17 mars 2006
Jacques Benoît
La proportion de vins bouchonnés, ou douteux, ne cesse d'augmenter, estiment à peu près tous les dégustateurs qui sont appelés à goûter beaucoup de vins. On parle en effet aujourd'hui d'au moins 3%, certains vont jusqu'à 5% ou 7 % de bouteilles qui seraient plus ou moins bouchonnées.
Ainsi, il n'y a pas si longtemps, sur 11 vins goûtés au cours d'une même fin de semaine, j'eus la malchance d'en avoir deux de carrément bouchonnées. Plus deux de suspectes et qui s'avérèrent finalement bouchonnées elles aussi. Quatre sur 11 ! Affreux, d'autant plus que figurait dans le lot des bouchonnées un porto millésimé 2003 extrêmement réputé...
La cause des odeurs et du goût de bouchon, rappelons-le, est une moisissure qui attaque le liège, à savoir une molécule du nom de trichloroanisol (TCA).
Et les fabricants (les bouchonniers, dit-on) ont beau tenter d'aseptiser leurs bouchons de toutes sortes de manières, le problème subsiste, et même, donc, s'amplifie.
Dans un article paru cet hiver dans la circulaire du producteur de Bourgogne J.Moreau & Fils ( Atasteof Moreau ...), le viniculteur Denis Gigault dit voir un lien de cause à effet entre la hausse de la demande mondiale et l'augmentation désastreuse de ce phénomène.
«En effet, écrit-il, afin de répondre à la demande croissante, les bouchonniers ont dû diminuer considérablement le temps de mûrissement du liège en milieu naturel. De 10 ans auparavant, il est passé à trois ans en moyenne aujourd'hui.»
Autrement dit, le fait d'écorcer les chênes-lièges tous les trois ans, plutôt que tous les 10 ans, en serait la cause, sinon l'une des causes.
La réaction est en cours, comme on sait. On trouve en effet de plus en plus de vins vendus à prix doux bouchés avec un bouchon en matière plastique souple.Et puis, les capsules métalliques à vis (screw cap) sont elles aussi utilisées davantage, mais, du moins sur notre marché, moins présentes que les bouchons en matière plastique.
Le bouchon en matière plastique semble destiné à ne boucher que des vins à boire jeunes, car on tend à penser qu'avec le temps il communiquerait aux vins des arômes de nature synthétique. De plastique, justement...
La capsule à vis, tout l'indique, a un avenir beaucoup plus prometteur. Car elle peut être totalement hermétique, ou encore comme le bouchon de liège elle peut laisser passer dans le vin des quantités déterminées d'oxygène, selon le degré d'étanchéité du joint qui se trouve à l'intérieur. Bref, on peut la fabriquer sur mesure.
Des viticulteurs français réputés, tels Michel Laroche de Chablis et André Lurton de Bordeaux, ont donc lancé des expériences avec des vins blancs, des bouteilles étant bouchées avec du liège et d'autres du même vin avec des capsules à vis.
Mercredi 8 mars, André Lurton, de passage de ce côté-ci de l'Atlantique, a ainsi fait goûter, côte à côte, son Pessac-Léognan 2003 blanc Château La Louvière et le Pessac-Léognan 2003 blanc Château Couhins-Lurton, tous deux bouchés des deux façons.
Car, expliquait-il, «après cinq ou six ans» les bouteilles d'u nmême vin blanc bouché avec du liège sont toutes différentes, à cause de la plus ou moins grande étanchéité des bouchons.
Le résultat, 2003 ayant été le premier millésime où il a conduit cette expérience, en utilisant des capsules à vis totalement hermétiques ?
En bref, les deux vins à capsule à vis présentaient des caractères de vins jeunes plus marqués, avec un fruité plus expressif, avec aussi,m'at-il semblé, des notes de soufre au nez (le soufre n'était plus perceptible dans le cas des deux autres), et, enfin, une acidité plus vive. Autrement dit, ils sont restés plus jeunes.
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