Il n'y a qu'un homme et une femme assis sur un talus ou sur un tronc d'arbre qui puissent comprendre ça parce que tout ce qui est essentiel ne peut se comprendre qu'à deux on a mis nos chaussures chacun sur un plateau de la balance naturellement les siennes étaient plus légères tout s'est passé comme prévu au terme de quelques secondes les deux plateaux de la balance se sont stabilisés sur le même niveau alors nous avons ri comme des cabris nous avons jeté nos vétements au sol et nous sommes partis dans la nuit vêtus d'utopie et de légende l'espoir et notre amour bouillaient au fil de nos veines Nous avons traversé des villes des plages des cimetières des mers des idées à peine ébauchées Nous avons fait des enfants nous les portions tour à tour dans nos bras une fois j'étais le père je cassais du bois pour le feu une fois j'étais la mère et je brassais la soupe elle ma rose du désert c'était pareillement lorsque nous sommes arrivés l'un devant la sépulture de l'autre ce fut un déchirement mais le vivant avait en lui la part de l'autre et les autres s'en rendaient compte Le mort préparait le trousseau de l'autre lui dressait son lit de brume tiède l'homme et la femme sont éternelle attente l'un de l'autre Tous les ruisseaux le disent
Jean-Pierre Rosnay
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