12 décembre 2004


photo : Bob Skinner

Bon vent, mauvais vent, une fois la température tombée en dessous de zéro et les pistes cyclables squattées par les voitures, ils sont encore 50 000 à pratiquer le deux-roues dans les rues de Montréal. Pour garder la santé, par principe éthique ou parce qu'ils trouvent ça pratique, pour ces accros du vélo, rouler l'hiver est d'abord une affaire de plaisir... et pas nécessairement un sport extrême.

Aurore Lehmann

Seize kilomètres aller-retour. C'est la distance parcourue tous les jours par Patrick Duranleau à vélo. Matin et soir, été comme hiver, le jeune professeur emprunte invariablement, à quelques changements près, le même parcours entre son domicile, situé dans Saint-Henri, et l'école Simone Monnet, du quartier Côte-des Neiges. Un véritable entraînement quotidien pour celui qui, il y a à peine trois ans, pesait 200 livres et n'était pas, de son propre aveu, « un grand sportif ».

Pour Patrick, c'était d'abord une question de santé. Son père, diabétique, venait d'avoir un accident vasculaire cérébral et il ne voulait pas courir les mêmes risques. « Chaque fois que l'hiver arrivait je reprenais du poids. J'avais besoin de faire de l'exercice de façon très soutenue et l'activité la plus simple et la plus naturelle pour moi c'était le cyclisme. J'ai donc commencé à faire du spinning (sorte d'aérobic sur vélo d'intérieur) et à utiliser mon vélo pour aller au travail, même en hiver. »

Trois ans plus lard, Patrick a retrouvé la ligne et il est accro. La pratique du vélo d'hiver est devenu un réel plaisir et s'est muée en mode de vie. « Faire du vélo sur une neige fraîche, ça donne les mêmes sensations que faire du ski alpin. On glisse doucement. Cela ne doit pas être une course. Il faut profiter du moment. » La voiture, toute neuve, dort tranquillement dans la rue : « On ne s'en sert plus que les week-end et pour partir en vacances. Quand je démarre le moteur, c'est pour la changer de bord. »

Plus encore, il ne perd pas une occasion de vanter les mérites du vélo auprès de ses collègues. Une cause qui a pourtant du mal à se défaire des préjugés : « Ils m'ont vu arriver en vélo un jour de décembre où il était tombé un pied de neige. Ils m'ont dit que j'étais dingue. Pourtant, la traction en vélo dans une côte est excellente. On surestime beaucoup la difficulté que ça représente ! »

50 000 mordus
Selon l'organisme Vélo Québec, près de 50 000 Québécois de tous âges refusent de ranger leur bicyclette lorsque le froid s'installe. Certains pédalent pour économiser, d'autres par principe ou parce qu'ils n'ont pas de voiture. Mais la plupart le font aussi - et surtout - par plaisir.

Pour Geneviève Soucy, qui a choisi le vélo pour des raisons écologiques, c'est même une condition sine qua non. « Si je n'y avais pas trouvé de plaisir j'aurais arrêté depuis longtemps ! » Il lui a pourtant fallu trouver de la motivation auprès de son chum François Noël : « On a commencé ensemble, histoire de ne pas lâcher avec l'arrivée de l'automne. C'est le plus dur à passer. Après, quand il neige et que l'air est bon, ça devient vraiment agréable. » Geneviève et François sont assez fiers de ne pas avoir craqué depuis qu'ils s'y sont mis et s'entendent pour dire que le transport en vélo offre « une vraie liberté ».

Voiture ou vélo, pour Patrick, l'affaire est entendue : « J'ai fait des calculs et je gagne cinq bonnes minutes par trajet. À l'école il n'y a pas assez de places de parking pour les voitures, alors on tourne en rond pour se garer. Et je ne parle pas de la pollution engendrée par les moteurs qu'on laisse chauffer pendant de longs moments grâce aux démarreurs automatiques. Quant à l'argent, je dois être un des seuls à rire des hausses du prix de l'essence ! »

Aussi simple qu'en été ?
Pour défendre le vélo d'hiver, les arguments foisonnent. Mais pour que la pratique s'élargisse, il faut d'abord briser les idées reçues. Joël Paquin, responsable de la section vélo chez Moutain Equipement Coop, promeut depuis 15 ans l'utilisation du vélo comme moyen de locomotion quotidien. Pour répondre aux interrogations croissantes de ses clients sur la pratique du vélo en hiver, il a animé au début de l'automne un atelier spécial. L'objectif : désamorcer les craintes liées aux questions du confort et de la sécurité. Le message : pédaler en hiver est aussi simple qu'en été, hormis quelques ajustements.

« Les gens qui attendent le bus ou qui déneigent leur voiture ont froid, moi pas ! » aime à faire remarquer François. Les utilisateurs du vélo en hiver sont unanimes : pédaler tient chaud à condition de respecter quelques règles élémentaires en matière d'habillement, dont le fameux principe de la pelure d'oignon. Pour certains d'entre eux, c'est même tout juste si rouler à vélo n'est pas plus satisfaisant en hiver qu'en été. Joël parle de l'hiver comme de « la meilleure saison pour pédaler, parce qu'on n'est pas écrasé par la chaleur et aussi parce c'est la meilleure façon de brûler les calories et que l'air est bien moins pollué ».

Quant à la question du confort au travail, Patrick signale qu'un nombre croissant d'entreprises sont dotées de locaux réservés à l'entreposage des vélos : « L'entreprise pour laquelle travaille ma femme a même fait aménager une douche pour permettre aux cyclistes de se sentir tout à fait à l'aise. » Et même si on est encore loin de voir de telles améliorations partout, il reste des solutions de rechange : « Les enfants m'appellent Superman parce que je me change dans les toilettes de l'école ! »

Et la sécurité ?
À ce chapitre, tout le monde s'entend pour dire que le risque est beaucoup moins grand qu'on pourrait le penser.

Pourquoi ? D'abord parce que, comme le rappelle Patrick, « la majeure partie du temps, l'asphalte est sec. Le problème de la neige ne se pose que quelques jours au cours de l'hiver. »

Ensuite, parce que les collisions sont très rares. Les relations avec les automobilistes, pour François et Geneviève, constituent un faux problème : « ils font plus attention à nous en hiver qu'en été. Nous roulons au milieu de la rue, ils n'ont donc pas d'autre choix que de nous voir ! »

Côté conduite, Joël préconise simplement le respect des distances, histoire de pouvoir freiner plus longtemps. « Le même principe vaut pour les cyclistes et pour les conducteurs d'automobiles. »

Un principe qui vaut uniquement pour les adultes, car à défaut de pouvoir utiliser les pistes cyclables pendant l'hiver les bouts de choux, eux, doivent se contenter de la marche à pied.


page mise en ligne le 12 décembre 2004 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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