Un cadeau pour Pierre Elliot Trudeau

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C’était un vendredi après-midi d’avril, 1978, et je passais l’aspirateur dans le salon, Au moment où j’avais presque la tête sous le divan, le téléphone sonne. Un peu contrariée, parce qu’il sonnait ENCORE, je m’approche et avec un soupir, je dis ALLO.

 

- Je voudrais parler à madame Céline Lecours-Laflamme, me dit la personne au bout du fil.

- Mais, c’est moi, madame,

- Je suis Françoise !!! (le nom de famille m’ échappe), la secrétaire de M. Trudeau.

- Est-ce une chose sérieuse, ou si c’est un tour qu’on veut me jouer, lui demandais-je, d’un ton méfiant.

- Non, madame, je suis bien la secrétaire de M.Trudeau, et mon patron vient de décider qu’il assistera, vendredi prochain, à la fête en l’honneur de M. Raynald Guay, le député de Lévis, dont on souligne le 15 ème anniversaire de vie politique. Il est de coutume d’offrir un cadeau au Premier Ministre lorsqu’il visite un comté, et nous nous sommes informés auprès de M. Guay s’il pouvait nous suggérer le nom d’ une personne à qui nous pourrions confier cet achat, et il nous a mentionné votre nom.! Madame Lecours, pourriez-vous trouver un présent pour M. Trudeau, qui ne soit pas ni un tableau, ni un bibelot, et qui vienne du comté de Lévis.

 

- Pas facile, chère madame, mais je vais y penser fortement. Rappelez-moi lundi et je vous dirai ce que j’ai pensé comme possibilité.

 

Inutile d’expliquer comment j’ai pu me creuser les méninges pour essayer de dénicher quelque chose qui soit à la hauteur du distingué destinataire. Finalement, mon choix s’est arrêté sur trois belles catalognes de lit, tissées au métier par une artisane de Lévis, et destinées à ses trois jeunes fils. Madame Françoise a agréée cette idée, et j’ai fait emballer le tout, pour le vendredi qui s’en venait.

 

A la réception, il y avait énormément de monde, et j’avais plaisir à rencontrer des lévisiens de mon enfance. Que de souvenirs ont été remués avec des gens que je n ‘ avais pas vu depuis une ou deux décennies. Les cheminements différents que chacun adopte en début de carrière, éloignent trop souvent des amitiés de jeunesse - celle de nos bons et mauvais coups !.

 

Quand M. Trudeau est arrivé dans la salle, le député Raynald Guay (que je connaissais depuis le temps du collège) s’est arrêté devant moi, et il me l’a présenté en mentionnant que j’ étais sa grande amie, celle qui avais choisi le cadeau.

 

On m’avait toujours dit que ce Premier Ministre, un peu playboy, était gênant. C’est incroyable!. Il regarde droit dans les yeux en fixant fermement comme s’il voulait imprimer dans sa mémoire, le nom et le visage de la personne devant lui.

Il m’a donné la main, d’un geste élégant, en répétant t-r-è-s lentement, vous êtes C é l i n e L e c o u r s L a f l a m m e . Il arrêtait ses yeux sur moi avec tellement de profondeur que j’en étais mal à l’ aise.

Il m’a félicitée pour mon choix de cadeau, m’a remercié poliment et il a continué son chemin vers le podium.

 

Chaque fois que, par la suite, je voyais à la télévision ou dans les journaux, le visage de cet homme, je ne pouvais m’empêcher de penser à cette rencontre qui m’avait permis de constater que derrière lui, se cachait probablement un coeur sensible, mais qu’il avait énormément de difficulté à le faire sentir. Il posait, bien malgré lui, un mur infranchissable par ce regard qui aurait glacé n’importe qui,- ou peut-être le voulait-il ainsi ....