Une visite au pays des TRAPP

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             Photo prise en 1977, à Stowe, au Vermont, où était installée la famille Trapp.

                                    Au centre: la "vraie" Maria Von Trapp.

Nous avions décidé, Gilles et moi, le temps d’un été qui arrive sur septembre, de faire un petit voyage et de visiter avec nos filles, la pittoresque ville de Stowe, au Vermont! pour deux excellentes raisons: nous y avions dégusté notre lune de miel, il y a de cela une courte douzaine d’années, et aussi parce que la famille Von Trapp y habite depuis plus de trente ans.

 

Nous avons couché - bien sûr - au même motel, mais cette fois, avec trois diplômes bien vivants acquis de façon consécutive dès le début de notre mariage. Heureux étions-nous, que les chambres soient muettes - ces témoins discrets de choses qu’il ne faut pas dire aux enfants....

 

A la faveur d’un mercredi matin frais et calme, nous avons entrepris de ¨grimper¨jusqu’au domaine des Trapp, à la cime d’une haute montagne qui rappelle à s’y méprendre, les panoramas de la Bavière et du Tyrol. C’est d’ailleurs pour cette raison que Maria et GeorgesVonTrapp, après s’être échappés presque miraculeusement de la griffe d’Hitler, choisirent cet état américain, de préférence à tous les autres, pour s’y installer avec leur huit enfants d’alors, et continuer de chanter la gloire de Dieu partout où on les invitait.

 

Nous voilà donc arrivés presqu’au sommet, devant une grande maison de style autrichien évidemment, qui renferme, d’une part, une boutique de cadeaux et souvenirs, et d’autre part, un petit restaurant où on peut déguster les mets typiques des Alpes.

Dans l’espérance douteuse de voir, en personne, un membre de cette extraordinaire chorale dont on avait apprécié le récit romancé dans le film: ¨Sound of Music¨ je m’informe à une blonde demoiselle au teint de pêche, s’il y avait des ¨Trapp¨aux alentours.

Ïl ne reste ici que la mère Maria et le dernier fils, Johannes’ qui s’occupe de la ferme et des bâtiments¨ me dit-elle avec un sourire chaleureux. Quelques fois, la baronne descend de l’auberge principale où elle a ses appartements, pour rencontrer les touristes, mais il faut être vraiment chanceux pour arriver à la croiser. Elle signe quelques autographes sur ses livres et disques, et repart rapidement. Vous savez, elle a 71 ans...

Aussi bien en faire notre deuil, nous nous contenterons de visiter tout ce qui est possible, en commençant pas cette auberge dont elle nous a parlée. Ce n’est compliqué à trouver - la route finit là, en haut, à l’auberge. On ne peut pas s’y perdre, mais mon Dieu, que c’est beau! Il y a vraiment de quoi jouer de la caméra dans ce décor féérique où tout respire la joie de vivre et la sérénité.

 

Une vaste auberge enrubannée de pétunias, de géraniums, de gueules-de-loup, fait face au soleil du midi, et avale par ses immenses fenêtres toute une provision de chaleur qu’elle doit sûrement communiquer à ses habitants. Impossible de rester indifférent devant un tel déploiement de richesses naturelles offertes à nos yeux. Impossible aussi de ne pas penser à la grandeur d’ âme de cette Maria, qui, au fil des années, sût conquérir, non seulement le Baron Von Trapp par sa grande générosité, mais aussi le monde entier, par sa sensibilité si spontanée et si opportuniste qu’elle sût profiter de chaque moment qui se présentait à elle, pour ajouter au bonheur des autres.

 

A un jeune homme qui portait les valises d’un nouvel arrivant, je demande si Maria était là (comme si je la connaissais bien!). ¨Je ne sais pas, je la crois au village, elle devait sortir¨ ( ce genre de phrase stéréotypée qu’il doit répéter quarante-huit milles fois par jour!.

On verra bien si elle est au village, me dis-je, en essayant d’identifier les voitures stationnées devant ce qu’ils appellent le ¨Main Lodge¨.

