20 Septembre 2002
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Propositions
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Pour une démocratie régionale
Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a déclaré qu’il entendait faire
de la régionalisation l’œuvre majeure de son gouvernement. Il a aussi
appelé les régions à faire preuve d’audace dans leurs demandes
d’expérimentation.
L’Union démocratique bretonne (UDB) a entendu ce double message.
Et nous gardant de tout procès d’intention quant à sa concrétisation,
nous avons dit notre volonté de participer aux « assises des libertés
locales » que le gouvernement a souhaité organiser dans chacune des
régions administratives.
Encore faudrait-il que nous puissions –
élus locaux ou simples militants politiques - y participer, car
ces assises semblent prendre la forme de conciles entre gens de
bonne compagnie qui se cooptent bien davantage que d’états
généraux ouverts au peuple.
Il faut donner à la régionalisation de la chair et du souffle
De la chair, c’est reconnaître la force de l’identité
culturelle pour construire un futur plus solidaire,
et cedans un environnement global où la montée des
inégalités se nourrit d’un individualisme exacerbé.
A ce titre, il faut affirmer ici, en Bretagne, qu’une
région digne de ce nom n’est pas un espace de gestion
technocratique taillé à la serpe, c’est un territoire
vécu et choisi librement, choisi par celles et ceux qui y vivent.
Du souffle, c’est faire en sorte que la régionalisation
ne reste pas une affaire de spécialistes mais devienne
l’affaire de tous. Du souffle, c’est avoir la volonté de
construire une véritable démocratie régionale fondée sur
la participation la plus large des citoyens. Transférer
des compétences de l’Etat aux Régions n’aura de sens au
plan de la démocratie que si ces transferts de compétences
s’accompagnent d’une profonde révision des procédures de
décision politique.
Une Région pensée pour les hommes
1 – Une Bretagne réunifiée
La réunification administrative est un
préalable incontournable à toute régionalisation digne
de ce nom en Bretagne. Non pas seulement pour des raisons
historiques (le pays nantais est reconnu breton depuis l’an 851),
culturelles (la toponymie, les bagadoù, les cercles celtiques
et les écoles bilingues breton-français témoignent chaque jour
du caractère breton de la Loire-Atlantique) ou économiques
(la Bretagne est dans l’incapacité de faire valoir ses atouts
maritimes sans la Loire-Atlantique) mais aussi et d’abord pour
des raisons qui tiennent à la démocratie la plus élémentaire.
La division administrative de la Bretagne est le résultat
d’une décision inique prise par un régime honni (décret du
régime de Vichy du 30 juin 1941).
Depuis 1985 pas moins de 6 enquêtes d’opinion ont montré
que 63 à 75% des citoyens de Loire-Atlantique souhaitaient
la réunification, avec une adhésion en progression constante.
Cette question doit être réglée de façon civilisée,
par la voie des urnes.
L’engagement du gouvernement
Raffarin d’intégrer le référendum d’initiative locale
dans son projet de révision constitutionnelle offrira
l’opportunité d’organiser en Loire-Atlantique un référendum
sur la question de la réunification. Le Conseil général
de Loire-Atlantique pourra et devra en prendre l’initiative.
Ce référendum devra se tenir d’ici au printemps 2004 de
telle façon que les électeurs de Loire-Atlantique puissent
participer au prochain renouvellement de l’assemblée
régionale de Bretagne. C’est une exigence.
Une fois cet acte politique posé, la mise
en œuvre de la réunification pourra s’étaler sur un
laps de temps permettant une transition en douceur
vers une autre organisation territoriale de l’ouest
français : Bretagne réunifiée, Poitou-Charentes
élargi à la Vendée ( ?), nouvelle région Val de
Loire regroupant les départements du Maine-et-Loire
et de la Mayenne à ceux de l’actuelle Région Centre ( ?),
rattachement de la Sarthe à l’Ile-de-France ( ?).
Il faut insister sur le fait que la
contestation du découpage régional existant
n’est pas propre à la Bretagne. La réunification
des « deux » Normandie est clairement à l’ordre
du jour, avec pour chauds partisans le président du
groupe UDF à l’Assemblée nationale Hervé Morin, président
de l’Association pour la Réunification de la Normandie (ARN),
et le président de l’Assemblée nationale en personne,
Jean-Louis Debré, député-maire d’Evreux.
