6 mai 2001

La LETTRE DE LA SEMAINE

Attention ! Je sors mon vélo ...

Robert Davidson
L'auteur habite Montréal

C'est un Trek, un vélo américain, noir. Il a fière allure et les braves gens de chez Cycles Gervais Rioux lui ont refait une jeunesse l'automne dernier avant le remisage d'hiver. C'est dire qu'il est prêt, presque rutilant, et vaillant comme pas un. À son seul ronron docile, tapi dans son débarras, en attente du grand jour, on voit bien que le bon Trek a ce qu'il faut de vigueur et le coeur à la bonne place.

Il a bien hâte.

Je n'ai pas su, comme mon vélo, me refaire une jeunesse durant l'hiver. Gervais Rioux lui-même n'aurait rien pu faire même si je lui avais demandé avec insistance de me concocter quelque chose (on soupçonne maintenant qu'on peut faire toutes sortes de miracles dans le monde du cyclisme, à la régulière ou autrement). Je me suis simplement gardé en forme, malgré la morosité de l'hiver. C'était peu spectaculaire mais finalement la seule chose à faire.

Pour m'aider, j'ai placé une photo de Lyne Bessette en papier-peint sur mon écran d'ordinateur. Il me semble qu'un homme a bien le droit de se rincer l'oeil tout en puisant sa motivation.

Moi et moi vélo on est, comme on dit, «radis-radis-go !»

Or une once de prévention et douze mesures d'anticipation ne valent malheureusement rien contre quinze tonnes d'autobus. Car lorsque je lancerai ma saison vélo, il faudra bien me résigner à faire face à la dure réalité : le Trek, malgré toute sa bonne volonté, se fera lasser, «sqeezer», harceler, klaxonner et bousculer par tous les autobus que son chemin va croiser.

Ce n'est pas tout : il sera également une cible facile pour les automobilistes qui font la chasse ouverte à tout vélo qui s'aventure hors de l'asile des sages pistes cyclables où on voudrait bien le confiner. Sans parler des taxis. Alors là, les taxis, ils ont bien tous les droits, les taxis, Ils travaillent les taxis ! Qu'est-ce qu'ils ont à faire, les taxis, des pédaleux en short, du monde pas sérieux ?

Je fais appel à la clémence. Je demande le cessez-le-feu avant même le début des hostilités. Serait-il possible de s'entendre tout de suite sur un pacte de cohabitation pacifique ?

Parce que, j'ai beau être peace and love, franchement j'ai la chienne. Je me dis qu'il me faudra être constamment aux aguets; pire, peut-être même que je devrai me défendre, et je ne veux pas en arriver là.

Chers chauffeurs d'autobus, chers automobilistes, chers chauffeurs de taxi, nous sommes des milliers à rouler à vélo dans les rues de Montréal, pour aller au travail, pour faire des courses, pour faire ce que la vie ordinaire nous demande de faire, et nous aimerions penser que nous vivons dans une ville civilisée.

Est-ce qu'on peut se rendre jusqu'à l'automne ensemble ? J'aimerais arriver au prochain remisage tout d'un morceau.


page mise en ligne le 6 mai 2001 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVP@moncourrier.com