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Les élans du coeur




Au fond du jardin


Je n'arrive vraiment pas à imaginer comment j'aurais pu laisser glisser hors de la mienne votre main de satin et ce, malgré la peine qui consume votre sein, sans même avoir essayé de vous aider à chasser toutes les sombres pensées dont votre âme est affligée, à l'idée que sans considération aucune, l'été ait décidé de vous fuir et de vous garder rancune. Vous craignez, je le sais, de voir figé par la gelée ce ruisseau où vous alliez vous cacher pour pleurer...

Sachez que, quand les jours deviendront plus frisquets, que se fermeront les portes et que s'allumeront les feux, au cours de longues soirées avec du givre dans le coin de vos yeux, alors que vous serez égarée dans vos pensées secrètes où vous vous serez réfugiée et que vous serez tantôt grisée ou tantôt troublée de voir tomber toutes ces feuilles que le vent aura arrachées, votre détresse de ces moments sera aussi la mienne, n'en doutez pas un seul instant. Alors ce sera novembre, et puis décembre...

Le jardin, les fleurs, l'étang et le ruisseau, de vos yeux auront disparu, tout de blanc vêtus. Givre dans les carreaux, baisers perdus, frissons cachés, soupirs étouffés, sommeil troublé, nuits agitées je subirai aussi. Et puis voilà qu'un beau matin, avant même que l'on ait su qu'elles n'y étaient plus, les corneilles sont arrivées. Le vieux chêne où votre nom était gravé jusqu'à ce que la foudre l'eut frappé, a presque fini de pleurer son dernier glaçon. Eh oui, c'est reparti! Le ruisseau coule de nouveau. Pour vous, le soleil luit. En son temps, sans savoir ni pourquoi ni comment, voilà qu'à son commandement c'est enfin le printemps, la résurrection, le début d'une autre saison et aussi l'aube d'une vie nouvelle.

Séchez les larmes de vos carreaux, tirez les volets qui étaient clos. Laissez-moi venir sur votre balcon et vous décrire les émotions, que dans les bois vivent les bourgeons. Comme des nouveaux mariés trop à l'étroit dans leurs habits neufs par trop serrés, n'en pouvant plus d'être habillés, sautent en bas de leurs souliers. C'est le frisson puis l'explosion. Sortons ensemble de la maison et allons voir ce qui s'est passé pendant qu'on attendait l'été.

Les fleurs vivaces ont repris vie sur la terrasse. Les marguerites, les jacinthes et les tulipes, tout comme les liserons d'ailleurs, font une ronde pour oublier quelques secondes, tous les soucis de l'ancien monde. Les grands lys et les orchidées se font laver par la rosée et puis là-bas un peu plus loin, la haie de cèdres et les raisins tentent de cacher, aux yeux de Dieu, la vérité.

Allons, venez, tendez la main, et je vous conduis dans le jardin... Au fond là-bas, sous les sapins, nous trouverons un pavillon. Entre les pierres et les rochers faudra chercher où est cachée la clé rouillée. Sur la table, il y aura des fleurs, du pain, des fruits, du vin et de nos mains, le sable aura beau couler...

Malherbe DesChamps



[La Page à BOUCAN].Copyright © 1997 par [Claude Guidi].

Revisé:.20/07/99