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DECLARATIONS

Traduction non-officielle

La publication du M.I.S.Ivanov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, au journal "Nezavissimaïa gazeta" en date du 23 mars 2000

CRISE DE KOSOVO : UN AN APRES

Un an s'est écoulé de la date quand l'OTAN a commencé à bombarder le territoire de la Yougoslavie souveraine. Aujourd'hui, il est devenu tout à fait évident que l'agression de l'OTAN a neutralisé non seulement les efforts de la communauté internationale en faveur du règlement pacifique précédés les actions militaires, mais a amené, en effet, la crise de Kosovo dans une impasse. La menace de la tragédie balkanique devient de plus en plus réelle, et même les pays de l'OTAN commencent à le parvenir.

L'opinion internationale reconnaît chaque jour les nouveaux faits témoignant d'une manière convaincante que les stratèges de l'OTAN ayant élaboré les plans militaires contre la Yougoslavie, ce qui a duré plusieurs mois, bien sûr ne se sont pas souciés de l'avenir des habitants de Kosovo et de la stabilité dans les Balkans. Cette région martyre jouait le rôle d'une sorte de polygone pour essayer la conception "otanocentriste" de l'organisation du monde où un groupe d'états pourrait s'arroger le droit de dicter sa volonté, y compris avec de la force, à la communauté mondiale. La conception stratégique nouvelle de l'OTAN ainsi que les soi-disant théories de la "souveraineté limitée" et de "l'ingérence humanitaire" ont eu pour but de créer l'apparence de la légalité des actions mentionnées. Il est bien connu à quoi cela a abouti. La Charte de l'ONU, l'ensemble de principes fondamentaux de l'ordre juridique et de la stabilité internationale ont subi un coup très fort. De nouveau, les aspects militaires de la sécurité mondiale ont été avancés au premier plan. Plusieurs pays ont évoqué que la modernisation accélérée de l'armement représente le moyen unique d'éviter l'agression extérieure. Par conséquent, les régimes de non-prolifération des armes de la destruction massive et des moyens de son transport sont menacés d'être sapés.

Un nombre d'états y compris la Russie a été obligé de corriger leur conception de la sécurité nationale. Enfin, une atteinte considérable a été portée à la confiance qui a commencé à s'établir entre la Russie et l'OTAN.

Les événements de Balkans ont démontré une fois de plus que la lutte pour l'organisation future du monde est entrée dans sa phase décisive. La thèse que la paix basée sur la polypolarité et le respect strict du droit international trouve le maintien de plus en plus ample. Le "sommet de millenium" dans le cadre de l'ONU qui aura lieu au mois de septembre, doit manifester l'appui que la plupart des états prête à cette approche.

En revenant à la crise de Kosovo, il est à noter que l'OTAN n'ayant misé que sur une opération militaire, a annulé, en réalité, les efforts du Groupe de contact destiné à élaborer le plan du règlement pacifique. Parallèlement aux pourparlers à Rambouillet les moniteurs américains et d'autres pays de l'OTAN préparaient les combattants de la soi-disant "armée libératrice de Kosovo" dont l'objectif a été de déstabiliser la situation dans la région et de contribuer à l'opération ultérieure de l'OTAN.

Ainsi, l'appui a été prêté aux groupes d'albanais les plus extrémistes adoptant la position séparatiste et ayant des liaisons avec les structures criminelles internationales.

Je suis persuadé qu'il y avait une alternative à la guerre représentée par la voie des pourparlers pacifiques qui ne s'est pas encore épuisé. La Russie insistait toujours, à chaque phase de la crise de Kosovo, pour la résolution politique en se prononçant pour l'autonomie de la région de Kosovo, dans le cadre de la République de Yougoslavie, comme une condition nécessaire de la vie commune des albanais, serbes et autres nations du territoire. La Russie a été prête de maintenir les chapitres politiques des accords à Rambouillet. Malheureusement, ces accords n'ont pas été passés car l'OTAN a avancé un nombre d'exigences supplémentaires inadmissibles. Belgrade n'a montré non plus de la souplesse attendue.

