En campagne

Le PC apprend la conjugaison
Les communistes sont dans une situation inédite : ils viennent de passer cinq ans au gouvernement et sont dans la majorité régionale. C'est un atout mais aussi un exercice difficile

Marx est mort ? Mon il ! » Au premier étage du local départemental du Parti communiste, le slogan barre un poster grandeur nature de l'auteur du Capital.

Il sonne à la fois comme un avertissement et un défi, à l'heure où Robert Hue ne décolle pas dans les sondages, mais où les communistes azuréens trouvent les ressources - et des raisons - pour persévérer. L'histoire du parti a forgé le caractère des « vieux « militants. Et l'avenir laisse percer des lueurs d'espoir pour les nouveaux adhérents.

Du coup, au siège de la rue Balatchano, une impasse confidentielle à deux pas du port de Nice, comme dans les permanences - devenues des espaces citoyens, signe qu'au PC la sémantique a encore de beaux jours devant elle - c'est l'effervescence sous l'il de Marx et du Che. Et ici, le Che, ce n'est pas Jean-Pierre Chevènement. Personne n'a fait son deuil de Che Guevara. Mais on a tourné le dos à la stratégie révolutionnaire.

Le conseiller régional Jacques Tibéri, lucide, explique : « Nous étions dans un processus de changement par rupture. On a compris que ça ne se ferait pas par cette voie. On veut prendre des mesures pour que la société capitaliste soit obligée de se transformer. On est passé du rêve à la réalité et on se sert des réalités pour que la société évolue. »

Robert Injey, secrétaire départemental, ne dit pas autre chose : « Il faut peser de l'intérieur. C'est pour cela que nous sommes restés au gouvernement et qu'aujourd'hui nous sommes dans une configuration inédite puisque nous sortons de cinq années de gouvernement. D'habitude, nous en sortions précipitamment... »

Cette participation à la conduite des affaires dans la majorité - que ce soit au gouvernement ou, localement, au conseil régional PACA - donne au parti des gages de « crédibilité » pour reprendre le terme des instances azuréennes. Robert Injey : « Dans de nombreux domaines nous n'en serions pas là si nous n'avions pas eu un ministre des Transports communiste : le dossier Air France n'aurait pas été réglé de cette façon, la SNCF ne serait peut-être plus une société publique. Marie-George Buffet a fait un énorme travail de lutte contre le dopage. Localement, on peut évoquer la DTA, le nouveau tunnel de Tende, les transports en commun... Ce sont des dossiers sur lesquels nous avons pesé, comme en matière de tourisme ou de droit des saisonniers. »

Il n'en faut pas plus pour ragaillardir les troupes qui ont un « bilan à présenter », « des preuves qu'il existe des alternatives crédibles et que les communistes peuvent les offrir ». C'est perceptible dans les cellules, lors de la présentation des différentes candidatures aux élections législatives, à la fête du journal PCA-Hebdo qui a fait disparaitre la mention « communiste » de sa Une. Pas par honte. Mais par volonté de s'ouvrir, de ne pas paraitre réducteur.

A la fois gouvernant et opposant
Il n'empêche. Le PC doit apprendre aujourd'hui un exercice qui lui était méconnu : être à la fois dedans et dehors, gouvernant et opposant.

Tous les élus l'avouent : « Il est difficile d'être partie prenante du gouvernement et des mouvements sociaux. Il faut apprendre à être à l'aise dans les deux sinon notre électorat sera troublé. Cette difficulté explique notre recul dans certains quartiers populaires... Il faut plus d'audace à gauche. Les communistes doivent faire savoir et admettre qu'ils sont seuls porteurs de cette audace pour transformer en profondeur la société. »

Le changement de la société actuelle c'est ce qui attire les jeunes qui ne font pas référence au passé des partis communistes. C'est l'autre exercice - moins direct - que tente aujourd'hui le PC : séduire en faisant des manifestations de Nice, Gênes ou de Porto Alegre des points de référence, bien plus séduisants que les expériences pour certaines catastrophiques aux pays des partis frères.

C'est obsolète dans l'esprit des jeunes. Mathieu, qui a en charge, la structure jeunes, mais aussi Saadia ou Myriam, confirment : « Tous les jeunes qui sont au PC ne sont pas fondamentalement communistes mais ils partagent le désir de construire autre chose. En France et ailleurs. » Mathieu Amilien ajoute : « Beaucoup viennent à nous par le biais des questions internationales comme la défense du peuple palestinien ou la libération de grands leaders emprisonnés... »

Il sera toujours temps, alors, de leur faire aimer la politique. Et voter. Mais c'est une histoire que, même le PC, n'a pas encore écrite.

