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Londres, 1888

(c) A identifier, 1998

La moderne Babylone

Londres a toujours occupé une place à part dans la nation. Elle a constitué depuis la fin du XVIe siècle un géant et un ogre dévorant les forces vives du pays pour grandir sans cesse. Pour preuve, on compte trois millions d’habitants en 1861, cinq en 1881, 5634000 en 1891; à cette date, un anglais sur cinq vit dans le Grand Londres, près d’un sur six dans ses limites municipales.

Vers 1870, pour faciliter le trajet du londonien, le chemin de fer a connu son essor. Mais, avant d’apporter à la ville la possibilité d’un décongestionnement par la projection de tentacules extérieurs, le rail a commencé par la fragmenter, la couvrir de chantiers. Il a cassé des solidarités de quartier, aggravé la ségrégation sociale en contribuant à exiler les classes pauvres vers les quartiers moins attrayants.

Mais rien n’empêche, jusqu’à la fin du siècle, à la métropole du plus grand Empire du monde d’évoquer à l’odorat, un petit village campagnard: les immondices des innombrables chevaux et des chiens, la tradition, pourtant combattue, d’élever des porcs à proximité immédiate des logis, ajoutent leurs effets à ceux du bétail amené sur pied dans la capitale jusqu’à des centaines d’abattoirs, petits et grands.

De plus, l’épais brouillard qui couvre perpétuellement Londres ne fait que souligner les dangers créés par la pollution de l’air, par la fumée ocre toujours présente dans le ciel plombé et qui, mélangée à l’air le plus humide, donne naissance au smog (amalgame de smoke, fumée, et de fog, brouillard). Chargé de sulfures et de carbones hydratés, les smogs tuent les plus fragiles tout en offrant un abri idéal aux assassins et malandrins de rencontre.

Du coup, la moderne Babylone ne perd pas son caractère effrayant. Pis: la capitale recèle en son sein des enfers toujours plus abominables.
La pauvreté, par exemple.

Le Londres de l’Est est caché de la vue par un rideau sur lequel on a peint de terribles images: des enfants affamés, des femmes souffrantes, des hommes épuisés de surmenage; les horreurs de l’ivrognerie et du vice; des monstres et des démons de l’inhumain; des géants de la maladie et du désespoir.

Ce qui frappe surtout les Victoriens est que sur toute cette boue et cette lie, prolifèrent les vices les plus variés dont la prostitution n’est que le plus croustillant.
Ces vices ? La pègre londonienne, les pickpockets et cambrioleurs jusqu’aux criminels les plus redoutables en passant par tous les filous, truqueurs et refileurs de fausses monnaies.

Jack l’Eventreur, l’histoire

Emma Smith

Veuve d’âge mûr, prostituée occasionnelle, elle retournait chez elle peu après minuit, le mardi 3 avril 1888, lorsqu’elle fut attaquée par trois jeunes gens. Après l’avoir volée, puis violée, les trois hommes lui enfoncèrent un objet contondant dans le vagin, déchirant le périnée. Son visage portait des traces de coupures. Elle mourut le 5 avril d’une péritonite, après avoir décrit ses assaillants, qui ne furent jamais arrêtés.

Ce meurtre n’est certainement pas l’œuvre de Jack.

Martha Tabram

Vers 4 heures et demie, le matin du mardi 7 août 1888, un locataire du George Yard Building découvrit le corps de Martha Tabram, une prostituée de 39 ans, sur le palier du premier étage. Elle gisait dans une mare de sang et avait été poignardée à 39 reprises. La mort eut lieu vers 3 heures du matin. Les blessures infligées consistaient en cinq coups dans le poumon gauche, deux dans la rate, etc.

L’assassin, un droitier, avait principalement visé le ventre, les seins et les parties génitales. Trente-huit de ces coups étaient dus à un canif ordinaire, l’exception étant une blessure causée par une baïonnette. Son meurtre laisse planer un doute quant à savoir si Jack l’a commis.

