Bonjour l'Euro
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ENTRETIEN
Quelles consignes avez-vous donné pour que tout se passe bien le 1er janvier ?
Le premier jour sera important mais, cette fois, pas décisif. En effet, à la différence de l'introduction de l'euro scriptural il y a 3 ans, qui impliquait le basculement intégral des marchés financiers et des systèmes de paiement dès la reprise des transactions (le 4 janvier), il n'y aura pas cette fois de `big bang´.
L'objectif de la Banque est cependant que la conversion soit achevée rapidement et bien sûr que les billets et pièces en euro puissent être utilisés dès le premier jour. Pour ce faire, depuis septembre dernier, nous avons préalimenté massivement les banques: 270 millions de billets et 1,2 milliard de pièces. Elles ont à leur tour approvisionné les commerces, via les starterkits, et les particuliers, via les minikits. Puis les distributeurs de billets qui délivreront des euros à partir du 1er janvier. Il y a plus qu'assez de liquidités disponibles.
Mais, dans une opération de cette envergure, on ne peut complètement exclure des pénuries locales et temporaires ou encore certaines files d'attente. Dans ce cas, il ne faut pas oublier que l'on peut encore momentanément utiliser le bon vieux franc belge et bien sûr recourir aux paiements électroniques, y compris pour des petits montants. La Banque conseille d'y recourir, même s'ils concurrencent son propre produit: le billet!
Dans quelle mesure l'arrivée des billets et des pièces en euros pourrait-elle aider à faire remonter le cours de l'euro?
Après deux ans d'effritement, le cours de change de l'euro vis-à-vis du dollar s'est stabilisé en 2001, évoluant dans une fourchette de 84 à 94 cents. Il demeure cependant sous-évalué, même s'il est en réalité moins faible que le mark ou le franc belge ne le furent à une certaine époque vis-à-vis du même dollar sans être pourtant qualifiés de monnaies faibles.
L'introduction des billets et pièces apportera probablement un `coup de pouce´ au cours de change de l'euro.
L'euro scriptural était pour beaucoup une monnaie virtuelle, en Europe et en dehors. On m'a souvent demandé en Asie ou en Amérique latine: `Mais qu'est-ce que c'est pour une monnaie, l'euro? On n'en a jamais vu!´. L'euro sera enfin plus visible. Mais c'est aussi l'Europe elle-même qui doit devenir plus visible dans le monde. Et les économies européennes qui doivent devenir plus attractives pour les investisseurs du monde entier.
Le contexte conjoncturel (récession) ne risque-t-il pas de handicaper le basculement vers l'euro?
Il est vrai que les économies européennes en général et belge en particulier tournent actuellement au ralenti. La croissance est faible, de l'ordre de 1 pc chez nous en 2001 et probablement en 2002. Ce n'est donc pas une récession comme en 1993, moins encore une dépression. La confiance des consommateurs a sensiblement baissé depuis 1 an mais, à les voir se presser dans les magasins en cette fin d'année, on n'a pas le sentiment qu'ils soient à ce point moroses.
L'euro existe en fait depuis 1999. L'introduction des billets et pièces n'est que l'achèvement du processus. L'euro n'est pas une assurance tous risques: nous avons connu des ralentissements économiques avant lui, nous en connaîtrons après. Mais il nous protège mieux: sans la monnaie unique, l'incertitude internationale accrue en 2001 se serait traduite, comme par le passé, par des tensions entre les monnaies européennes et des relèvements inopportuns de taux d'intérêt pour défendre certaines parités. C'est dans un tel contexte que l'euro s'avère le plus utile.
© La Libre Belgique 2001
EPA
Les Européens ont pris possession mardi de leur nouvelle monnaie dans une atmosphère de curiosité festive.
