Simon Drouin
Après une saison 2002 difficile, la cycliste québécoise vient de réaliser trois podiums internationaux et prépare son mariage. Rencontre avec une athlète renouvelée.
À pareille date l'an dernier, Lyne Bessette se préparait à disputer la Coupe du monde du mont Royal sans grandes attentes. Son divorce avec l'équipe américaine Saturn n'était pas encore consommé et contraitement aux quatre années précédentes, elle n'avait pas participé au Tour de l'Aude en guise de préparation.
En fait, Bessette semblait plus préoccupée par la tangente que prendrait sa carrière sportive que par les 12 montées de la redoutable côte Camilien-Houde, qui rend l'épreuve montréalaise parmi les plus éprouvantes du circuit de la Coupe du monde. Sans équipe officielle ni agent, elle glanait des conseils à droite et à gauche. Sous les couleurs de l'équipe du Québec, elle prendra le sixième rang sur le mont Royal, un résultat fort satisfaisant compte tenu des circonstances.
Douze mois plus tard, c'est une Lyne Bessette sereine, souriante et, oserions- nous dire, transformée, qui a rencontré La Presse 48 heures avant le départ, de la sixième édition de l'épreuve de Coupe du monde (11 h 30, aujourd'hui, au sommet de la voie Camilien-Houde).
Elle s'est trouvé un agent (Érik de Pokomandy, de Slam Management, qui représente notamment Marc Gagnon), s'est déniché une commandite exceptionnelle pour une athlète dite amateur (la chaîne épicerie-santé Rachelle-Béry lui a accordé un contrat de trois ans dans les six chiffres) et a effectué un retour remarqué chez Saturn où elle a repris sa place de leader.
Avec un mariage qui se dessine pour l'automne, autant dire que la cycliste de 28 ans touche au bonheur après avoir vécu dans un véritable tourbillon en 2002.
«Au printemps, raconte-t-eHe, je suis allée m'entraîner en Californie avec mon copain (l'Américain Tim Johnson, aussi membre de Saturn). Un couple d'amis nous a hébergés. La femme, une ancienne joueuse professionnelle de tennis, est une psychologue familiale. On a beaucoup parlé et elle m'a vraiment aidée. Ayant été une athlète, elle sait exactement ce que je vis. J'ai réalisé que ça ne valait pas la peine de centrer son attention sur le petit point noir. Faut voir ce qu'il y a autour. »
Libérée de tout tracas, Bessette connaît une bonne saison 2003, avec des deuxièmes places derrière Geneviève Jeanson aux classiques Redlands et Sea Otter. La semaine dernière, au Tour de l'Aude, Bessette s'est de nouveau fait souffler la première place du podium, cette fois par 1'Allemande Judith Arndt, son ancienne coéquipière chez Saturn.
C'est un secret de polichinelle que Bessette et Arndt n'étaient pas de grandes amies chez Satum. La présence de l'Allemande n'était d'ailleurs pas étrangère à la décision de la Québécoise de quitter la puissante écurie l'an dernier.
Dans les circonstances, on se dit que le dénouement du Tour de l'Aude a dû être difficile à avaler.
«Pas du tout, réplique Bessette. Je finis deuxième au général, j'ai gagné une étape, Saturn a fini première au classement des équipes, ma coéquipière Manon (Jutras) a gagné le titre de la coureuse la plus combative, etc. Quand t'as le sentiment d'avoir tout donné, tu ne peux pas être déçue. Quand à Judith, une coureuse dont j'ai toujours apprécié le style, on s'est fait l'accolade sur le podium. Elle m'a dit qu'elle savait comment je pouvais me sentir.»
Bessette parle avec enthousiasme de la « nouvelle chimie » qui s'est installée au sein de l'équipe Saturn. Pour la première fois de sa carrière, elle peut compter sur la présence d'une compatriote québécoise, en l'occurence Manon Jutras, 35 ans, qui faisait équipe avec Jeanson chez Rona en 2001 et 2002.
«Ç'a vraiment cliqué entre nous, relate Bessette. Manon est excellente pour relativiser les choses. Elle a beaucoup travaillé avec les gens; elle a une façon de penser différente. Et ça fait du bien de pouvoir parler français au sein de l'équipe.»
On a demandé à Manon Jutras d'établir une comparaison entre Jeanson et Bessette. La cycliste originaire de Verdun s'est contentée de répondre qu'elle se sentait «très privilégiée d'avoir eu la chance de côtoyer deux athlètes d'exception». Chose certaine, Jutras, une ex-triathlonienne, est très impressionnée par le talent de Bessette. «Je pense qu'on ne soupçonne pas encore tout le potentiel de Lyne au niveau international», lance-t-elle.
En 2001, l'épreuve sur le mont Royal s'était terminée dans la controverse pour Bessette. La Québécoise n'avait pu se lancer à la chasse de Jeanson, car elle se devait de respecter la stratégie d'équipe visant à protéger une coéquipière leader au classement de la Coupe du monde. Aujourd'hui, Bessette aura le «feu vert», c'est promis.
page mise en ligne le 31 mai 2003 par SVP