Mary Ann Nichols

Elle était âgée de 43 ans en 1888. Mariée en 1864 à William Nichols avec lequel elle eût cinq enfants, Mary commença à s’adonner sérieusement à la boisson en 1877 suite à des problèmes de couple. En 1880, elle se sépare de son mari et ne survit que grâce à la prostitution. Ses ultimes faits et gestes de la nuit du 30 au 31 août sont connus:

- 23 heures: elle se promène sur Whitechapel Road.

- 0 heures 30: on la voit quitter un débit de boisson, le Frying Pan Public House.

- 1 heure 20: Mary Nichols se rend à l’asile du 18 Thrawl Street, dont le propriétaire refuse de lui donner un lit car elle n’a pas d’argent. Elle est légèrement ivre et arbore un bonnet neuf que le propriétaire ne lui connaissait pas. Elle part en ajoutant « J’aurais bientôt l’argent pour un lit. As-tu remarqué le joli bonnet que je porte? »

- 2 heures 30: Ellen Holland, qui aurait partagé une chambre avec Mary Nichols au 18 Thrawl Street pendant trois semaines, la rencontre au coin de Whitechapel High Street et de Brick Lane. Mary lui dit avoir gagné trois fois l’argent pour un lit à l’asile, avant de tout dépenser. Elle refuse d’accompagner Ellen Holland au 18 Thrawl Street.

- vers 3 heures 45, le matin du 31 août 1888: deux passants, Charles Cross et Robert Paul, qui se rendent à leur travail, traversent Buck’s Row et découvrent le corps de Mary Nichols. Sa robe est remontée jusqu’à hauteur de l’estomac. Quelques minutes à peine s’écoulent avant l’arrivée de l’agent de police Neil qui effectue une ronde; les trois hommes sont bientôt rejoints par deux autres agents, Mizen et Thain.

- vers 4 heures du matin: le docteur Rees Ralph Llewellyn arrive sur les lieux. C’est lui qui pratique l’autopsie du corps qui a été lavé malgré les ordres de la police.

Cinq dents sont manquantes, et on remarque une légère lacération de la langue. On note une contusion sur la partie basse de la mâchoire, du côté droit du visage. Celle-ci pourrait résulter d’un coup de poing ou de la pression du pouce. On remarque une contusion circulaire sur la face gauche du visage, qui pourrait également avoir été infligée par la pression de plusieurs doigts. Sur le côté gauche du cou, à deux centimètres et demi sous la mâchoire, on observe une incision s’étendant sur environ dix centimètres, jusqu’à l’oreille. Du même côté, mais deux centimètres plus bas, on note une incision circulaire qui commence deux centimètres plus en avant que la précédente et qui se termine à sept centimètres sous la mâchoire droite. Cette incision a complètement déchiré tous les tissus jusqu’aux vertèbres. Les larges vaisseaux sanguins ont été coupés des deux côtés du cou. Cette incision s ’étend sur environ vingt centimètres. Les coupures ont été probablement causées par un couteau à lame longue, modérément aiguisée, et utilisé avec une grande violence. Pas de sang sur la poitrine, pas plus que sur le corps ou les vêtements. Pas d’autres blessures sur le corps, jusqu’à ce que l’on en vienne à la partie inférieure de l’abdomen. A cinq ou six centimètres du côté gauche de l’abdomen, on remarque une blessure aux contours déchiquetés. La blessure est très profonde, les tissus sont déchirés. Plusieurs incisions ont été infligées en travers de l’abdomen. Du côté droit, trois ou quatre coupures similaires ont été causées avec une grande violence de haut en bas. Les coups ont été portés de gauche à droite et pourrait avoir été l’oeuvre d’un gaucher. Toutes les blessures proviennent du même instrument.

Le docteur Llewellyn précise, lors de l’enquête officielle, que très peu de sang est recueilli sur place - à peine un verre de vin et demi - mais que celui-ci a probablement été absorbé par les nombreux vêtements de la victime, ainsi que par ses cheveux.

Annie Chapman

Née Elisabeth Smith, elle était âgée de 47 ans en 1888. Mesurant 1m55, Annie Chapman est assez forte; le visage ingrat, recouvert d’une chevelure châtain foncé, est marqué par un nez épais et des yeux bleus.

