9 août 2003


« De 1984 à 1989, j'ai fait un jeûne de motorisé. J'évitais tout ce qui avait un moteur.
Je ne prenais ni le bateau, ni l'avion et j'ai arrêté les tournées de spectacles », raconte Pierre Bernier.
photo : Steve Deschênes

Ballet vélocipède

Nicolas Houle
Le Soleil

Pierre Bernier, c'est Piero Velo. L'homme qui vit sur deux roues été comme hiver. Entre deux représentations de La Face cachée de la lune à l'étranger, où il joue les marionnettistes, ce féru de bicyclette propose une exposition doublée d'un spectacle atypique dans lequel il retrace l'histoire du vélo en acrobatie et en musique.

Dans le hall de la Caserne Dhalousie, à Québec, on trouve de quoi faire rêver n'importe que mordu de cyclisme. Ici, un modèle dont les roues sont entraînées par une courroie, là, un vélo-trotteur, un peu plus loin, un Pedersen danois, reconnu pour son grand confort. Il y a aussi des médailles, une impressionnante collection de timbres qui, à elle seule, permet de retracer l'histoire de l'engin à pédales, des tricycles pour enfants, ainsi que des vélos créés sur mesure pour la scène.

Tout ça, à peu de pièces près, est tiré de la vaste malle à souvenirs de Pierre Bernier. À sa ceinture, l'homme de 46 ans n'a ni le logo de Harley Davidson qu'arborent les motocyclistes, ni les crânes menaçants qu'affectionnent les gothiques, mais plutôt une représentation d'un cycliste enfourchant un vélo - une trouvaille faite à Chicago.

« Je veux mettre en valeur l'autre côté de la bicyclette, celui que les gens ne connaissent pas, indique-t-il. Ce n'est pas d'hier : je fais de la muséologie ambulante depuis 1979 en me promenant en ville avec mon vélocipède. »

L'école de la vélocité
Visiblement heureux à l'idée de faire valoir une fois de plus son moyen de locomotion favori, le cycliste a concocté une représentation artistique pour le moins étonnante, qui permet de découvrir tant le côté fonctionnel et pratique du vélo que son côté rigolo et poétique. Accompagné de quatre musiciens aguerris, qui s'amuseront à improviser, Bernier offrira des numéros de mimes et de bicyclette artistique. Car oui, il existe de la bicyclette artistique comme il existe du patin artistique, avec des figures bien établies : des championnats ont cours chaque année dans les vieux pays.

« Je suis comme un chef d'orchestre qui a troqué sa baguette pour un vélo, rigole Bernier. D'ailleurs, j'ai pris la peine d'écrire l'ensemble de mon spectacle sur des portées musicales. Je vis un moment exceptionnel, car j'ai le luxe d'avoir la Caserne, où j'ai longtemps travaillé, et de présenter un show plus concis et plus précis que ce que j'ai présenté par le passé, grâce à l'aide de Patric Saucier, qui signe la mise en scène. »

Pierre Bernier semble avoir tout fait en ce bas monde. C'est que lorsqu'il a décidé de se faire mime, vers l'âge de 14 ans, il s'est mis en tête de pratiquer le plus de métiers possible, afin de comprendre les gens et de mieux les imiter. Il a ainsi été la doublure et l'homme à tout faire de Robert Lepage dans Elseneur, il a travaillé le métal et le bois, a bossé dans un bureau et dans une ferme, a fait de la radio, a été muséologue pour la maison F.-X. Garneau, artiste en résidence en Pologne et amuseur public. À travers tout ça, il a monté plusieurs shows solo, toujours axés sur le vélo, dont un, où il a cessé d'être mime pour interpréter des chansons de... bicyclettes, bien sûr !

« J'ai décidé de fonder l'université de la vélocité, raconte-t-il le plus sérieusement du monde. J'ai fait mon programme et quand je l'ai complété, je me suis remis un diplôme en 1993, durant un spectacle. C'est très difficile la vie d'autodidacte. Il faut que je me stimule et m'autocongratule, c'est ma façon de faire pour avancer. »

Notre homme a mis quelques-unes de ses vastes connaissances à profit pour construire des vélos, souvent destinés à la scène. L'un d'eux est une réplique de la Michauline. C'était pour lui le chaînon manquant entre le vélo-trotteur - qui ne compte pas de pédales - et le grand bi - cet engin dont la roue avant est démesurément grande par rapport à sa voisine arrière.

La face cachée du vélo
Lorsqu'il n'est pas sur scène pour son Ballet vélocipédique ou pour La Face cachée de la lune, notre homme s'exerce pour devenir le premier Canadien à participer aux championnats de cycle-ball, qui auront lieu à Strasbourg, du 21 au 23 novembre. Qu'est-ce que le cycle-ball ? Un dérivé du soccer - des équipes de deux joueurs s'affrontent sur des vélos conçus expressément pour le jeu. Méconnu au Québec comme au Canada, ce type de sport existe pourtant depuis 1898. Même qu'en 1986, quatre vélos ont été offerts au pays par l'Allemagne, afin de promouvoir l'activité, qui se pratique en gymnase.

« J'essaie de mettre ce sport-là en valeur, mais c'est sûr que les athlètes qui le pratiquent doivent être des acrobates, affirme Bernier. Ici on ne connaît pas ça parce qu'il n'y a pas vraiment de culture cycliste. Quand l'hiver arrive, le vélo prend une débarque ! »

Après les compétitions, notre homme à deux roues compte bien aller présenter son ballet et son expo un peu partout sur la planète. Pas moins de 48 villes dans 23 pays attendent avec impatience les bandes vidéo de ses performances pour voir de quoi il retourne. En faisant ainsi le tour du globe, celui dont la signature est un homme à bord d'un vélocipède formant le signe de la paix, espère semer l'harmonie dans son sillage.

« J'aimerais ça qu'un jour l'ONU instaure une journée annuelle sans pollution, où tout ce qui est motorisé resterait à la maison hormis les ambulances, camions de pompiers et voitures de police, car pour moi, le vélo est un outil de paix, dit-il. En voiture, les gens sont agressifs et s'envoient promener, tandis qu'en bicycle, ils s'envoient la main et s'offrent un verre ! »


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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