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Raffarin aligne les mauvaises rentrées

Lourd et lent, ce `mammouth´


Raffarin aligne les mauvaises rentrées
BERNARD DELATTRE - Mis en ligne le 02/09/2002

Après une rentrée sociale périlleuse et une rentrée politique laborieuse, voici une rentrée scolaire chahutée.
Une nouvelle cacophonie gouvernementale redynamise les syndicats enseignants.
Comme la gauche hier, la droite marche sur des oeufs.

CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS

Le mammouth est de retour! On n'avait plus entendu parler de cet animal mythique de la vie politique française depuis la démission en 2000 du ministre Claude Allègre, celui-là même qui, pour son archaïsme et son immobilisme, avait affublé le secteur de l'Education de ce légendaire surnom.

Allègre avait promis de `dégraisser´ l'animal. Il dut démissionner sous le poids de ces syndicats qu'il trouvait tant `chloroformés´. Son successeur Jack Lang se concentra prudemment sur des chantiers plus consensuels: violence à l'école, grammaire et langues vivantes en primaire, etc. Mais en cette rentrée 2002, c'est à présent Luc Ferry qui redonne vie au célèbre pachyderme. Lundi, le médiatique et philosophe ministre de l'Education de Jean-Pierre Raffarin a promis qu'il ne dépècerait le `mammouth´ que de `quelques grammes´ de sa graisse. Cette précision était censée apaiser le tumulte suscité la veille par le ministre délégué à l'Enseignement Xavier Darcos, qui, invoquant une baisse des effectifs scolaires dans le secondaire, avait annoncé la suppression de 2000 à 3000 emplois à l'horizon 2003. Les emplois visés, a corrigé Ferry, sont des emplois administratifs et non enseignants, ils seront simplement `gelés´, et leur gel sera compensé par la création d'emplois dans l'enseignement primaire. Et le ministre de conclure: de toute manière, 2000 à 3000 postes sur le 1,3 million d'agents que compte le `mammouth´ (lire l'encadré), ce n'est qu'une `une goutte d'eau´. CQFD.

Une goutte qui a néanmoins fait déborder le vase de la contestation. Des associations de parents d'élèves ont hurlé à la `régression fondamentale´. Les syndicats enseignants - en campagne électorale pour les élections sociales de décembre - ont constaté avec amertume que l'éducation n'était `pas la priorité´ de Raffarin, jugé soucieux uniquement de `logique comptable´, et ont brandi la menace de grèves. `Allègre rêvait de dégraisser le mammouth, la droite le fait´, se sont-ils insurgés, non sans relever le caractère paradoxal d'un discours gouvernemental qui fait de la sécurité sa priorité mais rogne sur l'encadrement en supprimant des postes de surveillants, de médiateurs ou de conseillers en éducation et en orientation. Des syndicats et parents qui sont d'autant plus vite montés au créneau que cette rentrée est marquée par deux innovations du gouvernement dont ils contestent la faisabilité ou le bien-fondé: la sanction par des amendes, voire de la prison, du nouveau délit d'`outrage à professeur´, et la pénalisation des parents dont les enfants sont trop souvent absents de l'école.

Un certain amateurisme

Jean-Pierre Raffarin se serait bien passé de cette poussée de fièvre. Traditionnellement, la droite n'est guère plus à l'aise que la gauche sur le terrain explosif de l'enseignement. En 1996, le pourtant très réformateur Alain Juppé s'était bien gardé de s'y aventurer. Et dix ans plus tôt, c'est un projet dans ce secteur (la loi Devaquet) qui avait fait vaciller le gouvernement Chirac, puis, en 1988, avait plombé les ambitions élyséennes de son chef.

Raffarin avait d'autant moins besoin de cette polémique qu'il doit déjà gérer une rentrée politique difficile et une rentrée sociale périlleuse. Or, la querelle sur les effectifs de la fonction publique ne fait que remettre en lumière la quadrature du cercle qui est la sienne: la conciliation des promesses électorales généreuses de Jacques Chirac avec le rétrécissement des marges de manoeuvre découlant du ralentissement économique. Ce nouveau `couac´ dans la communication gouvernementale relancera aussi les procès en amateurisme faits à son gouvernement - même si, en l'occurrence, la gauche devrait être modeste, vu les relations houleuses ayant jadis uni les duos Allègre-Ségolène Royal et Lang-Mélenchon.

Surtout, l'`affaire Darcos´ est une perche maladroitement tendue à l'opposition. Dès dimanche, trop heureux, le socialiste François Hollande a vilipendé une droite pure et dure, obsédée par la seule sécurité, `qui crée des emplois de policiers ou de surveillants de prison en supprimant des postes d'enseignants et d'infirmières scolaires´...

© La Libre Belgique 2002

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Lourd et lent, ce `mammouth´

En France, 1,3 million d'agents travaillent dans l'Education, un secteur qui absorbe à lui seul 52pc de l'emploi public et 21pc du budget de l'Etat. Pour autant, ce système ne donne pas entière satisfaction.

Certes, en termes de qualité de l'enseignement proprement dite, la France se défend. Selon une étude menée dans plusieurs pays par l'OCDE en 2001, le niveau des élèves français se situe dans la moyenne de celui des autres pays: il est meilleur que celui des élèves allemands, italiens ou espagnols mais moindre que celui de leurs camarades de nombre de pays asiatiques, anglo-saxons ou scandinaves. Luc Ferry lui-même, d'ailleurs, diagnostique en France une `fracture scolaire´, par allusion à la célèbre `fracture sociale´ de Jacques Chirac.

En cause, notamment, les 70000 à 150000 élèves laissés chaque année sur le carreau: sans diplôme ni qualification. En cause aussi, l'illettrisme grandissant. `Le niveau ne cesse de se dégrader´, admet même le ministre. De 6,5 à 10pc des jeunes qui se présentent au service national montrent de graves difficultés de lecture et de compréhension, et 25pc des élèves qui atteignent l'enseignement secondaire ne maîtrisent pas suffisamment le français.

La violence et l'incivilité scolaires posent également problème, tout comme la reconnaissance insuffisante des langues régionales et les disparités régissant le système éducatif: disparités de niveaux entre universités, disparité de crédits entre écoles, etc.

La réputation de conservatisme du dispositif français n'est pas non plus à faire. Pour ne prendre que ce seul exemple, en matière de rythmes scolaires, la France est un des rares pays du monde où des cours sont encore donnés le samedi. Mais, parallèlement, sur le terrain, les quelques innovations expérimentées (ainsi, la semaine de quatre jours) ne sont pas toujours bien gérées.

Quant à la lourdeur du dispositif, elle est illustrée chaque année par sa célèbre pierre angulaire: le baccalauréat. Il mobilise des moyens énormes (4 millions de copies corrigées en 2002!) pour des résultats limités. L'illustre notamment la baisse constante de la proportion de jeunes d'une génération obtenant ce diplôme: 60pc en 2002, contre 70pc en 1994, loin de l'objectif des 80pc fixé en 1989.

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