Ses ultimes faits et gestes de la nuit du 7 au 8 septembre sont connus :

- 23 heures 30, le 7 septembre : Annie Chapman frappe à la porte du Crossingham’s Lodging House, où elle est admise dans la cuisine.

- 0 heures 10, le matin du 8 septembre: William Stevens, un imprimeur locataire du meublé voit Annie dans la cuisine prendre une boîte de pilules, qui se brise. Elle ramasse les pilules, pour les mettre dans une enveloppe déchirée portant la marque du régiment du Sussex, signée d’un M et dont l’écriture est indiscutablement masculine, avec un timbrage datant du 28 août 1888. Elle quitte alors le meublé pour « boire un coup ».

- 1 heure 35: elle est de retour au meublé. Le gérant l’aperçoit en train de se faire cuire une pomme de terre, et lui demande de l’argent pour un lit; Annie lui répond « Je n’en ai pas. Je suis faible, malade et j’ai été à l’infirmerie. Garde-moi un lit. Je reviens dans peu de temps.

- vers 5 heures 30: Elizabeth Darrell voit une femme, qu’elle identifie comme étant Annie Chapman, discuter avec un inconnu sur le trottoir dur 29 Hanbury Street. Son témoignage est important puisqu’il est fort probable que le compagnon d’Annie Chapman ait été Jack l’Eventreur. Ms Darrell indique que, l e matin du samedi 8 septembre, elle partit de chez elle en direction du marché de Spitalfields. Il était 5h30 du matin - elle est absolument certaine de l’heure car l’horloge de la brasserie venait juste de sonner - lorsqu’elle arriva à la hauteur du 29 Hanbury Street. Elle vit un homme et une femme qui parlait devant le n°29. Le dos de l’inconnu était dirigé vers Brick Lane, alors que celui de la femme était dans la direction du marché de Spitalfields. Ils étaient très proche des volets du n°29. Le témoin aperçut le visage de la femme. Elle l’a reconnu à la morgue comme étant la victime. Elle ne vit pas le visage de l’homme, mais elle est sûre que son teint de peau était de couleur foncée. Elle est incapable d’indiquer son âge, mais il paraissait avoir plus de quarante ans, et une taille un peu plus grande que celle de la victime. A ses vêtements, on aurait dit quelqu’un qui voulait sauver les apparences. Il semblait être d’origine étrangère. Le témoin put les entendre car ils discutaient à voix haute. L’homme parla en premier « Tu veux bien ? » Et la femme répondit « Oui ». Ils étaient toujours debout et immobiles lorsque le témoin les dépassa sans se retourner pour se rendre à son travail.

Pourquoi peut-on penser que l’inconnu était probablement Jack l’Eventreur ? Tout simplement à cause du témoignage d’un jeune charpentier, Albert Cadosh, qui résidait au 27 Hanbury Street. Alors qu’il se trouvait à 5h et demie du matin dans la cours de don immeuble, Cadosh entendit une voix de femme s’écrier « Non! », dans la cours adjacente du 29. Quelques minutes plus tard; il entendit ce qu’il perçut comme le bruit de quelque chose de lourd tombant contre la barrière de bois séparant les deux cours. Mais comme il n’entendit plus d’autres bruits, ses soupçons ne furent pas éveillés et il partit travailler. En passant devant l’église de Spitalfields, toute proche, il vit qu’il était 5h32. Il ne remarqua personne dans Hanbury Street en sortant de l’immeuble.

C’est vers cette barrière que le cadavre d’Annie Chapman est découvert aux environs de 6h du matin par John Davis, un locataire de l’immeuble. Le corps est allongé sur le dos, parallèlement à la barrière de bois, la tête appuyée contre les marches de pierre, la robe est remontée à hauteur des genoux, tandis que les intestins de la victime ont été placés sur son épaule gauche.

Encore une fois, à l’image de ce qui arriva au cadavre de Mary Nichols, celui d’Annie Chapman fut lavé à son arrivée à la morgue du Whitechapel Workhouse Infirmary, au grand dam du docteur Phillips qui en pratiqua l’autopsie.

