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                                                          CLAIR DE TERRE
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Xeen – avril 2003

genre : romance Sam et Jack / vignette (avant la saison 7)
spoilers : toute la saison 6
disclaimer : Stargate SG-1 -Metro-Goldwyn Mayer Inc./UA, MGM Worldwide Television, Gekko Corp., Double Secret Productions, SciFi Channel - all rights reserved

*

Jack leva la tête vers les étoiles.
Tout lui paraissait étrange sur ce monde.
Dès que j'ai passé la porte, je me suis senti mal à l'aise, comme revenu au début, pendant les premières missions. Depuis combien de temps aller de planète en planète n'était-il plus qu'une routine monotone ?

Ca fait des lustres que je ne me suis pas éclaté en mission, au nom du ciel !

Comment est-ce que j'ai pu me laisser manipuler comme ça par ce serpent ? Le souvenir de ce qui venait de se passer sur Abydos crispa ses traits.
Il leva les yeux au ciel, ultime réflexe d'un ancien croyant. Non. Tout cela n'existait plus depuis qu'il avait tué Charlie… et tous les autres depuis. La mort de ces centaines d'innocents sur Abydos n'avait pas fait ciller ce dieu inique dont se réclamaient désormais les guerres modernes. Le bien contre le mal…

Foutaise !

Il me faut de l'action.
Pour oublier.
Pour avoir une chance de me racheter.

Et surtout dormir.
J'ai l'impression de ne pas avoir dormi depuis une éternité.

Teal'c en arrive à me taper sur les nerfs avec son air sentencieux. Il continue de faire bande à part avec le nouveau. L'homme à la banane au propre comme au figuré. Une grimace plutôt qu'un sourire.
Ce type est un estomac ambulant ! En plus, il fait rire Teal'c… Evidemment, quand le Jaffa sourit, ce n'est plus Teal'c… pas vraiment.

Il fronça les sourcils et s'absorba dans la contemplation de ses rangers.

Ca doit être ça que Carter appelle ma "jalousie maladive". C'est vrai, je ne supporte pas que le nouv… Jonas passe autant de temps avec Teal'c.

Il haussa imperceptiblement les épaules.

Sûr que je l'ai cherché. J'aurais pas dû le traiter d'extraterrestre, mais c'était pas exprès ! Surtout maintenant qu'il lit dans le marc de café. Il faudrait que je tourne ma langue plus de fois dans ma bouche avant de dire...
Son visage s'éclaira.
Enfin, si, c'est exactement ce que je voulais dire, j'aurais pas dû le dire de cette façon. En tout cas, c'était pas une raison pour que Carter se moque de moi à propos de ce que je ressentais pour Teal'c.
Elle pouvait parler, tiens !
Qu'est-ce qui m'a pris de penser qu'un jour, je pourrais aller choisir un chiot avec elle dans le premier refuge venu et le laisser monter sur notre lit ? Elle est aussi proche de moi que la technicienne que je croise tous les jours en allant prendre son petit déjeuner au mess.
A y réfléchir, cette technicienne est même certainement plus proche de moi que ne le sera jamais plus Carter.

O'Neill remua sa jambe droite engourdie et redressa le P90 pour s'appuyer dessus. Les yeux étrécis, il leva la tête vers les nuages filant à l'horizon.

Même si Jonas prétend le contraire, je jurerais qu'on sent la lavande… Mais qu'est-ce qu'un mec venu de Kelowna pouvait connaître à la lavande de toute manière !

Il plissa les yeux et les étoiles se mirent à briller d'une manière diffuse. Un pulsar lança un éclat jaune et un nuage passa devant la planète qui se détachait sur le ciel presque noir.
Jamais je ne m'y ferais. Contempler un clair de planète… c'était tout bonnement hors nature.

Il hocha la tête sentencieusement et se reprit son observation de la voûte céleste.

Jonas était plongé dans le sommeil du juste, appuyé sur son sac à dos, les mains croisées sur l'abdomen. Teal'c continuait à respirer presque sans bouger. Le Jaffa venait d'effectuer cinq gardes d'affilée. Il avait sombré brutalement dans un sommeil profond dès qu'il avait pu se le permettre sans passer par la case kelno'reem. Son ronflement discret et régulier le berçait et il se sentit doucement dériver vers le premier sommeil quand il entendit clairement un sanglot se répercuter dans le vallon.

O'Neill soupira. Encore des voix.

Enfin, au moins cette mission serait une véritable partie de campagne.
Pas de faune nuisible, (pour l'instant rectifia-t-il malgré lui), pas d'aliènes belliqueux, pas de flore toxique, Hammond avait voulu les bichonner après ce sauvetage sur P2X machin truc.

Seulement, ça ne marchait pas.

Ils étaient incapables de se regarder dans les yeux.
Une équipe de zombies.

Il cracha par terre à sa droite et s'essuya avec la main.

Bon, cette fois-ci, ce n'était pas son imagination. Quelqu'un pleurait.

Enfin, Carter pleurait.
Est-ce qu'il fallait qu'il aille lui prêter une épaule ? Il était devenu spécialiste ces derniers mois. Une épaule, c'est tout ce qu'il était devenu.

Tu as raté ta chance mon vieux, pas la peine de venir te plaindre maintenant. Il eut un sourire à la pensée de sa propre tête abandonnée sur l'épaule de Teal'c.
Le sommeil lui faisait vraiment défaut. Il se leva avec difficulté, s'appuyant de tout son poids sur le P90, et secoua la jambe. Il avait l'impression qu'on déversait du plomb fondu son articulation. Il n'arriverait pas à faire illusion très longtemps. A lui les bureaux… ou la retraite. Il était foutu pour l'active.


