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1er mars 2006

Quossa donne ?

Je ne comprends pas le trip du blogue. L'exercice lui-même - la liberté de publication, la liberté éditoriale, l'échange avec un lectorat - ça va. Je saisis. Je ne suis pas con à ce point.

Enfin, je peux saisir, même si je ne suis pas tout à fait convaincu que tout cela existe vraiment. Ce que je comprends mal, toutefois, c'est l'engouement, la folie autour du phénomène, l'incontournable urgence de bloquer. Sérieusement, quossa donne, comme disait Deschamps dans son monologue sur « les unions ». Alors, le blogue quossa donne ?

Le patron m'a demandé si, éventuellement, cela pouvait m'intéresser de bloquer ? Euh... Réponse peu édifiante, j'en conviens, mais sur le coup je n'en avais pas d'autres. En fait, je n'y avais jamais pensé. Suis-je donc à ce point dépassé ? Je n'ai pas de blogue et je n'ai pas pensé à m'en créer un. Hon ! Un dinosaure ! Voilà ce que je suis, un dinosaure dans un monde où, paraît-il, il se crée plus d'un blogue par seconde.

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En fait, la chose ne m'a jamais vraiment intéressé. J'ai bien jeté un oeil à la prose de l'un ou de l'autre à l'occasion, mais ça me laisse plutôt froid. Je trouve les bloques - ceux de certains collègues, ceux du blogueur ordinaire en général - plutôt banals, souvent sans rigueur, et rédigés dans la plupart des cas, même ceux de certains écrivains, dans une langue un peu paresseuse. Et puis, exception faite de quelques bloques qui visent juste, parce qu'ils servent d'outil social ou politique, quelque fois même d'arme, qu'est-ce qu'on raconte dans tous ces bloques ? Le temps qu'il fait ? Qu'on pète au lit avec elle comme le chante si librement Jamil ?

Le nombre, ici, n'est certes pas synonyme de qualité. Qui s'en sert vraiment et à qui donc est-ce que ça s'adresse ?

On en dit, des choses à propos des bloques. Le premier lieu commun, c'est qu'il s'agit d'un journal intime. Or, y a-tu quelque chose de plus plate que de lire le journal intime d'un autre ? Va encore pour celui qui, égocentriquement, l'écrit dans l'intérêt, croit-il, de la collectivité. Mais pour les autres ? N'est-ce pas sans intérêt de savoir qu'hier, tel auteur est allé à un lancement de livre pour y manger des canapés et boire un coup de rouge ?

Éric, un des garçons du restaurant L'Express, à qui je demandais son avis sur la chose a eu cette très belle phrase « T'as pas de vie, mais il faut que tu la cries. » Pas mal, non ? Sans parler du narcissisme nécessaire à l'exercice rédactionnel lui-même.

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La démocratisation de la parole ? Quoi ? Faites-moi rire. Tirer dans tous les sens, ce n'est pas la démocratie et encore moins le renouveau du débat démocratique. O.K., disons que l'accessibilité à la parole est une excellente chose, mais comment appelle-t-on le résultat quand même ceux qui n'ont rien à dire la prennent ? L'insignifiance ?

Je sais, je sais, le blogue est un véhicule de communication qui se veut anticonformiste. Il a été un outil percutant lors des émeutes dans les banlieues parisiennes. Il peut aussi servir d'opposition politique comme ce Daily kos.com aux États-Unis. Mais il ne s'agit que d'une goutte dans un océan de médiocrité.

Et puis, patron, à vrai dire, je crains un peu. Vous allez comprendre. Dans une analyse coiffée du titre amusant de «Bloghorrée saisonnière», un journaliste européen, Philippe Baraud, a écrit ceci :
« Le blogue a même des effets pervers chez les professionnels. On voit des chroniqueurs de talent négliger ce qu'ils faisaient bien avant pour se consacrer à l'alimentation d'un blogue de peu d'intérêt fait de petites choses qui remplissent nos vies et ennuient les autres. Ce qui montre que tout travail d'écriture exige une discipline rigoureuse et qu'à l'inverse, le blogue ne débouche neuf fois sur dix que sur des textes médiocres, bâclés et non indispensables. » Je ne sais pas si j'ai du talent, patron, mais, blogue ou pas, peut-être vaut-il mieux ne pas négliger ce que j'essaie de bien faire.


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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