6 août 2006
New York Times - Les temps ont changé. Armés de nouvelles connaissances pour faire face à des conditions de chaleur, d'humidité et de pollution extrêmes, les entraîneurs de l'équipe américaine de jogging ont déjà commencé à préparer les Championnats du monde d'Osaka de 2007 et les Jeux olympiques de Pékin de 2008.
Les athlètes ne sont même pas encore sélectionnés. Mais les physiologues et les entraîneurs prévoient tout, d'un examen détaillé des parcours jusqu'aux produits qui peuvent prévenir la déshydratation et aux méthodes pour courir dans l'air extrêmement pollué en Chine. « On ne peut pas simplement espérer connaître une bonne journée », dit la Dre Gloria Balague, de l'Université de l'Illinois.
Le Dr David Martin, professeur à l'Université de Géorgie, a quant à lui analysé les résultats chez les hommes et calculé que la température optimale pour courir un marathon était d'environ 12°C. Les temps, dit-il, augmentent d'une minute ou plus par tranche de 4° supplémentaire, parce qu'il devient plus difficile pour le corps de se refroidir.
Lorsque l'air est humide, la sueur ne s'évapore pas facilement, alors le coureur transpire encore plus. Le volume du sang diminue et le corps doit faire un choix: envoyer le sang vers la peau pour le rafraîchissement ou vers les muscles pour la performance. Il choisit la peau.
Le résultat est prévisible, dit le Dr Martin. Comme moins de sang se rend aux muscles, les coureurs ralentissent et finissent par abandonner. Il faut donc trouver le rythme le plus rapide pouvant être maintenu pendant 42 km. Un rythme trop élevé mène à l'abandon. Un rythme trop lent, à un piètre résultat. «Il faut trancher le dilemme», dit la Dre Balague.
Bien sûr, ajoute-t-elle, les coureurs ne devraient pas utiliser de crèmes, pas même d'écran solaire, parce qu'elles ajoutent une barrière à l'évaporation de la sueur. Il peut sembler logique de boire autant d'eau que possible avant la course - et les coureurs le font - «mais ça ne fonctionne pas», dit-elle. Car cela a pour effet d'augmenter le volume sanguin, et le corps réagit en s'en débarrassant par l'urine.
«Il faut augmenter la quantité de fluides organiques d'une autre façon», dit le Dr Martin.
Il ajoute que la glycérine, un liquide sirupeux vendu en pharmacie comme lubrifiant, est une façon légale et sûre de le faire, grâce à ses propriétés inhabituelles. Chaque molécule de glycérine absorbe trois molécules d'eau. Pendant la course, le corps utilise la glycérine comme énergie. Et chaque fois que le corps métabolise une molécule de glycérine, «trois molécules d'eau sont relâchées», dit le Dr Martin.
Le résultat, dit-il, équivaut à «avoir de l'eau en banque.»
L'apport de glycérine, ajoute-t-il, devrait être réservé aux demi-marathons et plus, quand les coureurs s'affrontent sous une chaleur intense pour au moins une heure et demie.
Mais ce truc n'est pas très connu, et c'est bien ce que le Dr Martin souhaite. Lui et ses collègues l'ont étudié au début des années 90, en le testant avec des athlètes et en leur demandant s'il causait quelque inconvénient et s'ils pouvaient terminer une course de 32 km par temps chaud et se sentir bien.
Les chercheurs voulaient protéger la paternité de leur découverte; ils ont donc publié leurs résultats. Mais comme ils ne voulaient pas qu'ils soient connus de tous les marathoniens, ils les ont publiés dans un journal suisse de triathlon, Der Laufer, écrit en allemand.
New York Times - Quand Steve Spence est arrivé à Tokyo en août 1991 pour participer au marathon du championnat du monde, il a su immédiatement que ce serait pénible.
La ville était chaude et humide et l'air très pollué. M. Spence avait l'impression de ne pas pouvoir prendre une respiration complète. Son conseiller, David Martin, un physiologue, était d'accord. C'était, selon le Dr Martin, « les conditions les plus difficiles jamais vues pour un championnat du monde. »
Mais M. Spence, qui est maintenant entraîneur de cross-country à l'Université Shippensburg de Pennsylvanie, s'était entraîné longuement et durement pour la course, les Championnats du monde de la Fédération internationale d'athlétisme.
Il avait tellement couru que le mille (1,6 km) en cinq minutes lui paraissait comme un «jogging». Mais son entraînement avait été épuisant : il dormait 10 heures par nuit et faisait une sieste de deux heures chaque après-midi. Son programme d'entraînement de 225 km par semaine était exigeant au point qu'il avait besoin de 5000 calories par jour pour se sustenter. « J'étais écoeuré de manger », dit-il.
Lui et le Dr Martin avaient planifié sa préparation par essais et erreurs, se souvient M. Spence. « Nous nous étions débrouillés tant bien que mal. » L'expérience de M. Spence démontre que la préparation et la planification- même sans les avancées de la dernière décennie- peuvent déterminer le vainqueur d'une course.
À 6h, le matin de la course à Tokyo, la température dépassait déjà les 20° et l'humidité était élevée. M. Spence savait qu'il ne pourrait pas maintenir son rythme habituel dans de telles conditions. Sa stratégie était donc de courir moins vite que d'habitude et d'espérer que son entraînement lui permettrait d'accélérer à la fin, quand les coureurs les plus rapides ralentiraient la cadence.
Le signal du départ fut donné et les autres coureurs prirent rapidement la tête. « On commence à se demander où on est, se rappelle M. Spence. Les meneurs étaient tellement loin devant moi que je croyais ne jamais les rattraper. » Allaient-ils vraiment ralentir et perdre du terrain dans la course de 42 km ? Ce fut le cas pour plusieurs: 40% des coureurs ne terminèrent pas la course. M. Spence arriva troisième, 40 secondes derrière le gagnant, avec un rythme moyen de 5minutes 11 secondes au mille. Il est un des rares marathoniens américains à avoir remporté une médaille lors d'un championnat du monde.
« Étais-je la troisième personne la plus en forme de la course ? Absolument pas, dit M. Spence. Étais-je le troisième plus talentueux ? Absolument pas. » Selon lui, son entraînement et sa stratégie ont fait la différence.
Dix jours avant les championnats du monde à Tokyo, le Dr Martin a dit à Steve Spence d'essayer de consommer de la glycérine. « Il m'a dit que cela m'aiderait à m'hydrater. J'ai posé plusieurs questions. J'étais très sceptique parce que je ne voulais pas gâcher ma course. Mais il m'a assuré que cela ne causerait aucun problème. »
Il l'a essayé lors de l'entraînement et l'a utilisée dans la course. « Je crois vraiment que cela m'a aidé », dit M. Spence.
page mise en ligne par SVP
Consultez
notre ENCYCLOPÉDIE sportive