La LHJMQ punit les fans en fusillant les Saguenéens
Bertrand Tremblay
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Quel bogue a frappé le jugement du président Gilles Courteau pour que la Ligue de hockey junior majeur du Québec accule aussi brutalement les Saguenéens au poteau d'exécution ? Où la direction puisera-t-elle les 100 000 $ d'amende infligée par le président et les adversaires de l'équipe régionale déguisés en gouverneurs du circuit ? Avec les plus faibles assistances de leur histoire, les Saguenéens ne roulent sûrement pas sur l'or. Les finances, même dans le mystérieux compte à numéro, trempent dans le rouge depuis deux ans. L'exploitation des restaurants est un apport sans doute précieux... mais pas quand les estrades sont presque vides.
Le propriétaire Marc Tremblay avait déjà, semble-t-il, été suffisamment pénalisé par des milliers d'amateurs qui ne franchissent plus les tourniquets du Centre Georges-Vézina depuis la célèbre transaction de décembre 1998 pour que la ligue en rajoute. La direction avait alors cédé aux Titans d'Acadie-Bathurst sa meilleure ligne offensive formée de Ramzi Abid, Mathieu Benoît et Marc Bouchard, ainsi que les défenseurs Jean-Sébatien Trudelle et Jérôme Dumont en échange de six joueurs non établis et des choix de repêchage. La raison invoquée par le président Tremblay : la nécessité de rebâtir une équipe qui n'allait nulle part malgré la présence des vedettes Abid et Benoît.
Courteau y voit une vente de feu
La presse sportive soupçonnait plutôt une vente de feu déguisée pour combler une partie du déficit. Le président Gilles Courteau approuva néanmoins la transaction et accorda sa bénédiction aux deux gestionnaires impliqués, Léo-Guy Morrissette et Marc Tremblay. Les Saguenéens furent écartés des séries éliminatoires alors que le nouveau Titan se rendit jusqu'au tournoi de la Coupe Memorial.
Le début de saison désastreux raviva la méfiance des quelques rares chroniqueurs qui assistent encore assidûment aux matches locaux des Saguenéens. Stéphane Bégin, du Quotidien et de Progrès-Dimanche, n'envisageait plus que le départ de Marc Tremblay pour sauver les Saguenéens tandis que son collègue Éric Emond, du Journal de Québec, se montrait tout aussi sévère dans ses commentaires en percevant, dans cette transaction, un marché de dupes... à moins évidemment qu'elle ne soit bonifiée par un montant d'argent.
Pas pris... pas coupables...
Le président Courteau avait rappelé, à la fin d'octobre dernier, l'interdiction de vendre des choix de repêchage ou des contrats liant les joueurs à leur équipe parce que des formations riches comme celles de Hull, Halifax, Québec et Rimouski, voudraient toujours, à l'exemple des équipes professionnelles de baseball et de hockey des gros marchés de New-York, Chicago ou Los Angeles, se procurer les meilleurs joueurs à prix d'or pour se maintenir perpétuellement dans les premières places. Le grand patron de la LHJMQ demeurait cependant persuadé que des propriétaires parvenaient à contourner le règlement en monnayant les vedettes des équipes en difficultés financières.
Il a donc prêté une oreille attentive aux dénonciations de la presse régionale et appliqué le règlement stipulant des amendes n'excédant pas 150 000 $ et la perte du premier choix aux deux prochaines séances de repêchage. Le président croit évidemment détenir la preuve de la culpabilité de Marc Tremblay et de Léo-Paul Morrissette. Les deux propriétaires paieront fort cher la transaction si contestée, et la sentence servira de leçon.
Le verdict, qui tombe comme un couperet, met les Saguenéens en péril en les appauvrissant encore davantage tout en prolongeant la pénible période de reconstruction. Et il inflige surtout une gifle historique à la Ville de Chicoutimi, propriétaire de la franchise, ainsi qu'aux partisans en les privant de deux recrues au talent théoriquement exceptionnel. La situation est aussi particulièrement cruelle pour l'entraîneur Martin Daoust qui, dans des circonstances difficiles, accomplit du bon travail.
Le Quotidien, 22 Décembre 1999