13 Octobre 2002
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Décentralisation
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" Manifeste de la décentralisation en Bretagne " :
une démarche équivoque, un contenu qui
ignore l’identité bretonne
Le lundi 14 octobre le Conseil régional de la Région
Bretagne à 4 départements, donc amputée, examinera
le " manifeste de la décentralisation en Bretagne ".
Ce manifeste est le document de tous les paradoxes :
Initié en janvier 2001 pour être soumis au gouvernement
Jospin avant la fin de l’année 2001 (engagement pris
devant l’assemblée régionale par M. de Rohan),
il ne ressurgit qu’à l’automne 2002 après une longue
période d’hibernation,
Conçu suivant une démarche qui se voulait consensuelle,
le document ne sera pas mis aux voix. Or trois vice-présidents
du Conseil régional, du groupe des " indépendants ",
s’en sont déjà publiquement désolidarisé en affirmant
devant la presse que ce document n’engageait que
M. de Rohan et son cabinet.
Dans ces conditions et en l’état, le document que
M. de Rohan a présenté à la presse en septembre ne peut
pas être considéré comme l’expression d’une majorité de Bretons.
L’Union démocratique bretonne, de son point de vue,
lui voit deux grands défauts :
Un manque d’audace – celle-là même que Jean-Pierre
Raffarin appelait de ses vœux – dans la revendication
du niveau de pouvoir qui devrait revenir à la Région.
Il y a même comme une certaine puérilité à refuser
l’hypothèse d’un pouvoir législatif régional,
alors que tous les Etats limitrophes de la France
l’ont mis en œuvre sur tout ou partie de leur territoire,
avant d’ajouter : " Toutefois, si un pouvoir législatif
quel qu’il soit devait être reconnu à l’une quelconque
des régions françaises, la Bretagne estime avoir
historiquement droit à un traitement identique " (page 10).
Alors que la Bretagne a besoin d’éclaireurs, d’ouvreurs
de pistes, elle doit se contenter de moutons de Panurge.
L’évacuation délibérée de la dimension identitaire du
combat régional en Bretagne. Il faut une sacrée
dose de mépris pour passer sous silence la langue
bretonne et le gallo avant de revendiquer la création
d’un établissement public non pas pour Diwan mais pour
l’archéologie sous-marine ! (pages 23 et 24).
En Corse ou même en Alsace une telle désinvolture
aurait soulevé un tollé général dans la classe politique
traditionnelle. Mais il est vrai qu’en Alsace
l’archéologie sous-marine… Et n’est pas Adrien Zeller qui veut.
Il ne faut donc pas compter sur l’exécutif régional
en place pour réaliser le saut qualitatif dont
la Bretagne a besoin pour rejoindre l’Europe des
autonomies régionales. Un besoin qui deviendra nécessité
quand l’Union européenne, passée de 15 à 25 Etats,
basculera un peu plus encore à l’Est et marginalisera
ceux, à l’Ouest, qui n’auront pas su gagner le droit
et les moyens de se gérer eux-mêmes.
Christian GUYONVARC’H