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Les contes


L'histoire de Ti-minou.

Ti-minou vécut une enfance particulièrement heureuse. Il était un chat intelligent et très joli. Les propriétaires, qui l'avaient adopté à sept semaines, l'aimaient beaucoup et avaient su l'entourer de très grands soins. Rien ne lui manquait: tendresse, affection, bouffe, caresses et surtout un foyer où il était le roi.

Il avait été jusque-là un animal de compagnie adulé par ses maîtres, il faisait partie de la famille, comme on dit. Il vivait de plus dans un très beau quartier de la banlieue, relativement tranquille avec plein d'espaces verts, et profusion d'amis à deux ou quatre pattes.

Il aimait bien se prélasser au soleil du matin, en bordure de la haie, tout près des grands peupliers qui jetaient un peu d'ombre chez son amie "Moustache" qui habitait tout près de chez lui et avec qui il s'entendait très bien. Il s'y rendait d'ailleurs presque chaque jour, sauf s'il pleuvait, et il prenait un malin plaisir à faire chialer les corneilles perchées tout en haut des grands arbres.

"Ti-minou" était un bon chat et chacun voulait être son copain. Depuis la patronne à "Moustache", en passant par Claire, la locataire d'en haut, puis le Monsieur dont le nom m'échappe, mais qui crie si fort qu'on l'entend sur la Terrasse, ainsi que la "Boule à mites" et tous les autres voisins du quartier. Malheureusement pour "Ti-minou", tout n'allait pas continuer à bien aller.

Un beau jour, ses maîtres firent l'acquisition d'un chiot et la vie de "Ti-minou" tourna vite au tragique, dans des proportions identiques à la rapidité avec laquelle se développait "Toutou". Il existe bien, il est vrai, un vieux proverbe qui dit: "Chien qui va à la chasse perd sa place", mais voilà! "Toutou" lui, était plutôt du type "salon" alors que "Ti-minou" partait souvent pour chasser, ou quoi d'autre!

Toujours est-il que "Toutou" prenait beaucoup de place dans la maison et aussi dans l'estime de ses maîtres. Tellement de place qu'il n'y en eut bientôt plus pour le chat, si bien qu'on dut déménager et qu'on abandonna "Ti-minou".

"Ti-minou" fut recueilli par un vieux Monsieur à la santé plus que fragile et qui dut bientôt être hospitalisé. Dès lors, "Ti-minou" devint itinérant et commença à dépendre de la charité publique.

Il y avait bien la vieille "Boule à mites" qui, chaque matin lui donnait un grand bol de lait chaud, qu'elle lui posait sur le balcon. Il se sentait profondément humilié, toutes les fois où il l'entendait lui crier de sa voix rauque: "Minou, minou, minou... ", lui le félin au poil propre et lustré et à la moustache longue et fière. Il était tout simplement majestueux.

Quel affront! Tout juste comme s'il se fut agi d'un simple chat de gouttières qui vient creuser vos plates-bandes et salir vos fenêtres du bas, mais que ne ferait-on pas pour gagner sa pitance, surtout si l'on est un gros profiteur!

Il se laissait donc désirer un peu, puis sautait sur le balcon et y allait de trois ou quatre ronrons enjôleurs. Il se frôlait hypocritement ensuite sur ses vieilles jambes. Il buvait son lait, puis il décampait chez un autre voisin où il savait être attendu avec de la nourriture sèche. Faute de mieux, il allait devoir s'en accommoder.

Alors que l'été avait commencé à roussir et que "Ti-minou" prenait son petit bain de soleil, confortablement installé sur un coin de pelouse en retrait d'où il pouvait observer à loisir sans être vu, il aperçut un étourneau sansonnet dont les couleurs chatoyaient au soleil. Il se mit à réfléchir, se disant qu'un repas de chair fraîche lui ferait grand bien. Il n'allait pas commencer tout de même à grimper aux arbres pour tenter d'y attraper un vulgaire étourneau qui devait en avoir vu bien d'autres et qui allait probablement tout simplement lui filer entre les pattes en s'envolant.

Non, il allait faire beaucoup mieux. La chasse, oui mais, sur le plancher des vaches... Il commença ses exercices d'assouplissement en s'étirant de tout son long, puis il fit deux ou trois fois le gros dos et aiguisa ses griffes. Il fut enfin prêt. Il courut se tapir dans la haie, puis scruta les alentours. L'attente ne fut pas très longue. Il aperçut un gros écureuil gris qui entreposait ses provisions d'hiver dans le pied d'un arbre creux, tout juste de l'autre côté de la rue...

Il observa son manège durant quelques secondes, et se dit que ça allait être un jeu d'enfant! Aussitôt que "Grisou" allait rentrer à l'intérieur de l'arbre, il allait fondre sur lui comme un éclair, et il ne resterait plus qu'à le cueillir à sa sortie.

Il tendit tous ses muscles. Il salivait déjà en imaginant le repas tout chaud et si facilement gagné. La partie devenait plus sérieuse, car l'écureuil allait maintenant s'engager dans l'ouverture de la grotte. C'était le moment...

"Ti-minou" contourne donc silencieusement la piscine et puis s'élance à fond de train, sans avoir vu le bolide rutilant qui défonçait ce matin d'automne ensoleillé. Il y eût un crissement de pneus sur le pavé, puis ce fut l'impact. Il se produisit une grosse explosion dans la tête de "Ti-minou" et l'écureuil disparut, puis le monde se mit à tourner...

La planète terre venait de basculer. On sortit un grand sac vert, il y eut un grondement de moteur et puis plus rien. Pour "Ti-minou," tout venait de prendre fin... "Ti-minou" ne chassera plus jamais.

Malherbe DesChamps




[La Page à BOUCAN].Copyright © 1997 [Claude Guidi].
Revisé:.21/07/99