François ROSSO.

Mardi 19 Fevrier 2002
Tous droits réservés - © Nice-Matin

L'extrême gauche fait sa révolution
BERNARD DELATTRE - Mis en ligne le 11/04/2002

Nouvelle série: les enjeux politiques majeurs des présidentielles des 21 avril et 5 mai prochains

CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS

C'est l'élection de tous les dangers pour le Parti communiste. Leur candidat à l'Elysée, Robert Hue, est crédité d'un score historiquement bas: 5 pc environ, soit deux fois moins que la dizaine de pc attribuée à la porte-parole de Lutte ouvrière, Arlette Laguiller. Certes, en 1995, les sondages avaient largement sous-estimé le résultat du leader du PC (8,7 pc). Mais aujourd'hui, ce dernier peut d'autant plus redouter d'être humilié par sa rivale que, depuis 1995, le PC aligne les contre-performances électorales, un déclin qui confirme la tendance à la baisse enregistrée depuis la fin des années 70 (lire ci-dessous).

Cette érosion s'explique aisément. Pour près d'un Français sur deux (47 pc), le communisme est une idée du passé. Comme tous les autres pays industrialisés, la France a vu sa classe ouvrière progressivement supplantée par une nouvelle classe moyenne, son économie graduellement `tertiarisée´, et ses grandes entreprises privatisées: autant de places fortes communistes fragilisées. Le PC est aussi confronté au vieillissement de ses cadres (la moitié de ses militants a plus de 42 ans) et à l'érosion de sa base - depuis le départ de Georges Marchais, le nombre d'adhérents est passé de 590.000 à moins de 150.000. Enfin, depuis 1997, sa stratégie du `grand écart´ (un pied dans la majorité `plurielle´, un autre en dehors) a souvent été peu lisible pour l'électeur moyen.

Ce dernier, du coup, tend de plus en plus à reporter son vote sur une extrême gauche extra-gouvernementale ou `citoyenne´, jugée moins compromise.

Le 21 avril donc, Laguiller bénéficiera à la fois des suffrages des exclus de la croissance, d'un indéniable effet de mode et d'un vote `défouloir´ anti-establishment. Quitte à éclipser ses camarades Besancenot et Gluckstein, réduits à la figuration, la passionaria trotskiste devrait accéder ou friser la place très enviée de `troisième homme´ du scrutin.

Le tout, malgré l'opacité et le fonctionnement quasi-sectaire de son parti, ainsi que le caractère dogmatique, complètement irréaliste et à maints égards très obscur - voire conservateur, parfois - de son programme électoral.

UN SCÉNARIO FATAL À JOSPIN?

Une telle perspective modifierait considérablement la donne du second tour. Laguiller ne donnant jamais de consignes de vote, Jospin serait très handicapé par de mauvais reports de voix de son aile gauche. C'est le scénario-catastrophe pour le PS: la gauche serait victime de l'extrême gauche comme la droite l'a longtemps été de l'extrême droite.

Pour autant, un échec de Hue précipiterait-il la disparition du PC? Il est prématuré de le diagnostiquer. On s'attend généralement à ce que les législatives soient moins mauvaises que les présidentielles pour ce parti, dont les parlementaires sont assez bien implantés. De même, une prise de contrôle du PC par les rénovateurs ou la vieille garde stalinienne paraît peu probable: les premiers manquent de surface médiatique, les seconds sont gênés par les ennuis judiciaires de leur leader Maxime Gremetz - les deux courants subissant la poigne de fer de la secrétaire nationale Marie-George Buffet. En revanche, rien ne devrait empêcher cette dernière d'écarter Hue de la tête du parti s'il se ridiculisait le 21 avril. Le PC pourrait aussi saisir cette opportunité pour se ressourcer dans l'opposition, ce qui pourrait priver Jospin, s'il est élu, d'une majorité.

Mais les lendemains électoraux risquent d'être délicats à gérer pour les trotskistes également. L'entrée de Lutte Ouvrière dans la cour des grands (partis) renforcera la pression en faveur d'une modernisation de son fonctionnement (aujourd'hui largement artisanal) et de la fusion de tous les groupuscules trotskistes en une seule formation - joli casse-tête en perspective. En outre, l'électorat de Laguiller est très disparate. Ainsi, un `laguilleriste´ sur quatre vote Chirac au second tour, et les trois autres, quand on les prie de se positionner sur un axe gauche-droite, se situent moins à gauche que les électeurs de Hue et de Jospin. Bref, la gestion au quotidien de cet électorat relèvera de la course d'obstacles.



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