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LES EGLISES DE LA REPUBLIQUE
Par Joël-Benoît d'Onorio - 12 septembre 2002
 
 

Opérées lors de manifestations non autorisées par des gens dont la situation est elle-même en infraction avec la loi, les occupations d'églises sont doublement illégales, aussi bien pour le droit étatique que pour le droit canonique.

Du point de vue étatique, la plupart des lieux de culte, qui relèvent de la domanialité publique depuis la loi de décembre 1905, font l'objet d'une affectation exclusive à l'exercice public du culte (art. 12) dont le détournement de destination est punissable (art. 13) ; à ce titre, la loi interdit expressément d'y tenir des réunions politiques (art. 25) et prévoit des pénalités « si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique » (art. 35). Tel est bien le cas quand on accroche des banderoles, diffuse des tracts ou alimente des palabres (peut-être des homélies ?) contre la loi ou les autorités de la République, ou encore quand on tient salon dans la nef ou les bas-côtés avec les dirigeants des partis communiste, trotskiste ou autres mouvances de même engeance. Car on ne sache pas que la présence assidue des Buffet, Krivine, Besancenot et autres dans la basilique de Saint-Denis ait répondu à un subit élan mystique pour se livrer à la récitation du chapelet ou à l'adoration perpétuelle.

Du point de vue canonique, les lieux sacrés sont pareillement définis comme « ceux qui sont destinés au culte divin » (canon 1205) ; on ne doit y admettre « que ce qui sert ou favorise le culte, la piété ou la religion, et y sera défendu tout ce qui ne convient pas à la sainteté du lieu » (canon 1210), ce à quoi doivent veiller tous ceux que cela concerne (canon 1220, n°1), c'est-à-dire le clergé en premier lieu, mais aussi les laïcs qu'on veut, par ailleurs, tant charger de fonctions ecclésiastiques... Ainsi donc, ce n'est nullement l'entrée des escadrons de CRS qui, en 1996, a constitué une profanation de l'église Saint-Bernard, mais bien plutôt l'invasion des perturbateurs du déroulement normal du culte et du recueillement (la télévision l'a bien montré) qui avaient barricadé les portes de l'édifice que paradoxalement seules les haches de la République ont pu rendre à sa destination originelle. Si, à Saint-Denis ou ailleurs, le comportement des envahisseurs a été plus pacifique, il n'en demeure pas moins que leur installation constitue bel et bien une occupation dont la concertation préalable avec le clergé affectataire n'a fait qu'aggraver l'illégalité.

En l'espèce, la loi et la foi ne paraissent pas se contredire. Les lois françaises sur l'immigration sont suffisamment libérales, et parfois même bien généreuses. Leurs éventuelles imperfections ne les rendent pas pour autant illégitimes, encore moins « scélérates », comme d'aucuns se complaisent à le vociférer pour mieux ancrer ce mensonge dans l'opinion médiatique. En aucune façon, la régularisation des étrangers illégaux n'est un droit, ni pour tous ni pour chacun. Tout Etat a le droit de déterminer si et comment il entend accueillir des étrangers sur son territoire, restant saufs évidemment les principes du droit naturel qui, au demeurant, n'imposent pas des régularisations, ni n'interdisent les expulsions. En effet, le Catéchisme de l'Eglise catholique déclare bien que « les autorités politiques peuvent, en vue du bien commun dont elles ont la charge, subordonner l'exercice du droit d'immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs de migrants à l'égard du pays d'adoption. L'immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d'accueil, d'obéir à ses lois et de contribuer à ses charges » (n° 2241). De plus, en 1989, un document du Saint-Siège (Conseil pontifical Justice et Paix) a reconnu qu'il  appartient aux pouvoirs publics (...) de déterminer la proportion de réfugiés ou d'immigrés que leur pays peut accueillir ». Voilà qui est clair pour justifier la fermeté du gouvernement et fixer la conduite des citoyens catholiques et de ceux qui veulent parler en leur nom. Signalons à cet égard que, selon le droit canonique, les déclarations de quelques évêques ou de commissions épiscopales (par exemple sur la régularisation des clandestins ou tout autre sujet politique) n'engagent que leurs auteurs et ne s'imposent même pas aux autres évêques ni, a fortiori, à l'ensemble des fidèles.

On aurait donc tort de croire que les catholiques sont naturellement en faveur des illégaux et clandestins. S'il est vrai que « l'accueil de l'étranger » est un précepte évangélique, il ne saurait toutefois se suffire à lui-même sans considération des conditions légales ni des conséquences sociales. Et si Jean-Paul II a évoqué, en 1996, la question de ces  immigrés en situation illégale » (termes plus véridiques que l'euphémisme de « sans-papiers »), ce fut pour dire qu'ils pouvaient être accueillis  par l'Eglise » et non pas dans les églises, ce qui constitue tout de même une différence de taille que n'ont pas eu l'honnêteté de souligner ceux qui souvent citent le Pape quand cela les arrange...

Les chrétiens ont diverses manières d'aider leur prochain de l'étranger sans pousser à la violation des lois civiles et canoniques ou à leur contournement. Et ils n'ont pas de leçons de charité à recevoir d'agitateurs politiques qui sont les plus antireligieux, anticléricaux et tout particulièrement anticatholiques qui soient. En bons marxistes, ces derniers se sont livrés, en cette affaire, à une instrumentalisation éhontée de la charité de l'Eglise qui ne pouvait qu'abuser des hommes d'Eglise naturellement compatissants mais rapidement dépassés par l'ampleur de la manoeuvre. Ce qui prouve, une fois de plus, que chacun doit savoir rester à sa place... Par la même occasion, un nouveau pas a été franchi dans la désacralisation en montrant au monde entier le peu de respect qu'on peut avoir en France pour les lieux de prière des catholiques, puisque, curieusement, c'est toujours de ceux-ci qu'il s'agit...

Les manipulateurs de cette lamentable péripétie porteront la responsabilité des fallacieuses espérances qu'ils auront suscitées chez ces milliers de malheureux dont ils se sont servis ou qu'ils ont cru servir... Ce qui est tout le contraire de la charité.

Qu'à tout le moins on ne se serve pas des citoyens catholiques pour une cause frelatée. Et qu'on respecte au moins la paix de leurs églises parce qu'au vu de leur marginalisation croissante dans la vie publique il n'y aura bientôt plus que là qu'ils pourront eux-mêmes trouver refuge...

( Joël-Benoît d'Onorio est président de la Confédération des juristes catholiques de France ; directeur de l'Institut européen des relations Eglise-Etat.)

 

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