Le doc EPO veut retirer
son plaidoyer de culpabilité
« La saga journalistique est devenue invivable »
Maurice Duquette, l'orthopédiste montréalais qui s'était reconnu coupable d'avoir administré de l'érythropoïétine (EPO) à Geneviève Jeanson, veut retirer son plaidoyer.
Représenté par un nouvel avocat, Me Guy Cournoyer, le Dr Duquette a fait cette demande devant le comité de discipline du Collège des médecins, hier matin, repoussant ainsi les audiences fixées pour les représentations sur sanctions.
Le Dr Duquette, qui n'en est pas à un revirement près, veut retirer son plaidoyer pour les deux chefs d'accusation concernant Jeanson, dont celui d'avoir omis d'inscrire à son dossier l'administration d'EPO.
Au lendemain de son aveu de culpabilité, il avait d'ailleurs remis une lettre à Jeanson dans laquelle il niait ces allégations. On a appris hier que cette lettre avait été rédigée quelques heures avant l'enregistrement du plaidoyer, et ce, à l'insu de Me Jean-François Lepage, l'ancien avocat du Dr Duquette.
Ce dernier souhaite aussi un retrait de plaidoyer sur le chef relatif à une prescription d'EPO à un entraîneur, dont l'identité ne peut être révélée en raison d'une ordonnance de non-publication.
Enfin, le Dr Duquette ne reconnaît pas son aveu de culpabilité, au chef qui l'accusait d'avoir remis une ordonnance à une patiente lui permettant de se procurer un système de raréfaction d'oxygène. Cette patiente, une ex-cycliste, est à l'origine de la plainte contre le Dr Duquette. Son nom est aussi soumis à une ordonnance de non-publication.
Pression insoutenable
Témoignant pour la toute première fois devant le comité de discipline, le Dr Duquette a évoqué diverses raisons pour justifier sa demande pour le moins inhabituelle.
« Pour en finir avec cette saga qui durait depuis plus d'une année et dans laquelle je n'ai jamais pu exprimer mon opinion. Tout le monde était partout et la saga journalistique était devenue invivable », a d'abord indiqué le Dr Duquette, affirmant avoir senti de la pression émanant de son milieu de travail, l'hôpital Fleury, et de patients inquiets.
Le Dr Duquette soutient également ne pas avoir été informé de l'intention du procureur du syndic, Me Jacques Prévost, de faire la preuve lors des représentations sur sanctions que le Dr Duquette avait administré de l'EPO à Jeanson à plus d'une reprise. Avoir su, soutient-il, il n'aurait pas plaidé coupable. L'intimé a servi la même argumentation en ce qui a trait à la volonté du procureur de faire témoigner la cycliste à l'origine de la plainte.
De plus, le Dr Duquette, plutôt évasif devant certaines questions du procureur du syndic, soutient avoir été mal informé des conséquences juridiques potentielles de son plaidoyer. En clair, il craint une poursuite en responsabilité civile pour atteintes ou dommages à la réputation de Jeanson. L'avocat de cette dernière, Me Alain Barrette, avait d'ailleurs transmis, trois jours avant l'enregistrent du plaidoyer, une lettre au Dr Duquette lui demandant de considérer ces dommages.
L'ancien avocat témoigne
Devant ces allégations, Me Lepage, l'ancien avocat du Dr Duquette, a été appelé à témoigner. Ce dernier a soutenu avoir informé son client à deux reprises de sa responsabilité civile éventuelle.
Le témoignage de Me Lepage a également permis d'apprendre que le Dr Duquette, selon toute vraisemblance, cherchait un moyen de retarder le processus disciplinaire. Le 10 novembre, soit quelques heures avant l'enregistrement de son plaidoyer de culpabilité, l'orthopédiste a en effet évoqué la possibilité de congédier son avocat. Son plan consistait à revenir ensuite devant le comité de discipline pour affirmer s'être trompé avant de réembaucher Me Lepage une semaine plus tard...
L'avocat de Jeanson à l'affût
Me Alain Barrette, l'avoçat de Jeanson, a assisté aux débats, hier. Le 1er mars, sa cliente a été rencontrée par Me Cournoyer à Scottsdale, en Arizona. Dans un affidavit, Jeanson réitère, entre autres, qu'elle ne s'est jamais fait administrer de l'EPO par le Dr Duquette. (Aujourd'hui, la cycliste de Lachine doit par ailleurs prendre le départ de la Classique Redlands, une course par étapes se déroulant en Californie.)
La suite ? Demain, les membres du comité de discipline entendront les plaidoiries de Me Cournoyer et Me Prévost sur la requête du Dr Duquette. Ils prendront leur décision par la suite.
Si le passé est garant de l'avenir, ça pourrait donc prendre encore plusieurs semaines avant que Me Prévost ne puisse étaler sa preuve devant le comité.
page mise en ligne le 23 mars 2004 par SVP