La Commission européenne a assuré que `l'ensemble des rapports´ en provenance des douze pays ayant basculé quelques heures plus tôt dans l'euro étaient `positifs´, mais a admis que le vrai test aurait lieu mercredi avec la réouverture des magasins.À Francfort, une porte-parole de la Banque centrale européenne (BCE) a confirmé que les choses se passaient bien: `nous n'avons connaissance pour l'instant d'aucun problème, tout se déroule comme prévu et tout se passe très bien´. Côté sécurité, les premiers bilans étaient aussi rassurants: aucun fourgon n'a été attaqué, aucun billet contrefait n'a pour l'instant été décelé - un porte-parole d'Europol a parlé de `démarrage en douceur´.
Six milliards de billets (40 pc du total imprimé) et 37,5 milliards de pièces (74 pc de ce qui a été produit), le tout pour une valeur de 144 milliards d'euros, sont déjà en circulation.
Ce qui frappe les responsables politiques, comme le Premier ministre français Lionel Jospin, c'est que les Européens accueillent l'euro `de façon joyeuse´, `avec curiosité´. `On n'a pas vu, au fond, de grincheux dans cette affaire´. Et dans ce concert d'enthousiasme, le président de la Commission Romano Prodi y est allé de son petit couplet. `La nouvelle Europe sera quelque chose de grand dans le monde´, a-t-il déclaré. `L'euro nous aidera à être des acteurs dans le nouveau monde".
CHAMPAGNE ET JUS D'ORANGE
Dans certains pays, les banques avaient ouvert leurs portes dès le mardi 1er
janvier pour permettre aux particuliers de changer leur monnaie nationale en euros.
Ainsi en Finlande, la Banque centrale avait ouvert ses succursales dès lundi minuit pour deux heures et devait à nouveau accueillir le public mardi après-midi.
En Espagne, des milliers d'Espagnols ont fait la queue mardi matin à Madrid, Barcelone ou Valence, devant les 900 et quelque succursales bancaires ouvertes exceptionnellement pendant trois heures pour le passage à l'euro.
Des usagers se sont toutefois plaints d'avoir tenté sans succès de retirer des euros dans plusieurs distributeurs. La nouvelle monnaie devait être présente dans 75 pc des distributeurs automatiques d'ici la fin de la journée de mardi, selon l'Association Espagnole de Banque (AEB).Au Luxembourg, 59 guichets de banque ont ouvert mardi après-midi dans le pays, offrant volontiers un verre de champagne ou de jus d'orange, dans une atmosphère ponctuée d'échanges de voeux ou d'embrassades. `Nous voyons surtout des commerçants retardataires qui viennent chercher leurs kits euros´, a expliqué le responsable d'une agence de Dexia Bil.
Les Luxembourgeois se sont en fait beaucoup approvisionnés après les douze coups de minuit dans les distributeurs automatiques de billets. Les automates des villages les plus petits ont vu des files d'attente se former, avant que la ruée ne s'arrête, vers 2h00 du matin.
DES FUNÉRAILLES
Les Français avaient, quant à eux, déjà effectué, mardi à 13 heures, près de 1,5 million de retraits de billets pour un montant de plus de 126,5 millions d'euros. `Ce nombre de retraits est supérieur à un 1er
janvier habituel mais reste conforme au chiffre total d'une journée moyenne de retraits qui s'élève à 3 millions´, a précisé le GIE Cartes Bancaires dans son communiqué. Sur les 36 500 distributeurs automatiques de billets (DAB) répartis en France, 82 pc délivraient des euros à la mi-journée, un chiffre conforme aux attentes.
Quant à l'Allemagne, elle a dit adieu à son sacro-saint mark sans trop d'émotion, même si une centaine de personnes ont organisé des funérailles pour le symbole du redressement allemand après la seconde guerre mondiale.
En revanche, les Irlandais, eux, ne se sont pas rués sur les euros mardi à l'aube, les Dublinois préférant récupérer chez eux des festivités du réveillon et remettre à plus tard le casse-tête des premières transactions. À minuit, l'arrivée de l'euro n'avait été célébrée qu'en sourdine dans la capitale irlandaise, la plupart des fêtards semblant insensibles à la frénésie suscitée ailleurs en Europe par l'adoption de la monnaie unique. (AFP et REUTERS)
© La Libre Belgique 2002