Ses conclusions furent les suivantes: le bras gauche d’Annie Chapman reposait sur le sein gauche. Le visage était gonflé et tourné vers la droite. La langue était très enflée et coincée entre les lèvres, mais ne dépassant pas les lèvres. La gorge avait été profondément tranchée par des incisions irrégulières et circulaires. Plusieurs contusions sont à signaler: une au-dessus de la tempe droite, une autre sur la paupière, et deux autres encore, de la taille d’un pouce masculin, sur le haut de la poitrine.

Quant aux blessures à la gorge, les incisions de la peau indiquent qu’elles ont été effectuées à partir de la gauche du cou. Il y a deux coupures distinctes et nettes du côté gauche de la colonne vertébrale; elles sont parallèles et espacées d’un peu plus d’un centimètre. La structure musculaire semble indiquer que l’assaillant a tenté de séparer les os du cou. Il a immobilisé la victime en la tenant par le menton, avant de trancher la gorge de gauche à droite. L’observation de la langue et du visage indique une suffocation de la victime.

Elizabeth Stride

Il est une heure du matin en cette nuit pluvieuse et venteuse du dimanche 30 septembre 1888, lorsque le vendeur ambulant Louis Diemschütz pénètre avec son attelage dans la cour de Dutfield’s Yard, pour y rejoindre ses amis de l’International Workingmen’s Educational Club, siège d’un journal d’intellectuels juifs socialistes. Diemschütz y officie parfois en tant que maître d’hôtel. Il est intrigué par l’attitude de son cheval qui s’écarte à deux reprises vers la gauche en hennissant, apparemment pour éviter un tas de vêtements. De son fouet, Diemschütz touche cette masse informe et tente vainement de s’éclairer avec une allumette, qui est immédiatement soufflée par le vent. Mais il en a vu suffisamment pour chercher l’aide de ses amis du club au 40 Berner Street.

« Long Liz », de son vrai nom Elizabeth Stride était âgée de 45 ans. Diemschütz la découvre couchée sur son flanc gauche; son bras droit repose sur l’estomac, alors que le gauche se trouve derrière le dos et tient encore à la main un sachet contenant des noix de cajou. La main droite est ensanglantée et la bouche légèrement entrouverte. Une écharpe est nouée autour de son cou, et la partie inférieure du tissu est élimée comme par l’action d’un couteau qui lui a également tranché la gorge, de gauche à droite. Le corps est encore chaud, et vierge de toute mutilation abdominale, ce qui laisse à penser que l’assassin a été dérangé par l’arrivée de Louis Diemschütz. Comme Mary Ann Nichols et Annie Chapman, Elizabeth Stride était mariée, mais vivait séparée de son mari. Elle s’adonnait à la boisson et, à de nombreuses reprises, avait été arrêtée en état d’ébriété par la police. Le plus souvent, elle habitait un meublé du 32 Flower and Dean Street, où elle travaillait parfois en tant que femme de chambre. Elle avait également vécu, en compagnie de Michael Kidney, au 33 Dorset Street.

Au contraire des autres victimes, Elizabeth Stride est aperçue par de nombreux témoins. Vers 23h, le samedi, deux clients du Bricklayer’s Arms la voient quitter l’établissement en compagnie d’un jeune Anglais mesurant un mètre soixante-cinq, un mètre soixante-huit environ, d’apparence fragile, arborant une moustache noire, des sourcils roux pâles, un costume et un chapeau melon. Vers minuit moins le quart, William Marshall, bottier de son état, rencontre Elizabeth Stride, qui est accompagnée par un Anglais d’environ un mètre soixante-dix, plutôt corpulent.

Un marchand de fruit d’un certain âge, Matthew Packer, dont l’échoppe se situait au 44 Berner Street, prétendit avoir vendu une livre de raisins à un jeune Anglais de vingt-cinq à trente ans mesurant environ un mètre soixante-dix, et dont l’apparence extérieure ressemblait au signalement donné par William Marshall; cet inconnu était accompagné par Elizabeth Stride, que Matthew Packer reconnut par une visite à la morgue, le 4 octobre.

