11 octobre 2003

Ça ne s'invente pas : Mario Perreault vide des fosses septiques. Le nom de sa business ? Vous devinerez jamais.

Mario à Marde.

« Il y a dix ans, quand j'ai lancé ma compagnie, ça s'appelait Fosses septiques Mario Perreault, raconte-t-il, au volant de son camion-citerne. Là, j'avais besoin d'un boost, tu comprends... »

Tout le monde dans le coin de Sainte-Béatrix l'appelait « Mario à Marde » parce que, justement, dans la vie, le moustachu vide des fosses septiques.

(Note aux gens de la ville : la fosse septique est le bac souterrain qui accueille ce que les gens de la campagne évacuent de leur toilette.)

« J'hésitais. J'avais peur que mes enfants, j'en ai deux, fassent rire d'eux autres, à l'école... »

Mais il y a cinq ans, un bon matin, Mario Perreault est officiellement devenu Mario à Marde. Il a fait venir le lettreur et il a écrit, en grosses lettres, sur son camion, le nouveau nom de son entreprise. Marlo à Marde. Trois fois.

Pis ?

« Mon chiffre d'affaires a augmenté de 50 % depuis ça ! J'ai bien fait. J'avais besoin d'un bon coup d'éclat, tsé. La compétition est forte... »

Boues de fosses septiques
J'ai passé un avant-midi avec Mario à Marde. Cinq pieds sept, 240 livres, 45 ans, fort comme un taureau. Moustache d'Astérix (mais Sainte-Béatrix, c'est pas en Gaule, c'est au nord de Joliette), l'oeil vif.

J'étais fasciné par l'audace de ce gars qui ose appeler les choses comme elles sont. Mais en le voyant pomper une fosse, je me suis demandé s'il n'y avait pas un nom scientifique pour, bon... pour ça.

« Comment t'appelles, ça, Mario ? »

Il m'a regardé, l'air un peu bizarre, comme si j'étais devenu vert.

« D'la marde! »

Mais il savait ce que je voulais dire, Mario, alors il a enchaîné, malicieux :
« Quand je vide la fosse de notables, comme des médecins, tsé, je prends un plus beau terme. Je dis que ce sont des boues de fosses septiques. Mais c'est la même chose. »

Il me racontait tout ça en pompant une autre fosse. Ça ne pue pas tant que ça, près de la fosse, bizarrement.

Mais près du camion, par contre, et par un effet chimique inexplicable, ça empeste davantage autour de la citerne qu'autour du trou.

Ça sent ce que vous pouvez imaginer (non, en fait, c'est pas vrai du tout, ça sent pire que vous pouvez imaginer).

Mario, à l'usage, a des narines d'acier :
« Moi, je sens rien... »

Et Mario n'a peur de rien. Surtout pas du ridicule : chez lui il me montre une photo. Trois gars avec des chapeaux de cow-boys, dans un rodéo. Tous assis sur des chaises. À droite, gigantesque, un boeuf.

« Un boeuf de 2 000 livres, dit Mario. Le concours, c'était le dernier qui se lève pour se sauver gagne le gros lot ... »

Devinez qui a gagné?!

Aucune honte
Son épouse, une coquette blonde aux yeux bleus, assume entièrement le nom insolite de l'entreprise. Appelez chez Mario et Guylaine répondra sans l'ombre d'une trace d'ironie:
« Mario à Marde bonjour... »

J'insiste. Ça ne s'invente pas.

Et l'hiver, Mario, l'hiver, qu'est-ce que tu fai? Les affaires doivent fléchir ?

« Janvier, février pis mars, je travaille comme portier. Doorman. »

Son sourire se perd dans sa moustache quand il me confie :
« Tsé, dans un bar, ça brasse, des fois! »

« Pis j'aime ça quand ça brasse... »

Mario ne prend de marde de personne !