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Palais deux Justice

par Dix petits nègres

 

Nous sommes désolés pour ceux qui auraient répondu à notre appel à venir au Palais de Justice, où il était bien difficile de se rencontrer sauf à être exactement à l'heure au bon point de rendez-vous... et nous espérons qu'ils ont réussi à en sortir s'ils y étaient venus...

 

La justice, en France, c’est toute une histoire. J’avoue que je n’étais jamais rentré au Palais de Justice de Paris, fidèle à l’adage de François Mitterrand – notre dernier grand homme de droite – qui disait fréquemment « n’allez jamais en justice, surtout si vous êtes innocent. »

Nous allions donc bravement soutenir notre camarade, à deux que nous nous étions retrouvés devant l’entrée du public, un membre de C&R et un membre d’un forum ami. Les autres sont-ils venus ? nous n’en sûmes rien, jamais, et vous allez comprendre pourquoi nous avons des raisons de penser que certains, peut-être, tournent encore dans les vastes couloirs aux blocs calcaires impressionnants, là où émergent du dallage d’antiques et monumentales bouches de chauffage qui tiennent à la fois du pied de banc en fonte 3e république et du dinosaure.

Cour d’appel, 3e chambre. Le contrôle par portique de détection des armes, pièces et trousseaux de clefs passé, nous attaquons bravement le planton.

    - La 3e chambre de la cour d’appel, s’il vous plaît ?
    - Vous n’avez pas de convocation ?
    - Non.
    - Ah alors il faut savoir où elle siège aujourd’hui. Allez demander à l’accueil.

L’accueil est semble-t-il essentiellement consacré à expliquer aux groupes de touristes japonais que non, la Sainte Chapelle n’est pas encore ouverte, que oui elle le sera plus tard, qu’on ne sait pas bien quand, mais que ça va ouvrir. Bientôt.

Le petit effet d’effarement passé quand on lui demande où se trouve la 3e chambre de la cour d’appel, le préposé compétent demande si nous avons une convocation. Non. Fataliste, il décroche d’un bloc-notes un petit plan des lieux, imprimé en bleu, avec aussi un peu de rouge. Sans doute par dérision.

Alors, attention attention messieurs dames, suivez bien mon stylo… voilà ! vous sortez dans la cour vous prenez l’escalier au point G et vous montez au premier étage puis vous suivez le couloir jusqu’au point Z et là vous montez au deuxième étage et vous trouvez la 3e chambre.

    - Merci.
    - Pas de quoi, fait le préposé satisfait.

Escalier du point G. On sent tout de suite que les problèmes posés par des bâtiments antiques à une administration tatillonne ne peuvent que donner des solutions colorées. Ainsi, pour qu’on ne se perde en confondant les étages et les entresols, chaque étage est marqué, au ras du sol, d’une plaquette qui permet d’identifier le point et l’étage ou l’entresol. On imagine les incessantes commissions, sous-commissions, négociations avec les syndicats, allers et retours de projet qu’il a fallut pour parvenir à cette brillante solution. Il y a un ascenseur, par prudence nous le prenons, supposant hardiment que l’étage 1 de l’ascenseur du point G correspondra à l’étage 1 du point G qu’on nous a indiqué comme notre étape provisoire. Un postier arrive qui pousse un brinquebalant petit chariot de courrier grillagé. Il nous lance un regard hostile : on sent que dès longtemps les diverses administrations qui alimentent les chaudières du Moloch se sont attribué l’usage quasi-exclusif des ascenseurs. Sortirons-nous libres ? Y a-t-il outrage ? à qui ? à quoi ? à la justice ? au tribunal ? au postier, au courrier ?

    - Monsieur le Président, les deux individus susnommés ont fait subir à un ascenseur du Saint Palais les derniers outrages, sous les yeux horrifiés et impuissants d’un brave postier, qui de son propre aveu en a conçu une émotion telle qu’il ne peut plus voir les escaliers en peinture.
    -
    Monsieur le Procureur, sautez-moi sur ce dossier, et que ça saigne !

Déjà nous nous voyions dans les pires culs-de-basse-fosse du Palais, dans les champignonnières immémoriales qui dorment sous la Cité. Un rapide coup d’œil nous rassura un peu : il n’était indiqué nulle part que l’ascenseur fût réservé à l’usage personnel du postier. L’œil torve, il nous poussa dans les jambes son cahotant chariot pour entrer le premier dans l’ascenseur.