"Alors Carter ? Vous avez l'intention de réveiller tout le monde ?"  interrogea-t-il d'un air bourru.
Elle sursauta et s'essuya les joues d'un revers de manche avant de lever un visage ravagé par les larmes. Il se mordit les lèvres et s'en voulut immédiatement. Ce n'était pas la bonne entrée en matière. Trop tard. Et lui qui parlait de bonne résolution cinq minutes plus tôt ?
O'Neill tu n'es qu'un sale…

"Je suis désolée mon colonel. Je me suis laissée aller."

Il haussa les épaules et s'assit lourdement. A cause de son genou, il avait des difficultés à faire les gestes les plus simples. A demi-allongé, il s'appuya sur un coude et attendit. Il savait par expérience que cela ne servait à rien de presser Carter. Elle finissait toujours par cracher le morceau…. Ou pas. La nuit était jeune, il avait tout le temps.
Il l'observa qui tentait de refouler les larmes et il entendit un sanglot s'étouffer dans sa gorge.
Patience.
Il posa la main sur le sol, à côté du sac de couchage. Qui ne tente rien, n'a rien…

Si on lui avait dit qu'il aurait un jour cette attitude avec une femme, son second qui plus est, il aurait chassé l'importun d'une chiquenaude. Sa séparation d'avec Sara l'avait aspiré dans une spirale de conquêtes plus ou moins romantiques. Sans qu'il essuie un seul refus.

Et il était là, sur cette lune, à des milliers d'année-lumière de la Terre, en train de bloquer sur Carter.

Carter en treillis, le visage barbouillé de terre et de larmes, toute frêle dans son sac de couchage de l'armée qui reniflait comme une ado.

Pitoyable.
Il était pitoyable.
Ils étaient pitoyables.
Après tout, cette réglementation ne s'appliquait que si les parties en présence ne ressentaient rien les unes envers les autres. Son attachement pour le major Carter le rendait tout autant susceptible de se planter en mission qu'une liaison déclarée.

Son attachement ?!

Ecoute-toi mon pauvre ami. Tu es incapable d'appeler les choses par leurs noms. Tu n'es pas amoureux de Carter. Si c'était le cas, tu aurais réglé le problème depuis un moment.

Me voilà revenu à l'adoption de ce foutu chien ! pensa-t-il en se penchant vers Carter.

"You-hou ! Y a quelqu'un ?"
"Je suis désolée..."
"Je sais, vous me l'avez déjà dit. Vous ne pourriez pas m'en dire davantage, Carter ? Me donner une piste ?"
Elle lui adressa une grimace qui pouvait passer pour un sourire. Un début de sourire.
"Voilà, c'est mieux," l'encouragea-t-il.
Décidément, il ne savait pas comment s'y prendre avec elle.

Et s'il oubliait qu'elle était ELLE justement.
S'il agissait avec elle comme avec toutes les autres ? Ca les faisait craquer, non ?…

"La mission," lui souffla sa conscience.
"Quelle mission ?" répondit une petite voix résolue au fond de son crâne.
"Les cinq jours de repos au frais du contribuable sur une lune déserte," répondit son Jiminy Cricket personnel.
"C'est ça oui…" répondit la voix d'un ton goguenard. "Fais avaler ça à d'autres. Tu as peur de te planter. Ca ne va pas plus loin."
"Et alors ?"
"Et alors ? Tu as passé l'âge de tergiverser. Tu t'es regardé dans une glace récemment ?"

Il tendit la main et l'attrapa par le poignet pour l'attirer contre lui. Elle se laissa faire sans protester.

"Tu vois ?" triompha la petite voix.
"Tais-toi !" grogna O'Neill.

"Je vous écoute, Carter."
Il mit sa main sur sa tête et imprima une pression. D'un seul coup, elle se laissa aller contre lui comme une chiffe et éclata en sanglot. La force de l'habitude, pensa O'Neill avec cynisme. Qu'est-ce qu'il lui restait d'autre ?

"C'est le mariage, mon colonel. Le mariage de Skaara," elle reprit son souffle au milieu des sanglots. "J'avais imaginé la cérémonie et puis je m'étais dit qu'on aurait pu retrouver mon père après et… je ne sais même pas où il est, ni s'il est…"
Elle secoua la tête. Jack lui donna un mouchoir et attendit. Elle se moucha à plusieurs reprises avec force bruit déclenchant un sourire sur le visage du colonel.
"Et voilà… Des fois, j'ai envie d'être chez moi avec un bon polar et un verre de Chablis…"
"… et une pizza…"
"… un bon cd…"
"Jazz ou opéra ?"
"Comme vous voulez."
"Carter, c'est votre rêve pas le mien."
Il retint un soupir. Pourquoi fallait-il qu'il casse l'ambiance ?
"Justement," répondit-elle d'une petite voix, "vous ne croyez pas qu'il serait temps que ce soit notre rêve? Combien de morts avant que…"
Il la serra contre lui.
"Vous êtes sûre que c'est ce que vous voulez ?"
Il la sentit qui se détachait de lui. Il la retint, appuyant sa tête contre son épaule, l'empêchant de bouger. Pas maintenant. Pas tout de suite.
"Parce que cette fois-ci, je ne vous laisserais pas dire que nous avons attrapé un virus ou que nous avons été enlevés par des extraterrestres."
Elle gigota dans ses bras, secouée par un éclat de rire.
"Embrasse-moi Fox," dit-elle.
"Tout ce que tu veux Dana," répondit-il en la sortant du sac de couchage. "A une condition."
Elle leva la tête vers lui, les lèvres entrouvertes.
"De la bière avec la pizza, s'il te plaît."


FIN