Exaspérés, des cyclistes bloquent les véhicules garés illégalement dans les pistes cyclables
Nicolas Bérubé
L'usage commun veut que les pistes cyclables soient réservées au passage des vélos. À Toronto, elles accommodent aussi les camions.
C'est que, contrairement aux pistes montréalaises, les pistes de Toronto ne sont pas délimitées par des poteaux indicateurs. Seule une ligne tracée sur l'asphalte et une poignée de panneaux explicatifs indiquent leur présence. Résultat : les livreurs et les facteurs sont nombreux à y arrêter leur camion quelques minutes, obligeant ainsi les cyclistes à sortir de la piste et de se risquer dans le trafic.
Une situation potentiellement dangereuse qui, à la longue, use les nerfs des cyclistes. « Les conducteurs de camions ne respectent pas les cyclistes, explique Darren Stehr, un technicien de laboratoire qui utilise son vélo quotidiennement. Ils stationnent n'importe où, et ne cherchent pas à savoir s'ils ont le droit ou pas. Ils sont en infraction, mais la police ferme les yeux... »
Exaspérés par l'inaction des autorités, des cyclistes ont spontanément décidé de prendre les choses en main. C'est ainsi que M. Stehr a lancé, www.getoutofthebikelane.com un site Web où il publie les photos des camions pris en train de bloquer une piste cyclable.
Les actions de M. Stehr ne s'arrêtent pas là. Périodiquement, lui et une dizaine d'amis organisent des « block partys », des séances de blocage qui consistent à empêcher un chauffeur délinquant de repartir. Les participants ciblent un camion garé dans une piste cyclable et l'entourent quelques minutes, le temps de faire piaffer d'impatience son occupant affairé.
Mardi, lorsque La Presse l'a joint sur son téléphone cellulaire, M. Stehr était justement en train de participer à l'un de ces « block partys ». En une heure trente, ses amis et lui ont bloqué pas moins de 15 camions et six voitures. Tout ça, dans un bout de piste cyclable qui faisait 15 mètres à peine. Une goutte d'eau, dans les quelque 150 kilomètres de pistes que compte la Ville reine.
« C'est une façon de manifester notre ras-le-bol, explique Stehr. Il n'y a aucune violence physique. Nous expliquons calmement aux conducteurs que leur comportement est dangereux pour nous. Quand les cyclistes passent par là, ils nous encouragent ! On sent vraiment un ras-le-bol généralisé. »
N'est-ce pas là une mesure extrême ? Darren Stehr rétorque que c'est l'inaction des autorités qui pousse les cyclistes à faire respecter eux-mêmes leurs droits. « Les voitures ont deux voies pour circuler. Les cyclistes n'ont qu'une piste d'un mètre de large. Nous aussi, nous payons des taxes, nous avons le droit d'utiliser la chaussée. La police ne fait rien. La Ville ne fait rien. C'est à nous de changer les mentalités. »
À la Ville de Toronto, on affirme être au courant du problème du stationnement illégal dans les pistes cyclables.
« Nous savons aussi que des cyclistes organisent des « block partys », explique Aron Dunn, responsable des activités spéciales à la division vélo de la Ville de Toronto. C'est une mesure que nous n'encourageons pas, parce que ça met les cyclistes en conflit direct avec les conducteurs. »
La solution préconisée par la Ville : donner le mandat aux policiers de voir à ce que le règlement soit respecté. Dès la fin juin, dit-on, les policiers entreprendront une campagne d'information pour décourager les conducteurs fautifs.
Mais pour l'instant, la ville n'a aucune intention de mettre des poteaux pour délimiter les pistes cyclables, ce qui réglerait le problème une fois pour toutes. « Il n'y a pas de volonté politique, alors rien ne bouge, croit M. Stehr. Nous continuerons de nous battre tant et aussi longtemps que nos pistes ne seront pas sécuritaires. »
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