II. L’odeur du peroxyde
La vie de famille
Le village que j’habite est petit, pauvre, mais s’en sortant bien malgré tout. Ce tout englobant un gouvernement corrompu, un peuple affaibli par les nombreuses conquêtes, un manque d’éducation et une ferveur religieuse menant parfois à un fanatisme et une obsession rétrograde ou, du moins, amenant à une stagnation ethnocentrique. Notre maison est modeste, mais confortable. Appa est jardinier pour le presbytère et Amma fait la cuisine et s’occupe de la maison. Ils nous ont installées dans une chambre, où nous dormons, Amé et moi, dans le même lit. Mal serait pris de me plaindre car le reste de la famille (Appa et Amma, Rani, LurthuMary, Mary, (les filles ) Arul et Anthony, (les fils de la famille) dorment dans la pièce d’à côté. La plus jeune de la famille a 15 ans.Ce ne sont donc que des adultes qui s’entassent pour nous. Ils sont gentils, avenants. Prudents ? Trop, peut-être. Les premiers jours sont passés à faire connaissance. Honte. Reconnaissance. Déjà, à ce moment, je sens que je ne réussirai que difficilement à faire oublier ma couleur de peau et mon statut de richissime blanchâtre cultivée, ne parlant pas kannada (ni telugu ni tamil ni malyalam ni hindi). Tache à mon curriculum. Honte de ne pas savoir. Se sentir obligée de savoir.
En écrivant ces lignes, j’ai l’impression d’être passée à côté de quelque chose. D’une autre façon, je me rends compte que la vie de la famille se limitait à bien peu de choses : les repas, où l’on n’osait nous inviter et où, si nous avions pris l’initiative, la famille se serait sentie obligée de faire un banquet lui coûtant les yeux de la tête. J’ai été confrontée à la réalité des femmes indiennes d’une famille comme la mienne : faire les repas, avoir des enfants, s’occuper des enfants. Peu d’éducation, un mariage arrangé, une soumission au mari et, par procuration, à la belle-famille. Le devoir de produire des garçons, la valorisation par l’apparence. J’aurais voulu faire partie de ce cercle, pour pouvoir dire que j’en étais revenue. On a beau créer sa propre chance, être choyé par la vie ça se constate dans ces moments-là. C’est difficile de s’en départir ou de faire oublier aux autres d’où l’on vient, surtout lorsque ce lieu est idéalisé dans les yeux d’un peuple entier. J’aurais aimé pouvoir dire que j’ai dormi par terre avec eux. Non. Que j’ai passé le plus clair de mon temps avec eux. Non. Qu’ils m’ont toujours fascinée et que je n’ai jamais perdu patience envers eux, consciemment ou non. Non. Note mentale : "Gen, c’est l’intention qui compte.(Voix off : bullshit de romans Harlequin !) Si tu crois ne pas avoir assez essayé alors lapide-toi et vite, mais sinon, apprécie les limites interrelationnelles, apprécie tes limites. Accepte-les et vite !" Toujours cette urgence de vivre à fond, d’avoir tout vu. Je réalise maintenant que mes attentes étaient impossibles. Pas en deux mois et demi. Peut-être jamais dans toute une vie.
La bouffe nous est servie en quantités industrielles et s’avère une épreuve à franchir au début de notre séjour. Le visiteur en Inde se doit d’être bien nourri, logé et ne doit pas avoir à s’atteler aux tâches ménagères quotidiennes. En visite pour deux mois et demi. Devant faire oublier ce qu’elle représente. User de ruses pour pouvoir faire sa vaisselle. Toute proposition d’aide se voit refusée. "You’re not used to do this. You have servants at home." Outrage. Malédiction. Se battre contre une ombre que l’on ne connaît pas. Difficile de savoir ce que je représente aux yeux de la famille chez qui j’habite et qui m’invite au mariage d’un des leurs, alors que je dois m’asseoir sur une chaise tandis que tout le monde est accroupi sur le sol. Protestations. De parts et d’autres. Surtout de la mienne. La première fois, je plie. La deuxième, je refuse et vais m’asseoir avec LurthuMary et Rani. Je me sens mieux. Le message est passé. Mais quel message au juste ? Difficile de communiquer quand les premiers intants de nouveauté sont passés et que la english madam fait répéter plus de deux fois et n’avance pas super vite. Cinquante et une nouvelles lettres, d’un script différent, d’une sonorité martienne... Apprendre. À tout prix. Le plus vite possible. Accepter de ne peut-être jamais pouvoir réussir.
