Une panne dauto
spectaculaire.

Cétait en hiver l96l, et au retour dun reportage quelque
part sur la rive sud, je stationne ma voiture, de peine et misère, dans une congère de
neige, sur le bord de la côte du Passage, juste en face de chez mes parents, avec qui
jhabitais encore.
La poudrerie avait rafalé toute la soirée, et il était impensable
d entrer dans la cour pour la nuit.
Sitôt dans la maison, je me hâte de téléphoner à la station de
police de Lévis,
pour les avertir de mon impuissance à me stationner honnêtement et
leur promets que dès la première heure, demain matin, je ferai tout en mon possible pour
déplacer ma petite Austin afin de donner la chance aux déneigeurs de faire leur travail.
Il faut dire quà ce moment-là, mon rôle de journaliste me
permettait de connaitre, à Lévis, à peu près tous ceux qui de près ou de loin,
pouvaient collaborer, de gré ou de force.....à ma documentation pour peaufiner les
nouvelles que jacheminais à l Action Catholique pour le lendemain.
Donc, dès 8 heures, je saute du lit, en gros pyjama de flanelette bleu
pâle, jenfile mes pieds nus dans des bottes dhiver délacées, je me faufile
les bras dans un gros manteau trois-quarts et je cours démarrer ma voiture avant de me la
faire remorquer par les services municipaux.
Il a poudré toute la nuit et, probablement à cause de cela, jai
de la difficulté à partir le moteur, il veut bien ronronner, mais pas pour longtemps, il
a toujours envie détouffer. Maudit hiver, semble-t-il me dire ..... Finalement
après quelques essais, il se laisse amadouer et le voilà en état de me servir. Pour
massurer quil se subordonne à mes désirs, je décide de faire un petit tour
de voiture denviron un kilomètre près de chez moi avant de la garer pendant que je
ferai ma toilette et que je déjeunerai.
Me voilà donc sur la rue, en gros pyjama, les bottes avec lacets en
corde-à-linge, manteau sport déboutonné, mains nues et les cheveux comme une queue de
paon toute ouverte, en train de mâter mon auto récalcitrante.
Tout va bien, elle crache un peu, de dépit peut-etre, mais je veux lui
montrer qui est le boss !
Le Mouvement Desjardins, qui était plus modeste à l époque,
avec ses quartiers généraux sur lavenue Bégin, était justement situé sur le
parcours que jeffectuais ce matin-là.
Evidemment, vers 8.30 hrs, cest la période de la journée où
les employés entrent au bureau, et les six étages de lédifice semblaient être en
voie de se remplir tous en même temps, et....... précisément au moment où je passais.
Cest là que mon automobile, ma chère petite Austin, a choisi
détouffer, en plein milieu de la rue.
Me voilà donc en panne, dans le chemin, en pyjama avec accessoires
pré-cités!.... et laffluence continue à entrer chez Desjardins et..... la
circulation ralentit parce quune voiture - la mienne - bloque la voie!
Quatre maisons plus loin, il y a une station-service - je nai pas
le choix, je dois demander de laide et.... il faut faire vite. Nécoutant que
mon courage, et après quelques hésitations, me voilà donc partie, en courant vers cette
station-service, cheveux au vent et accoûtrement à lavenant.
Jai eu laide voulue, le mécanicien qui, en riant, est venu
faire obéir ma voiture, ma soulagée dune situation pour le moins pénible et
je suis retournée chez moi, prenant bien soin de la garer dans lentrée de la
maison de mes parents.
Les employés du Mouvement Desjardins ont dû faire des gorges chaudes
de ma situation cocasse, jai dû être leur sujet de conversation pour les quelques
minutes qui ont suivi et on a dû midentifier assez correctement, puisque le même
soir, ......... je recevais un appel téléphonique dun des leurs - actuaire de
profession, et arrivé à Lévis depuis peu, qui me demandait pour aller voir un film avec
lui le samedi suivant.
Cet homme charmant, plein dhumour, je lai revu à quelques
reprises, nous sommes allés au cinéma ou au restaurant et chaque fois, il me rappelait
cet incident de panne de voiture qui lui avait permis de savoir que jexistais.
Comme quoi, chaque malheur apporte toujours un élément positif!