( Note de l'auteur: Reportons-nous en 1960, alors que, comme jeune
journaliste, je faisais, à Miami, un reportage à l'école de formation des hôtesses de
l' air de la compagnie Eastern Air Lines).
Il y avait près de létablissement hôtelier où j étais
reçue par Eastern Air Lines, quelques boutiques de touristes où on vendait les souvenirs
habituels, cependant, dans la vitrine dun de ces petits commerces sympathiques,
quelque chose me fascinait: un grand bassin dans lequel pataugeaient des petites tortues
à peine grosses comme des piastres rondes, et surtout des bébés-alligators
denviron 6 pouces de long (15 cm)
Après quelques hésitations, jai décidé de prendre une chance
et dessayer de rapporter chez nous, un de ces petits alligators. Juste avant mon
départ,jen ai acheté un pour la modique somme de 2.50$ et je lai mis dans le
fond de mon sac à main, de la dimension dune trousse de médecin pour les visites
à domicile. Le montant était si peu élevé que je pouvais bien me permettre de tenter
de le rapporter à la maison, à tître dexpérience.
Aux douanes, rien ny a paru, et lorsque jai mis le pied
dans la maison de mes parents, il était bien vivant. En vitesse, nous avons sorti un
aquarium qui dormait quelque part au sous-sol, nous avons déposé des cailloux et des
coquillages dans une couple de pouces deau fraiche, et lalligator a été
installé dans sa nouvelle demeure nordique.
Comme nourriture, le vendeur mavait recommandé de lui donner de
la viande rouge seulement. A lair sceptique que cet homme avait, je suis certaine
quil était convaincu que ce caïman (cétait son vrai nom) ne résisterait
pas au voyage. Erreur!!!
Très vite, il a fallu le changer d habitacle, il grossissait
rapidement et ne se laissait pas approcher facilement.
A deux ans, il avait deux pieds (60 cm) et nétait plus
confortable dans sa maison de verre. Papa a donc décidé de linstaller dans son
magasin de chaussures situé au premier étage de la résidence familiale. Avec ses
contacts, il a fait faire au chantier naval de la Davie Shipbuilding, deux bassins en
acier inoxydable quil a placés dans un comptoir vitré, bien en évidence. La bête
venait demménager dans ¨des locaux plus spacieux¨.
Evidemment, cette bibitte sauvage était un point dattraction au
commerce de papa, et les enfants se collaient souvent le nez contre la vitre pour la voir
de plus près. Jai même fait lobjet dun reportage dans un magasine
dinformation, à ce moment-là.
Mais, il était de plus en plus dangereux - jamais nous navons pu
lapprivoiser - on le nourrissait au bout dun bâton et lorsquon devait
lapprocher, il fallait mettre des gants de cuir. Il était toujours prêt à ouvrir
sa grande gueule sur quiconque arrivait près de lui Je me souviens dun jour où il
avait réussi à sévader. Il était allé se cacher derrière des boîtes de
chaussures et ce navait pas été une sinécure que dessayer de le saisir pour
le retourner dans sa ¨maison¨. Je métais même fait mordre un pouce et ses crocs
avaient transpercés l ongle...... ayoe!.
Nous lavons gardé 4 ans! un beau jour de printemps,1964, il
semblait malade,ses yeux se couvraient d une substance purulente et nous commencions
à avoir de la difficulté à le manoeuvrer lorsqu absolument nécessaire. Il faut
dire quil était rendu, à ce moment-là, à plus de 48 pouces (120 cm) et que ça
pouvait représenter un danger si jamais il se sauvait encore.
Comme je me mariais dans les jours qui suivaient, je ne nourrissais pas
du tout lidée de lamener avec moi,...... nous avons donc convenu de l
offrir à lAquarium de Québec qui - en lacceptant, nous rendait un grand
service.
Au cours de cet été-là , je suis allée le voir dans son pensionnat
- croyez-le ou non, je ne pouvais même pas savoir lequel cétait parmi les 4 ou
cinq bêtes qui lézardaient dans leur cage.
Je ny suis jamais retournée pour minformer de ce
quil en était advenu, cependant, jai eu toute une frousse, lan dernier,
lorsque le Gouvernement du Québec a annoncé quil avait lintention de fermer
lAquarium.
Je me suis dit - Pourvu quil ne me le retourne pas!..