Elle est la fille de Louis Hébert et de Marie Rollet, mariée à Guillaume Couillard le 26 août 1621, née probablement à Port-Royal1 vers 1606, morte à Québec en 1684.
A la mort de Louis Hébert, sa fille Guillemette et son mari, Guillaume Couillard, héritèrent de la moitié de ses biens. Guillaume Couillard devint le chef de la famille, car le frère de sa femme Guillaume, était encore mineur. Jusqu'en 1632, la maison Hébert, sise sur le bord de la falaise, était la seule habitation privée à Québec. Il y avait un peu plus loin le petit fort en bois construit par Champlain et juste au-dessous de celui-ci, au bord du fleuve, l'Habitation flanquée de la petite chapelle des Récollets. Les deux seuls autres bâtiments qui comptaient étaient le couvent des Récollets et celui des Jésuites, situés à un mille de là sur la rivière Saint-Charles et au-delà d'un bois épais. Guillemette et sa mère restaient souvent seules chez elles, car Couillard passait bien son temps sur le fleuve, et le serviteur, Henri, venu de France avec les Hébert, avait été massacré par les sauvages l'année même de la mort de Louis Hébert (1627).
Comme ses parents, Mme Couillard s'intéressait aux petits Indiens et fut la marraine d'un grand nombre d'entre eux. Après la capture de Québec par les Anglais en 1629, elle accueillit chez elle Charité et Espérance, deux des trois petites Indiennes protégées par Champlain, que celui-ci avait voulu ramener en France. David Kertk ayant refusé d'autoriser ce voyage, les petites filles demandèrent d'être envoyées chez Mme Couillard. Ce devait être un foyer cosmopolite, car il comprenait en outre Olivier Le Jeune Port-Royal2 , un petit nègre malgache que les Anglais avaient vendu à Olivier Le Baillif et dont celui-ci avait fait don à la famille Couillard. Guillemette et sa mère veillèrent à son instruction religieuse, et il fut baptisé en 1663. En 1648, les Couillard avaient d'autres serviteurs et dix enfants ; c'était un ménage bruyant, voire indiscipliné, si l'on en croit le Journal des Jésuites. Au mariage de la troisième fille Elizabeth, en novembre 1645, deux violons chose inouïe au Canada accompagnaient les chantres de la chapelle. Le début des année 1660 fut toutefois pour Mme Couillard une période très pénible. Deux de ses fils, d'abord Nicolas, âgé de 20 ans, puis Guillaume, âgé de 27 ans, et son neveu Joseph Hébert tombèrent victimes des Iroquois (1661-1662) et son mari décéda au mois de mars 1663.
Riches propriétaires terriens (les Hébert possédaient des terres en plus de leur concession primitive), Mme Couillard et son mari avaient fait divers dons à des fins charitables et religieuses: à l'église en 1652 et à l'Hôtel-Dieu en 1655 et en 1659. Devenue veuve, elle vendit à Mgr de Laval, en 1666, le terrain nécessaire à la construction du petit séminaire. Les jeunes de sa famille s'opposèrent énergiquement à la vente de cette propriété de grande valeur (le fief du Sault-au- Matelot) où son mari et elle s'étaient d'abord établis. Le litige amorcé par les héritiers présomptifs devait se poursuivre pendant des générations, voire jusqu'au XXe siècle.
Le contrat de vente fut passé le 10 avril 1666, par Romain Becquet, en présence de Charles Basire et de Claude Charpentier. Madame Couillard vendit son terrain 8,000 livres. Afin de donner toutes les facilités de paiement elle n'exigea tout d'abord que 1,000 livres de Mgr de Laval, qui s'engageait à lui payer 3,000 livres au mois de septembre suivant Port-Royal3 , de même que l'intérêt annuel sur les 4,000 livres restant. L'oeuvre du petit séminaire fut inaugurée en 1668, dans la maison de madame Couillard.
Les enfants de madame Couillard n'approuvèrent point, à ce qu'il paraît, la vente de ce terrain. Ils auraient voulu vivre et mourir dans cette demeure où ils avaient coulé les années de leur enfance et de leur jeunesse. Cette vente, tout en les privant du revenu des cens et rentes que le titre de concession leur accordait, les obligeait à commencer sur des concessions nouvelles les mêmes travaux de défrichement que Louis Hébert et Guillaume Couillard avaient entrepris. C'est d'ailleurs ce qu'ils firent, puisque Louis Couillard de Lespinay, en 1669, acquit la seigneurie de la rivière de Sud, tandis que son frère Charles devenait propriétaire de la seigneurie de Beaumont.