A minuit trente, William Smith, un agent de police effectuant sa ronde aperçoit Elizabeth Stride en compagnie d’un homme d’environ un mètre soixante-dix, âgé de vingt-huit ans portant un paquet enveloppé dans du papier journal et un chapeau de chasse à bords de feutre rigides.

A 0h45, James Brown, qui rentre chez lui, est « presque certain » d’avoir vu Elizabeth Stride en compagnie d’un homme portant un très long manteau de couleur noire.

En examinant ces témoignages parfois divergeants, on demeure frappé par la précision de certains détails, alors qu’il fait nuit, et que le temps est pluvieux ainsi que le manque d’éclairage des rues de l’East End permettent de douter de leur validité.

L’autopsie du corps d’Elizabeth Stride, par le docteur George Bagster Phillips, révèle les points suivants:

« La gorge a été tranchée par une incision nette, qui s’étend sur quinze centimètres de long et qui commence à environ six centimètres sous l’angle de la mâchoire. L’incision dévie quelque peu vers le bas. L’artère et les autres vaisseaux ont été sectionnés. La coupure des tissus du côté droit est plus superficielle, les vaisseaux sanguins s’y trouvant n’ont pas été endommagés... L’estomac contenait de la nourriture partiellement digérée, dont du fromage, de la pomme de terre et de la farine... La victime n’avait pas mangé de raisin au cours des dernières heures... La cause du décès est due à la section de l’artère carotide gauche et de la perte de sang qui s’en suivit... L’incision a été effectuée de gauche à droite par un couteau à lame plutôt large, mais pas très pointu et passablement émoussé... On note une grande dissemblance entre ce cas et celui de Chapman, le cou avait été tranché jusqu’à atteindre la colonne vertébrale, celle-ci étant dégagée par deux incisions, dans le but évident de décapiter la victime. »

Bien que les inspecteurs de Scotland Yard aient tous ajouté Elizabeth Stride à la liste des victimes de Jack l’Eventreur, ce meurtre diffère beaucoup de tous les autres.

En effet:
- aucune trace d’asphyxie,

- le couteau n’est pas le même,

- le lieu du crime est assez loin du terrain de chasse habituel de Jack l’Eventreur.

Catherine Eddowes

Le 28 septembre, Catherine Eddowes et John Kelly, avec lequel cette femme de quarante-six ans vit maritalement, retournent à Londres après un séjour d’un mois dans le Kent, où ils ont cueilli du houblon. En prenant une chambre dans un meublé où elle a ses habitudes, Catherine Eddowes déclare au gérant « Je suis revenue toucher l’argent de la récompense pour la capture du meurtrier de Whitechapel. »

Le 29 septembre, à 20h30, un agent de police découvre Eddowes affalée sur le trottoir d’Aldgate High Street. Elle est complètement ivre et le policier l’emmène au poste de Bishopsgate, où elle est enfermée dans une cellule. A 1h du matin, elle est relâchée après l’heure de fermeture légale des débits de boissons. Au même moment, à un kilomètre de là, Elizabeth Stride tombe sous les coups du mystérieux assassin.

Il est environ 1h35 du matin, lorsque trois hommes qui viennent de jouer aux cartes dans un club aperçoivent un homme parler à une femme dans Church Passage. Joseph Hyam Levy, Harry Harris et Joseph Lawende ne voient pas leurs visages, mais Lawende reconnaîtra Eddowes grâce à ses vêtements, qu’il identifiera au poste de police. Lors de l’enquête officielle, il affirme ne pas pouvoir reconnaître l’inconnu s’il le voyait de nouveau.

