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Les élans du coeur



La dernière lettre


Salut Huguette...

L'esprit s'en est allé au puits de vérité pour vérifier l'authenticité et l'à-propos des convictions et des théories dans lesquelles vint un temps où il osa croire. Je réfère ici à celles-là mêmes qui ont été la base où étaient solidement ancrés les pieds de ces idées qui m'ont aidé à cheminer dans les sentiers de cette vie et à conserver dans mon coeur la foi dans mes croyances, et dans l'espérance aussi qu'en franchissant ces frontières, je laisserais les ennuis derrière et vivrais d'autres rêves, qui sont déjà dans mon coeur.

Peut-être seras-tu étonnée de mon discours, mais il faut tout de même que je te dise de ne pas t'essouffler ni user tes jolis genoux à prier pour mon salut. Toutes les prières, vois-tu, les messes ou les oraisons, ne changeront absolument rien à ma situation. Ce qui me plairait bien davantage que des lampions, c'est le partage de ta communion.



Or, voici que je suis aussi sincère que lui, et que dans mon âme il y a aussi la contrition. Oh, bien sûr... j'ai souvent fauté et j'ai même, de plus, récidivé. Mais qui donc, dis-moi, de toute sa vie n'a jamais péché?

Laisse-moi aussi te parler un peu de la vie, de la chère vie... Ne vas pas croire que je veux la dénigrer. Bien au contraire, je voudrais que tu la comprennes, que tu la connaisses et que tu l'aimes aussi. Elle n'est pas tout à fait aussi mauvaise qu'on la dit, et je crois sincèrement qu'elle mérite bien qu'on se soucie un peu d'elle. La vie, tu sais, je l'ai connue, moi. Oh, pas beaucoup, mais suffisamment pour t'en dire, sans plus, le peu que j'en sais.

Nous étions très amis tous les deux, moi et la vie. Certains jours, elle venait chez moi pour se raconter, se faire connaître, me faire part de ses difficultés et aussi pour tenter de refaire le monde. Hélas, elle avait bien ses moyennes misères...

Des misères qui ressemblaient étrangement aux nôtres. Souvent elle était triste, à ce qu'elle m'a dit. Elle ne se voyait pas très belle et se savait chargée d'ennuis. Elle se sentait pauvre et démunie, la vie. Elle avait un grand coeur et plein d'émotions à l'intérieur et elle pouvait aussi pleurer, la vie.

Alors qu'il m'arrivait de lui demander: "Eh! La vie... Est-ce que tu peux me dire quelque chose de gentil pour me remonter un peu"? Là, elle devenait très discrète et effacée. Tout d'un coup, candidement, elle me lançait: "Tu me déculottes quand tu me parles ainsi." Laisse-moi te dire, c'était quelqu'un de bien, la vie.

Un bon lundi, elle m'a ouvert son coeur... Elle s'est allongée auprès de moi comme si elle n'avait jamais fait que ça. Du bout de son pied nu, elle caressa affectueusement ma tête et mes cheveux. Ce simple geste suffit à déclencher en moi une violente poussée de passion, et dans le feu de l'action, tendrement, je la mordis au talon.

Elle me prit affectueusement dans ses bras et me dit: "Je ne suis pas riche de faveurs, car à quelqu'un d'autre j'ai déjà beaucoup donné et j'ai promis aussi. Pour toi, j'aurais voulu avoir davantage à offrir, mais il se faisait tard quand je t'ai connu. J'ai cependant un modeste cadeau à t'offrir."

Cupidement, je tendis ma main tel un avare assoiffé d'or, croyant qu'elle allait me remettre à cet instant le bel écrin rempli d'émeraudes, de rubis et de diamants qui pendait à son cou et reposait sur sa poitrine dénudée. Elle prit alors ma main entre les siennes. Mon plaisir était grand, mon émotion n'avait plus de bornes. J'étais tout tremblant dans mon intérieur et je sentais violemment battre mon coeur, alors que dans le silence du moment, nos lèvres s'étaient jointes.

Dans les cendres de ce baiser, j'eus la surprise de l'entendre me dire: "J'ai conservé ce que j'ai jugé le plus précieux et je te l'offre. Je te fais aujourd'hui cadeau d'amis qui sauront te trouver, t'aimer, te consoler et te tenir compagnie." À ma façon, je l'ai aimée, la vie, je l'ai désirée et je l'ai tellement voulue, la vie...

Je l'ai parfois combattue aussi. Je lui ai résisté durant quelques secondes qui m'ont semblé durer une éternité. Pas tellement souvent c'est vrai, et c'était là de bien rudes combats, tu sais, quand je tentais de dire non à la vie. Plus souvent qu'autrement, c'était elle qui l'emportait et se fortifiait de ma faiblesse. Elle était tellement désirable qu'on pouvait difficilement faire autrement que de vouloir la faire éclater, la vie, et d'en jouir.

Dans ma tête subsistent encore certains doutes, certains regrets, alors que je pense à elle. Je suis peiné quand je réalise que certains jours, je l'ai même ratée. Je l'ai sûrement déçue et privée de plaisir aussi. Je crains d'avoir eu tort de ne pas l'avoir aimée davantage, de ne pas l'avoir aimée mieux, la vie.

Qui pourrait dire, à part la vie elle-même, si je n'aurais pas mieux fait de lui sourire, dans les moments où je devenais tout chaud et ou tout était beau et bon parce qu'elle posait ses lèvres sur mon oreille, la vie!

Elle aussi, tu sais, elle a essuyé des échecs qui l'ont déchirée à certains moments. Elle a souvent tenté de faire de moi un homme. Je trompais sa confiance en ne respectant pas les limites qu'elle avait établies et en ignorant ses lois. J'aurais dû la protéger comme je m'y étais engagé, mais certains jours, je tirais trop bas. Elle m'a donné bien des chances...

Souvent je lui ai fait mal et elle me pardonnait à chaque fois. La vie coulait de nouveau dans mes veines, sans que je sache la rendre heureuse. Les aiguilles ont tourné et le temps s'en est allé. Les marées ont délavé la plage et poli les pierres du rivage. Les privilèges se sont effacés et les feuilles des arbres ont continué de tomber.

Il est maintenant l'heure de retourner le sablier et de remonter la grande horloge du temps qui doucement s'envole, alors qu'on le remplace par de tendres souvenirs. C'est le moment de partir, et je ne suis toujours pas certain d'avoir bien saisi ce qu'elle attendait de moi, la vie. J'aurais peut-être été plus heureux si j'avais su la goûter, la vie...

Merci de tout, la vie!

Malherbe DesChamps


[La Page à BOUCAN].Copyright © 1997 par [Claude Guidi].
Revisé:.20/07/99