrefours, ce qui impose certaines restrictions.

Au centre-ville, oubliez ça. Le VDFR sera interdit en tout temps de l'avenue Belvédère au bassin Louise, d'ouest en est, et des plaines d'Abraham à la rivière Saint-Charles, du sud au nord.

Dans les autres arrondissements, ce n'est pas nécessairement mieux. À Charlesbourg, le virage à droite au feu rouge sera autorisé en tout temps dans une faible proportion de 18%. Le « score » d'autorisation est de 21% dans Laurentien, 27% dans Limoilou, 31% dans Beauport, Sainte-Foy-Sillery et Les Rivières. Les plus chanceux sont les gens de la Haute-Saint-Charles, qui auront le droit, en tout temps, de tourner à droite dans une proportion de 45%.

Pour les étudiants de l'Université Laval qui s'inquiéteraient, le virage à droite sur feu rouge sera interdit entre 7 h et 22 h sur le campus.

Lueur d'espoir à l'horizon pour les irréductibles du VDFR: la Ville de Québec amorcera bientôt une analyse approfondie de tous ses carrefours pour vérifier si certaines phases pour piétons sont bien utiles. Conséquence, le nombre d'interdictions risque de diminuer, surtout dans les arrondissements à l'extérieur du centre-ville. Pourquoi refaire l'exercice, quelques semaines après avoir visité tous les carrefours une première fois ? « À cause des délais du ministère, on a pu faire seulement une analyse brute, dit Marc Des Rivières, directeur des transports à la Ville. Là, on retourne compter le nombre de piétons, de véhicules et vérifier les impacts du virage à droite. »

Vox pop
Les automobilistes rencontrés cette semaine dans la file d'attente du CAA-Québec, à Place de la Cité, étaient tout à fait au courant de la date d'entrée en vigueur de la mesure. Ils connaissaient aussi très bien la marche à suivre. « On fait comme si c'était un stop : on regarde et on tourne, résume Marie-Claude Rocher de Sainte-Foy. Mais on a le choix de tourner ou pas. »

Pour nos conducteurs, il est ridicule que le VDFR soit interdit de jour 7 fois sur 10 à Québec. « C'est une vraie joke, juge Josiane Boutin. Ils n'auraient pas dû dépenser autant d'argent si c'était pour l'interdire partout. Les gens vont être mêlés... »

Un autre automobiliste bougonne. « C'est un vrai désastre ! dit notre mécontent qui souhaite rester anonyme. Ils se pètent les babines à dire qu'ils veulent réduire la pollution, mais ils font le virage à droite la nuit! Ça ne réduira pas grand-chose! »

Diane Lapierre trouve d'ailleurs que la période d'interdiction (7h à 22 h) aurait pu cesser un peu plus tôt. « J'aurais mis ça vers 18 h, dit-elle. On est assez matures! S'il y a un piéton, on fait attention, mais c'est un peu bête d'être obligés d'attendre au feu rouge quand il ne se passe rien. »

Daniel Bouffard est entièrement d'accord avec le VDFR. « C'est le temps qu'on se mette à l'heure de la planète, affirme-t-il, catégorique. Ça va nous épargner un peu de temps.»


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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