Au début du séjour, je me voulais de tout essayer. Dire oui, tout le temps. J’avais peur de décevoir ou de passer pour ingrate. J’ai donc dit oui, pendant deux semaines complètes, à tout ce qu’on me présentait : bouffe atrocement épicée pour mes papilles gustatives encore vierges, déguisement en indienne typique, tour de chaque maison, re-bouffe, longues soirées à suivre la famille dans ses promenades, acte de présence à deux messes en kannada dans la même semaine, re-bouffe de sambhar et de sapotas, tour de tempo... Epuisement, mal du pays, mal, tout court. Reprendre son stage en main. Il me faut apprendre à dire non aux choses qui me dégoûtent littéralement et refuser une deuxième portion de ce qui ne le fait que partiellement. Essayer de faire comprendre à ma famille que l’eau qu’il me donne à boire me rend malade et m’a même greyée d’un ami : Biase. J’essaie de ne pas me sentir coupable de ne pas tout aimer, de bitcher de temps à autre sur l’illogisme ou l’irrégularité de certaines pratiques douteuses, de m’ennuyer de chez nous. Même aujourd’hui, je trouve ça difficile. La peur de la princesse américaine : en être une, en devenir une, en avoir été une...
La vie au village
Les premiers temps, les gens au village nous observent, nous épient. Par curiosité. Je suis une des rares blanches qu’ils aient vu de près. Ils s’approchent, me demande mon nom, d’où je viens. Je réponds en kannada, les gens sont heureux de cet effort, mais s’impatiente rapidement de devoir me répéter ce qu’ils viennent de dire ou encore devant ma totale incapacité à comprendre quoi que ce soit. Je passe pour débile. Je supporte. Tant pis, j’aurai essayé.
Les enfants sont adorables. Ils connaissent autant d’anglais que moi, de kannada. Ils courent pour nous serrer la main, nous embrasser ou nous dire tout ce qu’ils savent d’anglais dans la même phrase. Ils sont curieux, simplement. Trop jeunes pour juger. Nous avons même notre fan club qui connaît tout de nos allées et venues à travers le village et sort au moment où nous le traversons. C’est un tohu-bohu de rires, de charabias, d’excitations. J’en prendrais des dizaines avec moi. Les plus vieux qui vont à l’école nous font des tatas, lors de la récréation. Deux cents petites mains qui s’agitent, un sourire aux lèvres, ça fait chaud au coeur. Je me suis sentie chez moi. Un peu. Egale. Enfin.
La première tranche de vie anecdotique - Vers la fin de notre stage, un beau matin, nous avons essayé de mettre nos saris pour nous rendre à la clinique. Quelle ne fut pas ma surprise de voir surgir une indienne de nulle part nous disant qu’ils n’étaient pas mis de la bonne façon et, sur ce, de nous déshabiller en plein milieu du village pour remédier à la situation. Le résultat final était, ma foi, fort semblable à celui de départ, mais tellement plus nice aux yeux de cette dame... Elle semblait très excitée du fait que nous soyions habillées comme elle, décemment, c’était comme lui dire : nous voulons vous ressembler... Elle avait participé à l’indiennisation de deux english madams, heureuses et fières de leur accoutrement.
Le quotidien : allées et venues dans un monde où le plus beau reste à faire
Aléas et tranches de vie s’entrechoquent au moment où j’écris ces lignes. Pourtant, mais, aussi. Je me relis et vois ressortir de ce mémoire un parfum doux-amer auquel je ne m’étais pas attendu. Au contraire. Plutôt. À éviter. Me cacher de la remise en question. À plus tard. Le plus jamais, le mieux. Désinfecter tout. Mes souvenirs, leur interprétation. Le recul m’a-t-il fait déchanter? Mon rêve indien n’était-il que cela ? Un rêve. Delirium tremens. Foutaises ! Non. Je m’objecte. Je ne suis pas complètement folle. Des sentiments. LE sentiment. D’avoir accompli quelque chose tout en étant inutile, d’avoir donné tout en recevant tellement, d’avoir aimé tout en méprisant les diktats de base, d’avoir compris tout en demeurant complètement mystifiée. Quatrième et dernier choc. Le plus fort, le plus insistant. Celui ou il ne reste plus que le trio infernal : me, myself and I ... Une vie complète à se demander. Si... Pêle-mêle. Mélange hétéroclite d’odeurs, de sons. Ahhhhh! Si la mémoire pouvait transmettre en trois dimensions... Laissez-moi essayer.