Vers 1h45, en ce matin du 30 septembre 1888, l’agent de police Edward Watkins, qui effectue sa ronde, découvre le corps de Catherine Eddowes dans un recoin de Mitre Square. Mitre Square est au centre d’un labyrinthe de rues étroites, de passages et d’impasses. Le corps de Catherine Eddowes est allongé sur le dos, éventré « comme un cochon de marché », déclare l’agent Watkins. La jambe gauche est allongée alors que la droite est pliée à hauteur du genou. La gorge est profondément tranchée jusqu’à l’os, sur une longueur d’environ dix-huit centimètres. Les intestins ont été retirés et placés sur l ’épaule droite. Un morceau d’intestin d’environ soixante centimètres est retrouvé entre le corps et le bras gauche. Le lobe et le pavillon de l’oreille ont été coupés obliquement.

Lorsque le docteur Frederick Gordon Brown arrive à Mitre Square pour examiner le corps, il est très exactement 2h03; il estime que l’heure du décès remonte à moins d’une demi-heure. Une grande quantité de sang est visible; aucun doute possible: elle a été tuée sur place. Une fois emmenée à la morgue de Golden Lane, le docteur Brown constate l’ampleur des mutilations. Le visage a particulièrement souffert: une incision à travers la paupière a tranché l’oeil gauche; une autre, similaire et parallèle, l’oeil droit; le nez est coupé en travers, jusqu’à séparer la joue droite en deux; plusieurs contusions sont constatées sur les lèvres. La peau des joues est partiellement pelée par des coups de couteau. On distingue deux contusions sur la joue gauche.

L’abdomen est complètement ouvert du sternum jusqu’au pubis, d’une seule incision se dirigeant de bas en haut. Le foie a été poignardé avant d’être coupé à deux reprises. L’aine, le pancréas, l’artère rénale gauche et la paroi du péritoine ont été tranchés. La matrice a été emportée par l’assassin, mais il en reste environ un centimètre attaché au corps. Le rein gauche est plus soigneusement coupé et a également disparu. Pour le docteur Brown, le meurtrier était agenouillé à droite de la victime allongée sur le sol, lorsqu’il a infligé ces mutilations post mortem, à l’aide d’un couteau très aiguisé à la lame d’environ quinze centimètres de long.

« L’instigateur de cet acte devait avoir une grande connaissance anatomique pour réussir à retirer le rein et connaître sa position. De telles compétences peuvent être acquises par quelqu’un habitué à tuer des animaux... Il lui a fallu au moins cinq minutes pour perpétrer ces mutilations. »

Il remarque également l’absence de toute sécrétion sur les cuisses de la victime, ce qui tendrait à prouver que le meurtrier n’a pas éjaculé sur le cadavre.

Mary Jane Kelly

La plus jeune et la plus jolie de toutes les victimes, Mary Jane ou Marie Jeanette Kelly avait 25 ans en 1888. Connue sous les surnoms de « Black Mary » ou de « Ginger », elle avait été brièvement mariée à un certain Davies, qui mourut dans l’explosion d’une mine au pays de Galles. C’est à Cardiff qu’elle devint une prostituée avant de partir pour Londres en 1884, où elle travailla dans une maison close du West End. Par la suite, elle aurait suivi un gentleman à Paris, mais, ne s’y plaisant pas, Mary Jane Kelly revint à Londres. Le 8 avril 1887, elle rencontra Joseph Barnett, un porteur travaillant au marché aux poissons de Billingsgate. Elle vécut avec lui à diverses adresses de Whitechapel, avant de s’installer définitivement au 13 Miller’s Court.

Le 30 octobre 1888, Barnett quitte Kelly pour des raisons qui varient suivant les articles de presse de l’époque: continuait-elle à se prostituer en cachette, ou partageait-elle sa chambre avec d’autres « infortunées », telle Maria Harvey? Peut-être était-elle une lesbienne, comme bon nombre de prostituées de l’East End en cette fin de siècle. En tout cas, leur séparation n’empêche pas Joseph Barnett de rendre régulièrement visite à Mary Kelly, ce qu’il fait le jeudi 8 novembre, de 19h30 à 20h. Maria Harvey avait passé l’après-midi en compagnie de Mary Kelly, et les deux femmes étaient sorties pour boire quelques verres.