2 – Vers une nouvelle organisation infrarégionale basée sur une
vingtaine de « pays »
Mis à part le cas de l’Ille-et-Vilaine où Rennes a bénéficié
de sa situation de porte de sortie vers Paris, le découpage départemental
a eu pour conséquence en Bretagne de concentrer les lieux de pouvoir sur
le littoral (Brest, Saint-Brieuc, Quimper, Lorient, Vannes, Nantes).
Résultat : depuis deux siècles le Centre Bretagne, jadis fortement
peuplé grâce à sa fonction de carrefour, a été sans cesse marginalisé.
Or un développement harmonieux et durable du territoire breton suppose
un rééquilibrage des échanges est-ouest et nord-sud, un rééquilibrage
qui ne se justifiera que si le Centre Bretagne retrouve sa propre logique
de développement. Eclaté entre trois départements, il en est empêché.
A l’instar de l’Alsace et de la Corse, la Bretagne doit revendiquer
la suppression de l’échelon départemental et mettre immédiatement à
l’étude une nouvelle organisation infrarégionale basée sur une vingtaine
de « pays », dont ceux du centre-ouest et du centre-est Bretagne.
Ces pays
devront correspondre aux zones d’emploi et aux bassins de vie dans lesquels
s’organise la vie quotidienne des Bretons. Ils auront pour vocation d’organiser
les services aux personnes : transports locaux, gestion des services
sociaux et de santé, établissements scolaires du secondaire,
sécurité civile, infrastructures culturelles et sportives,
collecte et traitement des déchets ménagers et industriels banals.
Chaque « pays » disposera d’une assemblée locale élue au
suffrage universel direct et d’un conseil de développement à caractère
consultatif où siègeront les représentants de la société civile.
Cette organisation de « pays », légitimés par le suffrage
universel direct et dotés d’importantes compétences, correspond à
une conception très décentralisée de la Bretagne réunifiée, à l’opposé
de toute reproduction du schéma jacobin à une échelle régionale.
3 – Une assemblée régionale représentative des familles politiques et
des territoires dans leur diversité
Dans le respect des principes constitutionnels,
la Région
Bretagne doit pouvoir déterminer le mode d’élection des membres
de son assemblée.
Elle doit le demander à titre expérimental.
Le pluralisme est l’expression même de la démocratie en
même temps que le moteur par lequel les idées nouvelles peuvent
émerger. Il convient donc de l’assurer au sein de l’assemblée
régionale, tant au niveau des familles politiques que des territoires.
Pour ce faire
il faut imaginer, sur le modèle de l’Assemblée nationale
galloise ou du Parlement écossais, élus pour la première fois en 1999,
un mode de scrutin mixte par lequel une moitié des sièges serait
répartie à la proportionnelle intégrale sur des listes régionales
et l’autre moitié dans des circonscriptions de « pays ».
4 – Le référendum d’initiative populaire et le droit de pétition
Puisque le gouvernement de J-P Raffarin entend inscrire
le référendum d’initiative locale et le droit de pétition dans
la Constitution française, il faut que la Région Bretagne
s’engage à en faciliter l’application à son niveau. Elle peut
le faire de plusieurs façons :
- en créant à l’instar du Parlement européen une commission des
pétitions qui sera chargée de recevoir et d’examiner en séance
publique les pétitions que les citoyens lui soumettront,
- en acceptant de soumettre au référendum, à la demande
d’au moins 100.000 citoyens, toutes les questions d’intérêt régional.
Une Région au service d’une identité
et d’un développement solidaire et durable
Il faut bannir toute idée de décentralisation fonctionnelle,
mécanique, aseptisée, qui n’aurait pour seul objet que de décharger
l’Etat des missions qu’il ne veut plus assumer. En Bretagne
la régionalisation doit être pensée et réalisée au service d’une
identité et d’un développement solidaire et durable.
La Bretagne n’est pas qu’un nom sur une carte : elle est
le lieu où s’est construite au fil des générations une identité
culturelle et linguistique originale, spécifique, unique, qui participe
de la richesse de l’humanité. En cela les personnes qui ont la charge
de conduire sa destinée ont le devoir d’agir dans le sens de la préservation,
de la transmission et de l’enrichissement de ce patrimoine.