Je visitais une école d’un petit village. Les habitants, fiers d’avoir des étrangères dans leur bled de poussière. Les enfants. Charmants. Toujours. Un peu timides. Ayant peur de déranger les grandes personnes. M’approcher d’eux. Les prendre en photo. Les faire rire. Joie immense. Déjà que j’adore les enfants. Note mentale : "Gen, tu veux avoir des enfants et vite ! (Voix off : Wo-là, ça fera le Harlequin, il faut d’abord trouver un mari ! )" À l’intérieur de l’école, une bibliothèque. Proprette, bien entretenue. Bricolages, livres d’histoire, lettres de l’alphabet. Cinq sur cinq. Tout semble dans les règles. Tout ? Un pot à contenu douteux arrête mon coup d’oeil. À première vue, le contenu repose dans son dernier jus : le formol. Surprise. Un battement de coeur en moins, une parcelle de nausée en plus. Gisant dans son jus dernier ? Un bébé. Singe ? J’aurais préféré. Un bébé. Tout ce qu’il y a de plus humain. Toublée, perplexe. Ma réaction attire l’attention de Rani qui tente de m’expliquer que ce n’est que pour les travaux pratiques et de me demander si l’on en fait à la maison . Oui, oui. Rapides. Sujet clos. Angoisses. Un bébé ? Fille.
Je me promenais dans une ville portuaire (à la fin de mon séjour, en voyage) et je passe devant une petite école de filles sise à côté d’une église dont je veux épier l’intérieur. L’air est tiède. Un vent marin, les narines salées. Un serrement à l’idée que le séjour achève. Poursuite à peine gagnée contre des adolescents rêvant de chair. Blanche. Inévitablement offerte. Je pénètre dans la cour et entreprends de la traverser. À notre vue, les petites filles se ruent à l’extrémité de la cour. Note mentale : Gen, si c’est rendu que tu fais peur aux enfants, mets-toi un sac sur la tête et vite ! Surprise. Elles reviennent en courant. Vers nous. Des fleurs à la main. Elles nous embrassent et nous offrent leur trésor. Saignement de coeur. Honte d’avoir douté. Rendre les caresses. Les prendre en photo, fières. Fière.
Prendre l’autobus. Se frayer un chemin parmi les trois cents Autres, de sueur vêtus. Voir une vieille dame pousser une femme enceinte jusqu’aux yeux pour pouvoir être assise à sa place. La rattraper, l’aider. Lui céder le passage. Les hommes. Vulgaires. Ne cédant jamais leur place. Regards inquisiteurs. Condamnant la facile blanche qui ose s’asseoir à leur place, à leurs côtés. Voleuse de mari ? One of the guys. Ça ne se fait pas. Ça frôle l’indécence. Le sourire dur. L’oeil inquiet. Résignée.
Foule. Deux cent dix personnes pour une capacité maximale de soixante. Obligée d’être debout, 40 litres plein à craquer, papi crachotant en train de me trucider de sa canne en bambou. Regardant autour, toujours, Amé est ok. Je suis ok. Note mentale : Gen, on est 500 dans l’autobus, zéro sur le bord de la rue, on avait de la misère à se tiendre ! (Voix off : Ben, non ! Cool ! Etre penchée en arrière à un angle de 60 degrés... Tu tiens toute seule, plains-toi pas !) Développer une agressivité de foule. Jouer du coude avec la mamie hargneuse qui nous balance son panier de provisions à la tête. Courir pour avoir une place. Folie furieuse. Pathologique. De société. Je suis indienne.
III. Le corps humain, ce terrain
de jeu incroyable.
Jeu ? Oui. De la vie. De l’ignorance qui blesse les innocents. Qui amplifie le mal. Qu’on ne peut pas condamner. Jeu de découvertes. De la Vie. Maternités. Conditions de vie. Sutures qui tiennent le coup.