Plusieurs sont immatriculées de l’ Etat de New York, d’autres sont d’ailleurs; seulement deux sont du Vermont: une grosse Cadillac de l’année en cours, et une espèce de petite ¨deux-places¨sport toute bosselée par probablement cinq ou six ans de transport de jeunesse.

Pour quiconque a lu le récit de cette famille simple et satisfaite, la limousine de luxe est éliminée au premier tour de scrutin, et pour peu qu’on pense que Maria a 71 ans et qu’elle doit faire un bon l50 ou l60 livres, on ne l’imagine pas plus dans le petit crapaud vert-bleu stationné tout de travers, là, près d’une rangée d’ arbustes fleuris.

 

Eh bien, conclut mon modérateur-de-mari, tu vois bien qu’elle n’y est pas! Maintenant que les enfants ont vu, que la caméra a capté et, que les souvenirs sont achetés, allons prendre un bon dîner au village.

Mais, il me restait encore de l’espoir - ç’eut été ne pas me connaître que de penser que je capitulerais si vite - et pourtant douze ans de mariage n’ont pas suffi!

 

¨Si nous arrêtions une seconde fois à la boutique à cadeaux, ajoutais-je, je voudrais bien un disque de Cantates, c’est si doux à entendre chez soi, à la faveur d’un après-midi qui vous laisse l’imagination en liberté¨.

Pendant que j’hésitais entre deux ou trois albums, mon mari faisait les cent pas devant le magasin. Tout à coup, il voit apparaître, à vitesse accélérée, la mini-sport bosselée, qui se stationne rapidement près de lui. Devinez qui en sort...

d’un pas alerte et assuré...... Maria, vêtue de son costume national - celui qu’elle a toujours porté en terre américaine - d’abord, parce qu’au début ¨ ça réglait le problème vestimentaire de la famille pour les concerts, et ensuite parce que c’était le seul que nous avions¨......

Elle l’a adopté, ce costume, en femme réaliste, et personnellement, je pense que le public serait déçu si elle l’abandonnait; d’ailleurs Maria n’a pas besoin de coquetterie vestimentaire pour rayonner. Il suffit de l’avoir vu une fois, pour comprendre que les ¨grands¨ dans le vrai sens du mot, transpirent de cette intelligence et de cet ardeur de vivre qu’aucun vêtement ne peut cacher.

Elle entre rapidement dans SA boutique, donne de solides poignées de main à tous ceux qui l’ont reconnue et qui se présentent à elle. Je sors ma modeste caméra et essaie de prendre, en profil, à travers la lumière de la fenêtre, ce visage racé aux traits volontaires. Aussitôt, elle se retourne et me dit avec une complaisance qui me gêne: ¨Pourquoi n’allons-nous pas à l’extérieur, votre photo serait bien meilleure¨.... Tout en redressant son grand tablier, elle s’informe du nom de nos filles, de leur âge, de l’endroit où nous demeurons, si les études sont en français ou en anglais, bref, avec cette belle simplicité, la voilà en train de nous donner de l’importance à ses yeux - pour elle, tous les humains méritent de l’attention, pour peu qu’ils démontrent de la bonne volonté.

A un touriste qui passait, je demande de prendre LA photo, puisque, moi aussi, je voulais bien faire partie du décor, afin de garder dans mes archives personnelles, le souvenir de cette rencontre qui restera longtemps gravée dans ma mémoire.

 

Comme je demandais à madame Trapp si elle avait des livres en français (je me souvenais d’en avoir lu un, il y a quelques années) afin d’enrichir la bibliothèque de mes filles, elle me fixe avec bonté et détermination et répond:

¨Vous savez, madame, oui, il y en a déjà eu, mais la quantité est épuisée depuis longtemps et on a pourtant beaucoup de demandes de la part de Québecois. Peut-être pourriez-vous faire pression pour qu’un éditeur s’en charge. Je compte sur vous, pour passer le message¨.

 

Comment l’oublier, et comment oublier aussi cette visite au pays des Trapp, où on n’a rencontré que beauté, charme et grandeur de vivre.

Un beau souvenir à conserver, et, c’est précisément dans ce but que j’ai écrit cet article.

 

Au retour d’une visite chez les Trapp, septembre 1976