Pour l'arrêt de "ADAGIO" cliquer sur "stop"
Heureux privilège, celui qui m'a été donné, de pouvoir partager ces lourdes émotions qu'en des temps passés j'aurais sûrement refoulées, car je demeurais convaincu que dans mon esprit s'étaient dissimulées plein d'idées et de pensées qui étaient des plus perverses et dépravées et desquelles il ne fallait surtout pas parler, ouvertement du moins, si je m'en étais tenu à ce qui m'avait été enseigné par les aînés bien intentionnés et qui m'ont programmé du mieux qu'ils ont pu, selon ce qu'eux-mêmes avaient reçu de leurs aïeux.
Pour l'instant, je reviens d'aussi loin que mon bain où je n'ai vus ni éléphants ni leurs enfants. Je m'y suis perdu en retrouvailles, au coeur de rêves généreusement pourvus de réalités des plus abstraites... Je me suis surpris à écouter une main qui m'a raconté ce qui lui passait par la tête. Cette main de qui j'ai voulu croire qu'elle ait pu être la tienne, bien qu'elle fusse conçue pour être mienne, s'agitait à mon poignet qui la suivait de si curieuse façon, qu'on eût pu croire qu'elle était en mal de reconnaissance, ma foi, envers un corps métamorphosé, si l'on peut dire, déguisé pour la conservation de certaines de ses options.
Un peu timide, armé d'une curiosité empreinte d'une certaine crainte, je m'avance les yeux fermés en ces lieux où avait été établi le chantier des opérations dites "de guérison". Nerveusement et du bout des doigts, peu sûr de moi, je poursuis tendrement et sans bruit. Je continue à progresser en dessous du niveau de cette eau agitée de tourbillons, mon voyage d'exploration de ces nouveaux horizons.
Mes doigts s'égarent d'abord dans une mince toison devenue clairsemée à force d'avoir été rasée, et furètent sur le mont d'un pubis qui s'efforce de paraître complet. Ils s'y égarent de façon compatissante, sur le bas de mon ventre séparé en son milieu par une cicatrice qui lui confère un semblant de parenté avec les champs de blé dans le centre desquels on a creusé de profondes tranchées pour les drainer et aussi les irriguer.
Un peu plus bas, je rencontre une espèce de masse plutôt gélatineuse et assez importante, se donnant des airs de testicules joufflus, remplis d'idées et de projets. Je creuse ce fouillis, cherchant l'objet de ma virilité. Je ne trouve pas réconfortant le fait de devoir chercher aussi activement, à travers cette chair, un membre flasque et paresseux, qui de plus se permet d'être peureux.
Un organe qu'on m'avait appris à "dresser" pour qu'il se tienne la tête penchée... Je chasse vite cette idée et je reprends mon manège, je l'agace un peu, mais il demeure gêné, alors que mes doigts s'enroulent autour de lui. Je me demande alors s'il va demeurer, pour moi seul à toucher et à aimer.
Malherbe DesChamps
|