Présentation des personnages : Moi, Geneviève D., blanche pré-med innocente ayant un background clinique à peu près nul, Sr Pauline, gynéco-obstétricienne, maître reiki et omni hors pair, Sr Kani, sage-femme, infirmière et rural practitioner, un coeur grand comme le monde et des étoiles dans les yeux. Sr Rosemary, un peu bébête, sans recul devant la vie, une pratique infirmière douteuse et Sr Lydia, un air de boeuf, des manières rudes, un tendre bulldog. Avec le recul, les anecdotes affusent, mêlées, un peu. Peut-être que tout s’est passé la même journée. Un million de souvenirs en 60 secondes. Imaginez deux mois et demi... Imaginez.
La petite fille de la motocyclette
C’était vers le milieu du mois de juin. Le choc culturel, passé depuis longtemps. Enfin, c’est ce que je croyais. La matinée au dispensaire semblait tranquille. La saison chaude achevait et avec la saison des pluies, commençait les pseudo-pneumonies et autres rhumes de minus propres aux changements de saison. Surtout pour un peuple, indien. Injections ? Yes, injections. À tort et à travers. Surtout, non-stériles. Ça fait sortir le méchant plus vite. La routine, donc. Tout à coup, arrive un Jean-Guy à moustache de 80 livres tenant dans ses bras un petit paquet de 40 livres. Une petite fille de 4 ans. La tête fendue. On voit le crâne. Hurlements sourds, plaintifs. Ignorance du père. Intolérance grandissante envers ces idiots qui se promènent à 6 sur un scooter. Pas de casques. Pas de limites de vitesse. Pas d’asphalte. Une grosse roche. La moto fait un bump. La petite fille tombe... Sur la roche. Nous sommes cinq pour la tenir alors que Sr Rosemary tente, de sa main de twit malhabile, de recoudre le cuir chevelu. Pas d’anesthésiques. Ils ne sont pas assez bien pour réaliser le traitement. Protestations de ma part. Note mentale : Gen, maudit kannada ! Je ne comprends pas. On ne la gèle pas ? Si, c’est l’argent, je me propose de payer. Dégoûtée. Non, ce n’est pas une question d’argent, mais plutôt de ressources. Nuance. On n’a pas d’anesthésiques. Hurlements de douleur d’une petite fille outrée. La vie lui rentre dedans. Elle s’en souviendra. Je pleure. Je suis en train de participer à un geste médical, mais je pleure. Bouleversée. J’ai la nausée. Je me concentre sur la rigueur de ma position. Surtout qu’elle ne bouge pas. Lui éviter de la douleur. Six points plus tard, c’est fini. Elle se blottit contre l’auteur de son malheur. À défaut de mieux. Fini ? Non. On réalise que le coin de son oeil est sanguinolent et qu’un lambeau de chair pend. La comissure externe de l’oeil. Rapprocher les deux morceaux sans aveugler un être innocent. Je frapperais tout le monde. Même requête. Vous êtes sûres qu’il n’y a pas d’anesthésiques? Variations sur le même thème : non. À froid. Le coin de l’oeil est recousu. Hurlements redoublés. Je me sens chanceler. De rage. Je tente de faire abstraction de ce qui m’entoure. Quatre points plus tard, tout est fini. Jusqu’à la prochaine fois. Sans casque. Ni limite de vitesse. Encore moins d’asphalte. Je sors en courant de la salle. De l’air ! À mon retour, Sr Rosemary rit. Je n’ai pas l’habitude du sang selon elle. S’habitue-t-on jamais à voir une enfant souffrir par la bêtise humaine ? Non. À moins d’être idiot. Ou mort. Dans l’âme.
Les grains de café
Un matin semblable au précédent. En plus humide et étouffant. Une mère tient dans ses bras un magnifique bébé d’environ 10 mois. Il pleure. On note un pansement à sa main. Une fois retiré : horreur. La paume entière est déchirée. Le pauvre est tombé sur une roche il y a, mon sang fait trois tours, trois jours. La plaie est recouverte d’une substance brunâtre, en grains. Du café ! Imaginez la douleur de l’enfant. Sr Pauline de me dire que c’est une coutume, à condamner certes, mais une coutume fort répandue dans les villages. Ignorance des villageois. Incrédulité de ma part. Souffrance des deux côtés. Qui auraient pu être évitées. Par l’éducation. Par le gros bons sens.