Ces raisons bien légitimes furent la cause de froissements qui attristèrent les dernières années de madame Couillard. Toutefois cette digne fille de Louis Hébert ne se laissa point arrêter par l'intérêt personnel ni par les protestations de ses enfants Port-Royal4 . Elle prévoyait sans doute que le séminaire de Québec rendrait des services signalés à la religion chrétienne. C'est pourquoi elle consentit à vendre son riche domaine, moyennant une somme relativement peu considérable.
Chagrinée sans doute par cette querelle de famille et devenue invalide, elle se retira au couvent de l'Hôtel-Dieu et y vécut pensionnaire jusqu'à sa mort. Lorsque, en 1678, on exhuma les restes de son père pour les déposer ailleurs, elle se fit transporter à la chapelle des Récollets afin d'assister à la cérémonie. Le 12 octobre 1683, elle fit son testament Port-Royal5 devant le notaire Romain Becquet. Elle s'éteignit le 19 octobre 1684, à l'âge d'environ 78 ans, et fut inhumée, le 20, à côté de son mari dans la chapelle de l'Hôtel-Dieu. Elle laissait alors plus de 250 descendants.Port-Royal6
Notre-Dame de Québec
Le vingtième jour du mois d'octobre de l'an mil six cent quatre-vingt-quatre, Marie-Guillemette Hébert, veufve de deffunt le sieur Guillaume Couillard, âgée de soixante et dix-huit ans, ou environ, en la Salle des pauvres de l'hôpital, est décédée en la communion de Notre Mère la Sainte Eglise, après avoir reçu les saints Sacrements de Pénitence, de Viatique et d'Extrême-Onction, de laquelle le corps a été inhumé le jour suivant dans l'Eglise des Religieuses du dit hôpital, et ont assisté à son inhumation le sieur Lucien Boutteville, marchand, et Estienne Marandeau, huissier en la Prévoté de Québec, lesquels ont signé ainsi:
Boutteville, Marandeau, H.de Bernières.
Signé : Esp. Chenet, prêtre vicaire.
Notes: -
1- Dans la troupe de De Monts (1604) il n'est fait aucune mention de femmes. Guillemette, paraît être né en 1606; mais en supposant que ce fût en 1605 ou en 1607, il est justifiable, de penser de lui donner Port-Royal pour berceau. Elle serait alors la première-née dans la Nouvelle-France.
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2- Le premier esclave que nous puissions identifier au Canada français. Il venait de Madagascar ou, selon une autre version de la Guinée. Document du 20 août 1638, ASQ, Document Faribault, 17. Et RJ, V:196.
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3- En 1671, Madame Couillard reconnaît avoir reçu 3,000 livres. Le 5 février 1688, les 4,000 livres restant furent payées aux héritiers.
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4- Le 25 octobre 1666, cette dernière révoqua une donation qu'elle avait faite conjointement avec son mari, à Jean Guyon du Buisson, époux d'Elizabeth Couillard, "pour cause d'ingratitude et de mesreconnaissance..."
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5- Aux mères Hospitalières elle légua cinq cent livres; cent aux pauvres de l'Hôtel-Dieu; cent aux Pères Récollets; mille à Gertrude du Tilly; cinquante à l'église de Saint-Joseph de Lévis; pareille somme à la Congrégation de la Sainte-Famille.
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6- Il est fait brièvement mention de Mme Marie-Guillemette Hébert dans Sagard, Histoire du Canada (Tross), Champlain, Oeuvres (Biggar), et dans les registres des Jésuites.- Ses fils et ses serviteurs sont mentionnés dans le Journal des Jésuites (JJ (Laverdière et Casgrain), et JR (Thwaites), passim).- Chrestien Le Clercq, qui a séjourné au Canada de 1673 à 1687 et s'est souvent entretenu avec Mme Couillard, donne des détails sur la dernière partie de sa vie (V. First estabishment of the faith (Shes), passim).- Pour plus de renseignements, consulter : A. Couillard-Després, Histoire des Seigneurs de la Rivière-du-Sud et leurs alliés canadiens et acadiens (Saint-Hyacinthe, 1912); Louis Hébert: premier colon canadien et sa famille (Lille, Paris, Bruges, 1913; Montréal, 1918); Louis Hébert et ses descendants, BRH, XX(1914): 281-285; La Première Famille Française au Canada.
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