Les actions militaires de l'OTAN contre la République de Yougoslavie qui ont duré 78 jours entreront dans l'histoire de l'Europe de la fin du XX siècle comme une page l'une des plus tragique.

Les conséquences des bombardements sont connues : les victimes multiples parmi les civils, la démolition de la grande partie du potentiel industriel de Yougoslavie, les dommages économiques et écologiques importants dans les pays voisins et dans l'ensemble de la région. C'était le prix de "l'ingérence humanitaire" que les certains cherchent à transformer aujourd'hui en principe presque universel du règlement des conflits. A l'heure actuelle, il existe une tendance de nous convaincre que l'objectif principal de l'action de l'OTAN était de faire revenir dans la région plus de 800 mille réfugiés. Sur qui sont comptés les déclarations pareilles ? En effet, il est bien connu que les réfugiés n'ont pas existé ni en Albanie, ni en Macédoine avant les bombardements de l'OTAN. Les camps des réfugiés et, par conséquent, la catastrophe humanitaire ne sont pas la cause, mais la conséquence des bombardements.

Cela va de soi que la Russie n'a pas pu surveiller indifféremment la tragédie des Balkans. Dans une grande mesure, grâce à nos efforts la guerre contre la Yougoslavie a été arrêtée et le problème de Kosovo a été remis dans la voie du règlement politique dans le cadre de l'ONU. La résolution 1244 du Conseil de Sécurité en date du 10 juin 1999 a déterminé les paramètres principaux de cette voie.

Néanmoins, Kosovo reste une blessure saignante sur le corps de l'Europe. L'opération de l'OTAN sous prétexte imaginé de la défense des albanais a aggravé les contradictions ethniques et a abouti à l'expulsion de la plupart de la population non albanaise. Chaque jour nous recevons les informations sur les nouveaux actes de violence à l'égard des serbes, bohémiens, turques et autres nations. Selon les sources différentes, entre 250 et 350 mille personnes ont été obligées de quitter Kosovo. Mais ceux qui y restent vivent dans les vrais réservations sous la garde des pacificateurs internationaux. Cependant, même cette garde ne garantit pas la sécurité, près d'une mille tués pendant l'année écoulée dont 800 étaient d'autre nationalité qu'albanaise. Des centaines de blessé, beaucoup de disparus. Les événements dans Mitroviza de Kosovo où l'opposition ethnique se manifeste de la manière la plus aiguë, ont mis en évidence l'aspiration des extrémistes albanais à expulser avec de la force les non albanais en dehors du territoire de la région.

Washington et les autres capitales des pays de l'OTAN sont obligés de le reconnaître. Ce n'est pas par hasard que l'émissaire spécial des Etats-Unis a chapitré les leaders de Kosovo en déclarant : "ceux qui vous prêtent leur appui sont maintenant déçus ". Déçu… parce qu'ils voient que la situation devient de plus en plus incontrôlable et que Kosovo se transforme en champs d'opérations de différents groupes extrémistes et criminels.

Il est connu que la résolution 1244 du Conseil de la Sécurité de l'ONU stipule nettement que Kosovo est une partie intégrante du territoire de la République de Yougoslavie. Autrement dit, l'intégrité territoriale de la Yougoslavie est considérée comme une condition obligatoire du règlement durable et permanent. Il est évident que la séparation de Kosovo de la Yougoslavie pourrait déstabiliser la situation dans l'ensemble des Balkans.

La création dans cette région de l'Europe d'une entité étatique criminelle "pure du point de vue ethnique" imprégnée du chaos et de l'intolérance nationale pourrait être un précédent dangereux. En réalité, on admet par suite de l'application de la force extérieure l'annexe d'une partie du territoire d'un état souveraine en vue de la transmettre entre les mains des séparatistes.

