Pierre de Ronsard

Poèmes gaillards et amoureux

Sonnet

Le temps s'en va ...


Sonnet

Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi,
Haleine contre haleine, échauffe-moi la vie,
Mille et mille baisers donne-moi je te prie,
Amour veut tout sans nombre, amour n'a point de loi.

Baise et rebaise-moi ; belle bouche pourquoi
Te gardes-tu là-bas, quand tu seras blêmie,
A baiser (de Pluton ou la femme ou l'amie),
N'ayant plus ni couleur, ni rien semblable à toi ?

En vivant presse-moi de tes lèvres de roses,
Bégaie, en me baisant, à lèvres demi-closes
Mille mots tronçonnés, mourant entre mes bras.

Je mourrai dans les tiens, puis, toi ressuscitée,
Je ressusciterai ; allons ainsi là-bas,
Le jour, tant soit-il court, vaut mieux que la nuitée.



Le temps s'en va ...

Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame,
Las! le temps non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame,

Et des amours, desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle :
Pource aimez-moi, cependant qu'êtes belle.


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