La vie comme seule issue
Après plusieurs entrées en matière. L’heure des grands tourments a sonné. Je suis dans la salle d’accouchement. Sr Kani me dit : "Veux-tu accoucher cette dame ?" Note mentale : Gen, ayoye ! La peur au ventre, le tremblotis dans les jambes, mais le feu au coeur. Affirmatif ! Je dois faire l’examen périvaginal pour évaluer l’ouverture du col. Presqu’aucune idée de ce que je fais. Je suis les conseils et directives de Sr Kani. J’évalue bien, il me semble. La tête s’engage. Je soutiens le périnée sous les encouragements de Sr Kani qui me rassure de son sourire désarmant. Poussez ! Poussez ! Le bébé sort. Hurlements de vie ! Je suis émue. Conquise, plutôt. Par cette médecine de joie, de rêves à venir, de balbutiements. En douceur. Je le tiens dans mes bras, coupe le cordon, le mets sur la table à langer et lui aspire les sécrétions à l’aide d’une petite poire. J’ai l’impression que je vais lui trucider les narines. Ignorante, malhabile. Un jour, je saurai ! Plus belle journée de mon stage ? Oui. Heureuse. Un petit garçon de 2,54 kg est né. Et j’y étais. J’en étais. J’en suis ! D’avoir appris. D’avoir su être à la hauteur. Égale. Ou presque.
Trop jeune...
J’attendais avec une de ces femmes enceintes dans la salle de travail. Travail ? Cheap labor, plutôt. Il doit certes y avoir des limites à enfanter dans la douleur ! Tout semble normal. Quatre heures d’attente et toujours rien. Premier enfant, difficile enfant. Pause. On laisse la jeune fille (elle n’a même pas mon âge) et part pour la soirée. L’accouchement n’est finalement prévu que pour le lendemain. À notre retour. Elle n’est plus là. À l’hôpital général de Bangalore, elle repose entre la vie et la mort. Éclampsie toxémique. Huit séries de convulsions sur la table d’accouchement. L’enfant est en parfaite vie, la mère en imparfaite mort. Une fois de plus, ça me tue. Incompréhension. Outrage! Qui auraient pu être évités. Encore. Toujours. Pour la première fois de ma vie je me surprends à prier pour la vie de quelqu’un. Autre à moi. Autre moi. Horreur pour le bébé si la mère ne se remet pas. Vivre en Inde n’est déjà pas une sinécure... Au bout de trois jours, elle survit. Hors de danger. Sans séquelle. Un miracle. Un des premiers. Non pas le dernier. Je l’espère. De tout mon coeur.
Le retour au pays
Malade comme un chien. Trente livres en moins, un parasite et une bactérie en plus, me voilà à Toronto m’émerveillant devant le premier québécois rencontré. Une langue chantante, douce, que je comprends. Un sacre. Aucun outrage. Une joie inexplicable plutôt. Avoir hâte de rentrer chez nous. Depuis que je suis partie. Depuis que j’ai eu idée de partir. Vivre, c’est voir autre chose, mais rentrer chez soi pour en parler. J’ai hâte de revoir mes parents, mon frère. Prendre un bain. Aussitôt arrivée, je me suis sentie différente. À part. Arrogance s’il en est une. Sachant que j’ai vécu quelque chose de beau, de grand. Je ne sais toujours pas quoi. Cela se traduit peut-être par un éternel émerveillement devant la vie et sa simple complexité ? Que j’avais au départ, qui s’est exacerbé depuis. Cela se manifeste aussi par une éternelle remise en question, une évaluation de chacun des gestes que je pose. J’ose oser. Je suis insaisissable, invulnérable. Arrogance muette. Une élimination progressive de tout ce qui m’empoisonne la vie. Elle est trop belle, mais surtout trop courte pour la gâcher par de mauvais choix. Je m’impose des vérités et m’élimine des limites. Je vie rationnellement, mais avec passion. Une nuance au coin des yeux, une brume au cerveau, un baume au coeur. De rêves, je me nourris. De rêves, j’étanche ma soif. De rêves, je réalise ma vie.. Veni, vidi, vici...