La fillette aux fleurs
Bernard Viau
L'auteur est un résidant de Saint-Jérôme.
L'été commence et j'ai fait ma première randonnée sur la piste cyclable. L'an passé au cours de mes randonnées estivales, j'avais fait des expériences avec ma fille et cela m'avait permis de faire une découverte fascinante. J'ai passé l'été à refaire la même expérience car l'importance de la chose en valait la peine. (...) J'ai découvert un moyen infaillible de déclencher une réaction de bonheur chez l'être humain. Imaginez un instant les répercussions pour l'ensemble de l'humanité si mon expérience était reproduite par d'autres personnes; qu'on atteigne la masse critique nécessaire, une réaction en chaîne à l'ensemble de la planète; hallucinant !
Je vous explique la procédure. Vous devrez tout d'abord réunir les trois éléments suivants: une petite fille, une jolie robe et un bouquet de fleurs sauvages. Ce n'est pas très difficile, vous en conviendrez. Il faut une fille car un garçon avec des fleurs ne produit pas l'effet attendu. La robe est absolument essentielle car les vêtements modernes fades, uniformes et insignifiants diminuent grandement les réactions émotives observées. Les fleurs, pour leur part, doivent être des fleurs sauvages, seules capables de libérer l'imagination; j'ai essayé avec des fleurs coupées sur les terrains de la ville mais les réactions sont plutôt négatives, on me prend pour un sans-gêne qui donne un mauvais exemple à sa fille.
Tout a commencé un matin lorsque je suis sorti avec ma fille de trois ans pour une promenade sur la piste cyclable. Tout en marchant, j'ai commencé à lui ramasser des fleurs avec lesquelles elle se faisait un bouquet d'un air sérieux. C'est alors que se produisit une chose étonnante. La rencontre d'une petite fille, d'une jolie robe et d'un bouquet de fleurs sauvages déclenchait automatiquement des sourires tendres, des exclamations joyeuses et un agrandissement marqué des pupilles, bref une réaction spontanée de bonheur chez les gens que je croisais et cela, quel que soit leur âge, leur sexe ou leur statut socio-économique; je parle ici d'une réaction à caractère spontané où, l'espace d'un instant, le bonheur est nettement visible dans les yeux des sujets.
Évidemment la réaction n'est pas stable et doit donc être répétée à chaque jour pour que le bonheur puisse prendre un caractère permanent. (...)
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