L’identité bretonne, comme toute identité collective, n’existe
que par les hommes. Elle peut être un facteur de progrès humain ou au
contraire de régression démocratique selon le contexte social où elle
évolue. L’identité collective est rarement porteuse de valeurs humanistes
quand la société privilégie le rapport de forces entre les êtres et
l’esprit de domination ou quand elle sacrifie l’environnement naturel
sur l’autel de la production et de la consommation matérielles.
5 – Pour une régionalisation globale
Il faut à la Bretagne une régionalisation globale qui permette
d’intervenir avec efficacité partout où les conditions de vie des
Bretons et leur avenir en tant que peuple sont en jeu.
Ce qui signifie des compétences pleines et entières dans les domaines suivants :
- l’organisation et le fonctionnement des institutions d’autogouvernement de la Bretagne,
- les délimitations des territoires communaux et des subdivisions régionales,
- l’organisation administrative du territoire de la Région et la distribution géographique des compétences régionales,
- la législation électorale intérieure (dans le respect des principes constitutionnels)
- la culture, les arts et le patrimoine (sans restriction),
- l’audiovisuel régional,
- l’éducation : gestion des infrastructures et des personnels y compris éducatifs (avec garantie du maintien de l’unicité des statuts), recrutement, carte scolaire, programmes scolaires (compétence partagée avec l’Etat en histoire, géographie, économie et enseignements artistiques), enseignement des langues régionales et en langue régionale,
- la formation professionnelle (transfert des compétences manquantes),
- la santé : gestion des infrastructures, politique de prévention et d’éducation. En revanche il convient de garantir l’unicité du système d’assurance-maladie et l’égalité des conditions de travail et de rémunération des personnels,
- l’action sociale (transfert des compétences qui manquent aux conseils généraux),
- le logement social, tant en ville qu’en milieu rural,
- l’urbanisme et le cadre de vie,
- les transports régionaux et interrégionaux,
- l’énergie : les installations de production, de distribution et de transport d’énergie quand ce transport n’intéresse que le territoire de la Région Bretagne et n’affecte pas une autre région,
- la protection et la gestion des ressources naturelles (eau, air, sols, littoral, forêts, rivières et canaux),
- la sécurité civile terrestre et maritime,
- la pêche et les cultures marines (en accord avec l’organisation générale de l’économie),
- l’agriculture et le développement rural (en accord avec l’organisation générale de l’économie),
- l’économie sociale et solidaire (coopératives, mutuelles, fonds éthiques, commerce équitable),
- le tourisme et les loisirs,
- le sport amateur et professionnel. Les fédérations sportives de Bretagne seront habilitées à présenter des sélections officielles lors des compétitions nationales et internationales, à l’instar du Pays de Galles, de l’Ecosse ou des Iles Féroé (territoires autonomes du Royaume Uni et du Danemark),
- la gestion en direct des fonds structurels européens,
- la représentation des intérêts bretons auprès des institutions de l’Union européenne dans le périmètre des compétences exclusives de la Bretagne.
Pour l’exercice adéquat et le financement de ses compétences,
la Région Bretagne doit disposer de ses propres ressources.
Le gouvernement de J-P Raffarin ayant accepté le principe de
transferts de compétences asymétriques de l’Etat aux Régions,
il en découle qu’un modèle unique de financement de ces compétences
n’est pas envisageable sauf à prendre la décision d’accroître
la perte d’autonomie fiscale des régions en augmentant les subventions
d’Etat… ce que la nouvelle majorité parlementaire reprochait tant
au gouvernement précédent.
L’UDB propose que les ressources propres de la Région Bretagne
soient constituées d’une quote-part des impôts d’Etat, directs et indirects,
payés par les contribuables bretons. Les principes généraux de cette
quote-part seraient négociés en même temps que le champ des compétences.
Par la suite cette quote-part serait évaluée chaque année par une
commission mixte composée à parité de représentants de l’exécutif
régional et du gouvernement puis serait soumise à l’examen et à
l’approbation de l’assemblée régionale et du Parlement.
Sur cette quote-part l’assemblée régionale pourrait disposer
d’une faculté de faire varier les taux d’imposition dans une fourchette de 5%.