Sous le régime français, très rares étaient les paroisses qui avaient des médecins.

Lors de la Conquête, peut-être en comptait-on une douzaine dans toute la colonie, à part ceux qui étaient établis à Québec, Montréal et Trois-Rivières.

 

Il fallait donc se résigner à mourir sans médecin. C’était le bon temps du charlatanisme. Chacun s’improvisait guérisseur ou, tout au moins, fabricant de remèdes. Dans le seul comté de Champlain, M. E.Z. Massicotte a relevé plus de cinquante remèdes populaires tout aussi abracadabrants les uns que les autres.

Je n’en cite qu’un certain nombre. On pourra peut-être les essayer pour se rendre compte de leur effet.

 

Pour se débarrasser des clous, on mangeait des grains de plomb en nombre impair.

 

On guérissait les cors aux pieds en écrasant une grenouille entre le gros orteil et le deuxième doigt du pied.

 

Pour détourner quelqu’un de la consomption (lire : tuberculose), on buvait de l’urine de vache noire.

 

Pour faire disparaître les convulsions chez les enfants, il suffisait de leur enlever leur chemise, de la tourner à l’envers puis de la brûler.

 

On guérissait la coqueluche en conduisant le petit malade à un cheval marron et en disant au cheval : marron, ôtes-lui la coqueluche !

 

Les crampes disparaissaient quand, le soir, avant de se coucher, on mettait ses chaussures la semelle en haut.

 

On guérissait le mal de dents en portant dans sa poche un os de la tête d’un poisson.

 

Le mal de gorge s’en allait quand on s’entourait le cou de son bas de laine.

 

Le suif de bélier noir était souverain pour guérir les hémorroïdes.

 

Pour se débarrasser les insomnies, il fallait cesser de se coucher la tête au sud.

 

Trois zéros écrits à la pierre bleue sur le dos de la poitrine guérissait l’inflammation d’intestins.

 

Quant à la jaunisse, on la faisait passer en mangeant des poux, en nombre impair.

 

Pour détourner la pleurésie, on buvait une tisane de suis prise dans le tuyau du poêle.

 

Un remède infaillible pour le rhumatisme était d’aller dans le bois, faire une entaille dans un arbre et dire : je te laisse mon rhumatisme, je le reprendrai quand je repasserai. Seulement, il ne fallait pas repasser par là.

 

Extraits tirés de : Les Petites Choses de Notre Histoire, par Pierre-Georges Roy, 1944.