Habitant chez Mary Kelly, Maria Harvey y avait laissé plusieurs vêtements, dont deux chemises d’homme, ainsi qu’un manteau. Après l’assassinat de Mary Kelly, seul le manteau fut récupéré. Il aurait parfois servi de rideau pour une des fenêtres de la chambre.

Vers minuit moins le quart, Mary Ann Cox, une prostituée résidant également à Miller’s Court, affirma, lors de l’enquête officielle du 13 novembre :

« J’ai vu la victime qui rentrait chez elle en compagnie d’un homme costaud, de petite taille, pauvrement vêtu et portant un chapeau melon. Mary Kelly était passablement ivre et l’inconnu tenait un broc de bière à la main. Son visage était rougeaud, avec une moustache rousse très fournie. »

Il pleuvait, et le témoin revint chez elle à 3h10 du matin; on ne distinguait aucune lumière dans la chambre de Mary Kelly, ni aucun bruit. Le témoin n’arrivait pas à dormir et entendit un homme quitter la cour vers 6h15.

A 10h45, en ce matin du 9 novembre 1888, M. McCarthy, propriétaire de plusieurs appartements de Miller’s Court, envoya John Bowyer, employé dans son magasin, encaisser les huit semaines d’impayés de Mary Kelly. Bowyer frappa à la porte du n°13 sans obtenir de réponse. La porte était fermée. En regardant par le trou de la serrure, il constata que la clef n’y était pas. Le côté gauche de la chambre donnait sur la cour et comportait deux grandes fenêtres. Bowyer, qui savait qu’une dispute violente entre Joseph Barnett et Mary Kelly avait occasionné le bris d’un des panneaux vitrés, sortit dans la cour. Il passa une main à travers l’ouverture pour en écarter le rideau de mousseline, et une vision d’horreur se présenta alors à lui. Il vit une femme dénudée, allongée sur le lit, couverte de sang et apparemment morte. Sans attendre, il courut avertir son employeur. McCarthy regarda à son tour à travers la fenêtre, et, convaincu de la justesse des observations de Bowyer, envoya celui-ci au poste de police de Commercial Street, tout en lui recommandant de ne prévenir personne d’autre.

L’inspecteur Beck, qui dirigeait le poste de Commercial Street ce matin-là, accompagna Bowyer jusqu’à Miller’s Court. Ayant constaté qu’un meurtre avait bien été commis, il fit prévenir le médecin légiste de la police, le docteur Bagster Phillips, ainsi que le surintendant Arnold. Pendant tout ce temps, la porte resta intacte. A l’arrivée du surintendant Arnold, celui-ci décida d’envoyer un télégramme à Sir Charles Warren, chef de la police londonienne, afin de l’informer des événements.

M. Arnold, ayant constaté le décès de la victime, ordonna que l’on retirât entièrement une des fenêtres. La pauvre femme était allongée sur le dos, la gorge tranchée très profondément d’une oreille à l’autre. Les oreilles et le nez avaient été coupés, de même que les seins qui étaient posés sur la table de nuit adjacente au lit. L’estomac et l’abdomen avaient été largement ouverts, tandis que les traits du visage étaient complètement méconnaissables suites aux terribles mutilations infligées. Les reins et le coeur avaient été retirés du corps pour être également placés sur la table, à côté des seins. Le foie, détaché de la cavité abdominale, reposait sur la cuisse droite. Les parties génitales ainsi que l’utérus avaient été tranchés. Les cuisses étaient également horriblement mutilées. On ne pouvait imaginer vision plus effroyable.

Les vêtements de la femme étaient placés de l’autre côté du lit, comme s’ils avaient été retirés et rangés de façon ordinaire. Les draps de lit étaient au pied du lit, un geste que le meurtrier avait dû effectuer après avoir tranché la gorge de sa victime.

Les conclusions du docteur Bond qui autopsia la victime en présence de ses confrères, les docteurs Bagster Phillips et Frederick Brown, sont les suivantes:

Le corps était allongé au milieu du lit, les épaules à plat, mais l’axe du cops légèrement incliné vers le côté gauche du lit, la tête tournée sur la joue gauche. Le bras gauche se trouvait le long du corps, avec l’avant-bras replié à angle droit et reposant en travers de l’abdomen. Le bras droit, quelque peu détaché du corps, se trouvait sur le matelas, tandis que l’avant-bras, posé sur l’abdomen, laissait apercevoir les doigts serrés. Les jambes étaient écartées, la cuisse gauche formant un angle droit avec le tronc, tandis que la cuisse droite dessinait un angle obtus avec le pubis.

