Extrait de Instincto Magazine n° 45, septembre 1991, Expérience par Nicole Burger

INSTINCTO.. .  EN VACANCES...

Avec une bonne voiture, le plein de carburant tant pour le moteur que pour l'estomac, le coffre bourré de miels, fruits secs, protéines et autres produits de sources sûres, l'instincto sérieux se sent l'âme tranquille pour partir en vacances : pas de risques pour son équilibre alimentaire, approvisionnement sans problème...

C'est ainsi que depuis plus de vingt ans, , nous sommes toujours partis en famille passer nos vacances dans un coin sauvage de la côte Atlantique. Tout se passait si facilement : l'instincto dans sa version idéale ! J'ai donc voulu faire une expérience différente pour mieux comprendre les difficultés de ceux, moins chanceux, qui doivent se débrouiller avec les moyens du bord, c'estàdire avec les aliments que nous offre le commerce ordinaire .

L'occasion s'est présentée sans peine: il m'a fallu partir en train. Sac à dos, poche banane en guise de sac à main, un petit cabas, bref,juste suffisant pour emporter un petit paquet de graines de tournesol, quelques pommes, oranges et bananes, deux bâtons de casse, trois carottes et une boîte de miel, de quoi alimenter un ou deux pique-niques. Pour la suite on verra sur place...

Et c'est là que commence l'aventure. A mon arrivée, il est trop tard pour aller au marché, il ne reste plus que la solution du super-marché du coin. Je cherche une cagette vide et propre à fixer sur le portebagage de mon vélo de location, et me voici comme une bonne ménagère avec mon caddie en quête de nourriture. Passant tout droit devant le rayon des fromages, du pain et des conserves, j'arrive perplexe devant tous ces étalages de fruits et légumes à l'aspect prometteur. D'un coup d'oeil rapide, j'évite les étiquettes en provenance d'Afrique du Sud, d'Israël et du Chili, me rabattant sur la Provence, le Midi ou l'Espagne, plus rassurantes question d'irradiation (en fait, rien n'est très sûr...). Je passe mon nez par ci par là ,les odeurs m'ont l'air correctes. Je me retrouve donc avec avocats, bananes, abricots, tomates, concombre, nectarines, pêches, noix de coco, et même du thon et des sardines... Je ne mourrai pas d'inanition, c'est un bon début !

J'installe le tout sur mon vélo et en route pour la pinède. M'assurant de temps en temps de la solidité de mon chargement, j'arrive enfin à bon port. J'étale mon butin sur la mousse et les aiguilles de pins.Les odeurs sont alléchantes : attaquons un petit avocat. Deux bouchées me suffisent pour déceler une consistance bizarre, comme si le gras me restait dans le palais malgré ma salivation. Quant au goût, il ne faut pas trop en parler, autant avaler du carton.... Le melon sent très bon, ça ira mieux : déception ! Il est aqueux et fade... Je mords dans une pêche : un goût d'eau sucrée accompagné d'un sentiment de vide. J'avale malgré tout, espérant que la suivante sera meilleure. Mais le goût ne change pas, aucune autre sensation que celle d'eau sucrée ne vient réconforter mes papilles gustatives. Les nectarines sont pires encore : on dirait qu'un film de chimie a enrobé la pelure. Décidément, pas fameux, ces fruits du super-marché! Si au moins j'avais osé goûter dans le magasin. Mais la vendeuse me faisait déjà de tels yeux en me voyant renifler...

Les légumes seront-ils meilleurs ? Carottes sans goût, concombre insipide...Que vais-je donc manger ? L'estomac complètement retourné par ces tentatives désastreuses, je cherche désespérément une consolation. II me reste du miel en rayons, j'en dévore la moitié et soupire à l'idée que les protéines seront plus comestibles au prochain repas...

Pour compliquer le problème, je n'ai pas de glacière. Thon et sardines vontils résister à la chaleur ambiante ? Comme ils sont encore bien frais dans leur papier, je tente de les enfouir dans un trou creusé dans le sable. Dans du joumal, à l'ombre sous la mousse, vont-ils se garder ?

L'après midi, à peine deux heures après ce repas mémorable, mon estomac crie famine. Vais-je manger de la casse ? Après tout, non, je préfère une banane, me souvenant des délicieuses bananes des Canaries de la maison. Quelle tristesse ! Rien de commun, le goût est éteint, on croirait mâcher du plâtre. Non vraiment ça ne va pas.

Le temps passe... mais pas mon repas, ça brasse dans mon estomac, je me sens ballonnée, avec une faim bizarre qui tourne à l'obsession. Enfin voici l'heure du dîner !

Thon et sardines, contrairement à tout ce qui a précédé, me laissent une impression merveilleuse. Enfin des goûts pleins qui rassasient et laissent un bienêtre après chaque bouchée. On dirait des sardines à l'huile. La noix de coco elle aussi s'avère comestible. De quoi faire oublier la fadeur et la chimie des tomates et du concombre, sans parler du goût de lessive des carottes.

La nuit suivante, je me tourne et me retourne, dois me lever plusieurs fois. Heureusement que le clair de lune dessine autour de moi un paysage magique. Mais je me sens digérer comme un instincto au tout début ou en pleine détoxe.

Décidément il va falloir améliorer mon approvisionnement ! Je mets tout mon espoir dans le marché de demain. Et cette fois je me jure de goûter avant d'acheter. Premier étalage : fruits gros et réguliers, bien alignés et sans défauts. Soyons prudents. Les saveurs ne correspondent pas à la belle apparence. Passons ! En voilà un autre avec des brugnons blancs tout petits et un peu tachés, des reineclaudes fendues et un peu jaunes, ça me plait mieux, le goût aussi. Il y a même un producteur qui affiche "sans désherbant chimique" voilà qui me réjouit. Ses tomates sont si savoureuses que j'en avale presque un kilo d'un coup, sans doute pour me défrustrer du goût de celles d'hier ! Les carottes elles aussi dépasssent mes espérances, juteuses croquantes et parfumées. Ouf, la question des légumes est réglée ! Restent les fruits.

J'ai fini par trouver chez l'un de délicieuses pêches blanches, chez un autre des abricots tout à fait comestibles et mûrs, chez un troisième des melons de coteau succulents, mais dès le lendemain, il n'y en avait plus et la nouvelle cagette n'avait plus de goût : autre provenance...II faut repartir en chasse. Quel plaisir de dénicher le petit producteur qui vous vend son panier de poires, la récolte de son unique prunier, ou ses deux ou trois melons mûrs. Peut-être satisfaisonsnous ainsi notre instinct de chasseurs et cueilleurs du XXe siècle ?

De tout cela j'ai tiré la leçon : pas de super marché, prudence sur les marchés, finalement on ne s'en sort pas si mal avec les mûres qui poussent le long des haies, les pignons minuscules des pins avoisinants, sans oublier les algues fraîches, les huitres sauvages et les vénus que découvre la marée descendante. Et qui sait si un figuier sauvage ne pousse pas tout près de là... On fait bien des randonnées de survie.

Si malgré tout on se sent mal, boulimique, insatisfait, il reste encore une solution : appeler "la société de vente des produits naturels" pour savoir s'il n'y a pas un dépôt dans la région. Et là, expérience faite, je vous assure qu'on apprécie les saveurs, on est rôdé pour faire 20/20 au test sensoriel de Montramé...

Nicole Burger
Remplacé un nom propre par "la société de vente des produits naturels" le 16-10-2002
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