
Pauvre sapin, ta vie ne fut pas rose, disons plutôt quelle fut
verte ! Tu espérais quun jour, après bien des années de croissance et
defforts pour que tes membres forment artistiquement une pyramide sans défauts, tu
sois vendu bon prix et placé orgueilleusement dans le salon dune propriété du
haut de la ville.
Déjà, tu te voyais, paré de boules métalliques multicolores, orné
denluminures et appesanti de plomb scintillant.
Tu timaginais, servant dabri à la minuscule crèche où
sont placés avec dévotion et amour, tous les personnages de la sainte Famille.
Tu pensais aussi à ton rôle de témoin important quand les jeunes et
les moins jeunes déballent avec frénésie leurs cadeaux enrubannés.
Bien sûr, tu fus choisi, coupé et vendu à un bon père de famille,
mais en ce lendemain des Rois, quelle allure tu as !....
Tes branches, si fournies quelles étaient, ont vite séché et
elles pendent lamentablement sous le poids des décorations; la crèche que si fièrement
tu abritais, est devenue un vrai ¨mémi-mélo¨ après le passage des enfants et des
petits enfants. si bien que Marie est déménagée sur le toit de la grotte pendant
quun des mouton a pris sa place près de Jésus; et, des cadeaux que tu cachais, que
reste-t-il, si ce nest quelques bouts de ruban restés accrochés aux branches les
plus basses, et une paire de bâtons de ski oubliés par la filleule.
Aujourdhui, on te jette dédaigneusement ! on te condamne à
vivre sur le banc de neige ou même sur le trottoir, en attendant le jour où passera le
camion pour te ramasser.
Toi qui fus admiré pendant trois semaines, toi quon décora avec
plaisir, toi qui fus lorgueil des petits et des grands, toi, enfin,
lindispensable au temps des Fêtes, te voilà fini !. Tu nas maintenant que le
dépotoir municipal comme perspective ..... et tombeau.
Céline Lecours - janvier,1962