Toute la surface extérieure de l’abdomen et des cuisses a été arrachée, alors que les viscères ont été retirés de la cavité abdominale. Les seins sont coupés à leur base, les bras mutilés par de nombreux coups de couteau irréguliers, et le visage est totalement méconnaissable. Les tissus du cou ont été sectionnés jusqu’à l’os.

Les viscères ont été éparpillés un peu partout:

- l’utérus, les reins et un des seins se trouvent sous la tête,

- l’autre sein près du pied droit,

- le foie, entre les pieds,

- les intestins à la droite du corps,

- la rate, à la gauche du corps,

- des lambeaux de chair de l’abdomen et des cuisses ont été empilés sur une table,

- le coeur a été retiré et n’a pas été retrouvé.

(remarquez les différences entre la description de M. Arnold et les conclusions de l’autopsie...)

L’assassinat de Mary Kelly et la démission simultanée du préfet de police Sir Charles Warren, marquent un point final aux forfaits perpétrés par Jack l’Eventreur.

Jack l’Eventreur, le scénario

Nous sommes le premier novembre 1888 au soir, soit 7 jours avant le meurtre de Miller’s Court.

Nos vampires préférés sont tout à leurs occupations favorites, qui pourchassant quelque malheureux mortel pour satisfaire sa « soif », qui savourant le goût délictueux de leur nectar divin..., quand un messager de Lady Ann vient les prévenir qu’elle espère avoir la joie et l’honneur de les voir au « repas » qu’elle organise le soir même à son domicile (un doux euphémisme, c’est un ordre).

En fait, les seuls convives invités sont les joueurs qui se retrouvent face à l’incroyable beauté de la princesse de Londres (mais ne dit on pas qu’il faut se méfier de l’eau qui dort).

Après une légère collation (il n’y a pas que des verres de sang frais sur la table, mais aussi de la « vraie » nourriture qu’il faut absolument ingurgiter

pour ne pas courroucer Lady Ann), la princesse annonce enfin à nos jeunes immortels qu’elle a un léger problème sur les bras et que ce problème n’est autre que... Jack l’Eventreur.

D’après elle, Jack ne serait rien d’autre qu’un vampire. Pour preuve, le peu de sang restant dans les corps. Pour le reste, aux joueurs de se débrouiller pour arrêter les méfaits de l’Eventreur.

Il n’y a pas vraiment de solution à cette enquête. En fait, les joueurs ont une semaine pour se renseigner sur les précédents meurtres de l’Eventreur, puis ils doivent se rendre à Miller’s Court pour voir ce qui est arrivé à Mary Kelly et enfin démasquer le coupable. Malheureusement, je n’ai aucune idée vraiment précise quant à son identité. Pourtant, il parait évident qu’Aleister Crowley, la bête de l’Apocalypse, y est étroitement mêlé. En effet, son nom a été de nombreuses fois cité lors de l’enquête.

De toute façon, il vaut mieux que les joueurs ne découvrent pas l’auteur de tous ces crimes. En effet, ce ne pourrait que leur causer du tort car ils se mettraient à dos un prince ou une princesse.

Le lendemain de la mort de Mary Kelly, Lady Ann convoque à nouveau les joueurs et leur apprend que leur enquête est terminée et que Jack a été démasqué. Elle leur racontera une histoire invraisemblable sur un dénommé Roslyn d’Oston, un docteur légèrement psychopathe qui serait le seul et unique Jack l’Eventreur mais qu’elle s’était trompée en croyant que Jack était un vampire.

N’ayez pas peur de frustrer vos joueurs.

S’ils font une enquête discrète sur le docteur d’Oston, ils découvriront qu’il était un proche du toujours présent Aleister Crowley.

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