Après le scandale Balco, le mystère Armstrong, voilà que le vainqueur du Tour et le recordman du monde du 100-mètres sont contrôlés positifs. Coïncidence ?
Olivier Toscer
L'homme le plus vite du monde était un tricheur. Comme, semble-t-il, le nouveau roi du Tour de France. Justin Gatlin (9,77 secondes au 100-mètres), Floyd Landis (L'Alpe-d'Huez en moins de 40 minutes) : voilà deux des nouvelles étoiles du sport mondial prises coup sur coup par la patrouille antidopage. Deux champions frelatés, positifs à la testostérone, l'hormone mâle par excellence, celle qui recule la fatigue, favorise la récupération et décuple la motivation. Deux Américains. Les Etats-Unis seraient-ils devenus le principal sanctuaire du dopage sportif dans le monde ? Une sorte de nouvelle RDA, ce petit pays de 17 millions d'habitants qui, jusqu'à la fin des années 1980, avait réussi à rafler 519 médailles olympiques au nez et à la barbe des grandes nations grâce à ses centres d'entraînement ultrasecrets et ses Docteur Folamour décorés de l'ordre de Lénine ?
« Il n'existe évidemment pas de dopage d'Etat outre-Atlantique comme il y en avait de l'autre côté du mur de Berlin, observe le professeur Michel Rieu, conseiller scientifique du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD). Mais le terreau américain, avec sa dimension mercantile générant des officines parapharmaceutiques capables, en changeant un petit bout de molécule, de créer des produits interdits nouveaux et difficilement détectables sur l'instant, pose véritablement problème. » Il y a deux ans, le scandale Balco, du nom d'un petit labo américain ayant mis au point la THG, un nouveau stéroïde de synthèse utilisé par les principaux sprinters américains, avait déjà mis en lumière ce phénomène. Et suscité enfin une prise de conscience des autorités américaines. Le football américain et le basket, jusqu'ici laissés sans surveillance, doivent depuis peu rendre des comptes. « Et la nouvelle agence antidopage américaine possède des moyens d'investigation et de recherche scientifique que nous lui envions, reconnaît le professeur Rieu. D'ailleurs, si Landis s'est fait contrôler en France, Gatlin, lui, s'est fait prendre dans son pays. »
La culture américaine de permissivité envers les produits dopants perdure néanmoins. Nombre d'anabolisants sont en vente libre. Quelque 6,1% des enfants américains de 9 à 12 ans ont déjà pris une fois des stéroïdes sans ordonnance. Et le dernier Tour de Californie cycliste était sponsorisé par le laboratoire Amgen... le principal producteur mondial d'EPO ! Pas étonnant dès lors que les « écuries » de dopés continuent de prospérer. Celle de Lance Armstrong, très suspect septuple vainqueur du Tour de France, est bien connue de tous depuis que ses anciens coéquipiers tombent les uns après les autres : Floyd Landis donc, qui attend fébrilement les résultats de la contre-expertise. Mais aussi Roberto Heras, dépossédé de son titre de vainqueur du dernier Tour d'Espagne après avoir été contrôlé positif à l'EPO. Ou encore Tyler Hamilton, tombé pour manipulation sanguine lors des derniers jeux Olympiques. Tous sont des anciens lieutenants de « Lance-le-Miraculé ».
En athlétisme, le cas Gatlin renforce les soupçons envers le clan de Trevor Graham, un ancien veilleur de nuit devenu soudain coach à succès. Avant Gatlin, ce gourou des pistes avait déjà vu dix de ses athlètes convaincus de dopage ! Graham suivait également Marion Jones lorsque la jeune Américaine décrocha cinq médailles olympiques aux Jeux de Sydney en 2000... avant d'être rattrapée par le scandale Balco. «Justin est un Marion Jones au masculin», avait coutume de répéter le coach Graham. Une étoile filante donc qui, en moins de deux ans, aura survolé le sprint international. Et risque, à 24 ans, la radiation à vie.
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