Bataille juridique avec la LHJMQ
Les Saguenéens récoltent une précieuse victoire
par Stéphane Bégin
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CHICOUTIMI (SB) - Les Saguenéens de Chicoutimi et le Titan d'Acadie-Bathurst viennent de remporter la première manche de la bataille juridique face à la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ). Dans une décision de 50 pages, dont le Quotidien a obtenu copie en soirée hier, le juge Yves Mayrand, de la Cour supérieure du Québec (chambre civile) s'est rendu aux arguments des deux équipes de hockey dans leur volonté d'être entendu devant la Cour Supérieure et non pas devant le Tribunal d'appel de la ligue.
Le juge Mayrand a fait valoir que la requête présentée par la LHJMQ et son président, Gilles Courteau, est rejetée dans toutes ses conclusions.
Tout ce dossier remonte maintenant à décembre 1999, alors que le président de la LHJMQ, Gilles Courteau avaient condamné les deux formations à une amende de 100 000 $ et à la perte de deux premiers choix au repêchage après avoir contrevenu à l'article 2.16.8.1 du livre des règlements de la ligue.
Cette décision faisait suite à la méga transaction de décembre 1998 entre les Sags et le Titan. Plusieurs doutes avaient été émis sur la légitimité de cette transaction.
A la suite de la condamnation par Gilles Courteau, les propriétaires des deux équipes, Léo-Guy Morissette (Titan) et Marc Tremblay (Sags) demandaient que leur appel de la décision soit référé devant la Cour et non pas au Tribunal d'appel de la LHJMQ.
Opinion que la LHJMQ ne partageait pas. Ainsi, le 14 mars dernier, les trois parties se sont retrouvé devant le juge Mayrand afin de débattre du dossier, à la suite d'une requête en irrecevabilité déposée par la LHJMQ.
Dans sa conclusion, le juge Mayrand se dit d'avis que le recours au Tribunal d'appel n'est pas un recours efficace, approprié et adéquat.
«Même si pour des fins d'argumentation, nous retournons le dossier au Tribunal d'appel pour statuer sur la validité de l'échange intervenu entre les Saguenéens et le Titan, en supposant que ce Tribunal d'appel offre un recours efficace et approprié, le dossier devrait cependant demeurer devant la Cour Supérieure pour statuer sur la validité des clauses 3 et 4 du contrat de gage et la validité de l'article 24, prohibant le recours aux cours de justice», explique le juge Mayrand.
Ce dernier ajoute que sur l'interprétation d'un contrat et des questions de droit, seule la Cour Supérieure a juridiction pour statuer, car il ne s'agit pas que de l'application d'un règlement, mais de l'applicabilité du règlement, de sa validité.
Impartialité
Le juge Mayrand estime aussi que par définition, le président doit défendre et appliquer les règlements de la Ligue. Il ne peut donc être impartial dans un débat sur la validité des règlements de la Ligue, dont il est responsable de l'application.
«Sans remettre en doute la bonne foi du président, nous constatons que dans ce dossier, il a été dénonciateur, enquêteur et juge. Il est partie poursuivante et partie décidante. La confusion des rôles de juge et partie se fait au détriment des règles d'impartialité exigée, même d'un tribunal dit domestique. Il s'agit d'un cas d'impartialité structurelle résultant de la structure même de la Ligue.
«Nous sommes d'avis que le juge saisi de l'audition de ce dossier devra procéder à un examen de la structure administrative et disciplinaire de la Ligue en raison du triple rôle du Président d'administration, de réglementation et d'adjudication», précise la décision du juge.
Et en ce qui concerne l'équité procédurale, aucune accusation officielle n'ayant été portée et aucune audition n'ayant été tenue, le déni de justice apparaît flagrant, en tenant pour avérés les faits allégués.
En somme, Gilles Courteau a tenu une enquête, mais n'a entendue personne, n'a porté aucune accusation, mais a reconnu tout de même des gens coupables d'avoir contrevenu à un article du livre des règlements.
Me Estelle Tremblay, procureure des Saguenéens de Chicoutimi «Il s'agit d'une victoire éclatante»
par Stéphane Bégin
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CHICOUTIMI (SB) - «Il s'agit d'une victoire éclatante. Le juge Mayrand a livré une critique sévère envers la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ). Il est très rare qu'un juge va aller aussi loin sur le droit dans une requête en irrecevabilité. Il a étudié le dossier en profondeur.» Me Estelle Tremblay, procureure de Marc Tremblay et des Saguenéens de Chicoutimi, s'est montrée particulièrement satisfaite des conclusions de la décision de 50 pages du juge Yves Mayrand, de la Cour Supérieure du district de Longueuil.
Si elle a apprécié la conclusion, elle a aussi aimé les motifs qui ont mené à cette décision et les critiques soulevées par le juge.
«Pour un dossier qui en était seulement à un stade préliminaire, je peux dire qu'il s'agit d'une victoire éclatante. Le juge s'est basé sur les faits qui se sont produits dans cette cause.
«Le débat s'est fait uniquement sur la façon de faire du président de la LHJMQ, Gilles Courteau et sur le fait que nous ne voulions pas aller au Tribunal d'appel de la ligue. Le juge s'est d'ailleurs montré très sévère sur le Tribunal d'appel de la ligue», a commenté Me Tremblay, au cours de la soirée, après avoir jeté un coup d'oeil au jugement.
Dès le début des procédures, Me Estelle Tremblay avait indiqué que son client, de même que le Titan d'Acadie-Bathurst, ne pouvait trouver au Tribunal d'appel de la ligue, un tribunal impartial, car le dossier aurait été débattu à nouveau devant des représentants de la ligue.
«Dans sa décision, le juge indique qu'il ne faut pas oublier que chaque gouverneur représente une équipe engagée dans une course au championnat. Ce sont des membres égaux, mais ce sont aussi des compétiteurs, pour ne pas dire des adversaires. Dans ce contexte, la renonciation au recours judiciaire pend encore plus d'importance.
«A l'heure actuelle, je ne voudrais pas être dans la peau de la LHJMQ. Ils ne doivent pas être content de la décision du juge. Car celui-ci vient de nous donner le feu vert pour continuer en Cour Supérieure et que notre action est sérieuse», ajoute Me Estelle Tremblay.
Au tout début du dossier, à la fin de décembre 1999, Me Tremblay n'avait pas hésité un seul instant sur les chances de son client de gagner sa cause et de voir le dossier être entendu et débattu devant un juge de la Cour supérieure.
Elle avait aussi ajouté que le dossier mettant en cause les Saguenéens de Chicoutimi et le Titan d'Acadie-Bathurst versus la Ligue de hockey junior majeur du Québec allait ébranler les colonnes du temple.
«Et c'est effectivement ce qui risque de se produire devant la Cour Supérieure, car le juge critique certaines façons de faire de la ligue», de dire Me Estelle Tremblay.
Quant à Me Pierre Martin, l'avocat de la LHJMQ, il n'a pas été possible, hier soir, de le joindre afin de connaître son opinion sur le jugement.
Le Quotidien, 19 Avril 2000.