De ce point de vue, la conduite des représentants internationaux dans la région qui doivent réaliser en pratique les dispositions de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l'ONU, suscite de l'inquiétude.

Malheureusement, les pas entrepris transforment la région en société "autosuffisante" avec les indices d'un état indépendant. Les jeux pareils avec les séparatistes aiguisent leur appétit. Ils prétendent déjà à une partie du territoire de la Serbie du Sud peuplé par les albanais. Le scénario reste invariable : la formation des groupes de combattants, les sorties provocatrices, les spéculations autour des épurations ethniques. La suite logique serait l'appel à l'OTAN pour l'assistance.

Est-ce que les capitales des pays occidentaux ne le voient pas ? Si, je suis sûr qu'elles le voient, mais elles ne se décident pas encore à agir. D'une part, on ne veut pas reconnaître la faute commise telle que l'agression contre la Yougoslavie, d'autre part, on ne peut pas abandonner l'hostilité irréconciliable à l'égard du régime actuel à Belgrade. L'irrationalité de cette conduite est évidente. Même les forces opposées en Yougoslavie partagent complètement l'opinion que Kosovo doit rester comme partie intégrante de la République de Yougoslavie. C'est la population civile de la Yougoslavie qui subit en premier lieu les sanctions internationales.

Les représentants des pays de l'OTAN ne cessent pas de prétendre que l'issue de la situation crée à Kosovo ne peut être trouvée qu'après le changement du pouvoir à Belgrade, ce qui prouve l'absence de la stratégie nette du règlement de la situation. Bien sûr que les reformes démocratiques soient nécessaires y compris dans la République de Yougoslavie. C'est une condition obligatoire de l'évolution de la société moderne. Cependant, selon l'opposition yougoslave, l'Ouest en appliquant la pratique d'isolation de la Yougoslavie empêche sa démocratisation.

Il est évident qu'il faut envisager la situation à Kosovo de la façon plus ample, en prenant en considération tous aspects et en mettant en relief les intérêts de la stabilité et de la sécurité dans les Balkans.

Quelle est la tâche primordiale du règlement ?

Premièrement, il faut assurer la reprise rapide des négociations politiques afin de déterminer le statut de Kosovo. Les séparatistes ne doivent avoir aucune illusions qu'ils pourront imposer à la communauté internationale le scénario de la séparation du territoire. Autrement dit, il s'agit de l'exécution des dispositions clés de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l'ONU relatives à l'autonomie du territoire et à l'autogestion réelle, ainsi qu'à l'établissement de la société multiethnique et démocratique. L'activité de l'administration locale doit être appréciée du point de vue de la sécurité et de la tolérance nationale à Kosovo ce qui permettra aux centaines de milliers de réfugiés serbes et d'autres nationalités de revenir chez leurs foyers.

Deuxièmement, les leaders extrémistes de la commune albanaise doivent être entièrement isolés. Les forces internationales à Kosovo doivent confisquer avec plus d'énergie les armes illégales que possède la population, organiser le contrôle strict de l'activité du Corps de la défense de Kosovo étant en train de formation. La tâche obligatoire est de fermer le secteur de la frontière entre le Kosovo de la République de Yougoslavie et l'Albanie et la Macédoine, de renforcer la présence policière internationale.

Enfin, il est nécessaire de reconnaître qu'aucun règlement durable et permanent dans les Balkans ne peut être atteint sans participation de Belgrade dans ce processus. Notamment, la disposition de la résolution 1244 concernant le nombre concordé de militaires yougoslaves à Kosovo doit être respectée.

Cela va de soi que le plan présenté n'est pas exhaustif, ce ne sont que les premiers pas permettant de changer les tendances dangereuses. La communauté mondiale a assumé une grande responsabilité pour le règlement à Kosovo. Non seulement l'avenir pacifique des Balkans, mais, du point de vue général, les perspectives de l'évolution de la situation en Europe et dans le monde entier dépendent de la fermeté et de l'esprit de suite avec lesquelles elle mettra en pratique ses propres décisions.