Premier étage, cette fois le postier est grillé et un reste de bonne éducation nous fait lui tenir la porte de l’ascenseur, ce qui nous vaut un second regard torve, mi-furibard mi-offusqué. Au diable les postiers, nous voilà dans la place, dans une grande galerie qui longe la Sainte Chapelle et les préfabriqués Algeco qu’une administration toujours prompte à défigurer le beau a posés à côté. Le point Z ? presque tout au bout, qui précède le point Y, mais ne cherchons pas à comprendre, c’est l’erreur à ne pas commettre.

Nous montons, passant devant une sorte de bonbonnière où s’affaire une armée de nettoyeurs matinaux derrière de grandes portes vitrées : tableaux, luxe, calme, volupté et parquet encaustiqué, c’est le « cabinet du Président ». Moralement nous faisons une révérence au brave homme en passant, tant est grande la majesté de la justice en ses œuvres. 3e chambre ? oui là, sur la porte, avant la 2e, il y a marqué « cour d’appel, greffe de la 3e chambre ». Nous nous renseignons :

- Oui, oui, c’est un peu plus loin la 3e chambre, les grandes portes après la 2e.

Consolés par cette apparence de logique, nous nous dirigeons vers les portes capitonnées, où de grands panneaux portent les noms des affaires du matin. Hélas ! après des recherches infructueuses sur les pages, sous les pages (parce qu’ils en cachent dessous) il n’y a rien. Un vrai rienissime, quantité de noms arabes qui ont des démêlés avec des procureurs divers, mais rien qui ressemble à notre camarade avec son procureur à lui, celui qui lui en veut personnellement, qui le poursuit d’une haine vatinienne et veut à toute force le mettre en prison préventive pour avoir déposé – somme toute avec une relative délicatesse – de la crème à raser sur les joues douteuses du curé Bergueurre.

Retour vers le bureau de l’obersturmgreffière de la 3e chambre.

    -  Ah mais alors c’est pas chez nous. C’est à la 3e chambre de la cour d’appel de l’instruction.
    - Ah ? « de l’instruction » ?
    - Oui, la 3
    e chambre de la cour d’appel « de l’instruction »
    - Et où est-ce la 3
    e chambre de la cour d’appel « de l’instruction » ?
    - Alors, pour aller à la 3
    e chambre de la cour d’appel « de l’instruction » c’est simple…

Elle nous entraîne vers l’escalier, nous montre la droite et nous dit : « vous allez à gauche, tout au bout du couloir, au fond ».

Redescendre, bout du couloir, là un autre couloir à angle droit. C’est le point A.

Au bout du point A, quelques avocats attendent, pas très disposés à renseigner le commun des mortels semble-t-il. Il y a bien une 3e chambre, mais les grandes portes sont fermées. Retour, vérification sur les indications portées au mur, re-retour. Finalement c’est là ! sommes-nous bêtes ! la 3e chambre de la cour d’appel « de l’instruction » siège dans la salle de la neuvième. On voit trois magistrats par un hublot de la porte, en soulevant la feuille collée qui indique que c'est la troisième chambre qui siège là.

Une grande métis (déjà à l’accueil il nous avait semblé que la politique de recrutement pour le postes subalternes était assez orientée) nous toise avec un sourire professionnel et carnassier. Nous voudrions assister, oui, cette affaire là, oui, non, ce n’est pas nous qu’on juge…

    - Je ne sais pas si c’est possible. Je vais demander.

Il me semblait pourtant que la publicité des débats était une règle. Non. On peut décider si un homme va être mis en prison ou pas entre quatre murs, sans public, au fond d’un couloir où la troisième chambre siège dans les locaux de la neuvième, camouflée façon « de l’instruction » pour mieux dépister les curieux. Faisons justice à la confiance de notre pays. Bref, on nous dit qu’il est hors de question que nous rentrions dans la salle.

Notre camarade est là, avec son avocate. Pendant qu’il passe, nous nous éloignons, pour admirer le superbe sas d’accès en faux marbre gris et vrais tubes inox qui a été mis comme une verrue sur les pierres du Palais. A peine avions nous devisé sur la décadence de l’architecture d’intérieur des Palais de Justice depuis l’époque du président de Harlay que voilà notre ami qui ressort. Expédié, cuiller à pot et bâclage judiciaire, le tout a pris à peine cinq minutes. L’avocate est un peu inquiète, elle va consulter un de ses collègues plus âgés qui fume un barreau de chaise en portant haut sa légion d’honneur sur sa robe. Elle en revient un peu plus confiante. La décision ? Il faut attendre. Jusqu’à quand ? on ne sait pas, ça peut être à midi comme à 19 heures. Attendre où ? là, ici, dans le couloir. Sommes nous bêtes, il y a des bancs pour ça !

Café rapide pris à l’extérieur du Palais, nous retrouvons notre camarade qui attend dans le couloir. Nous passons environ une heure à parler avec lui pour dissiper un peu son angoisse légitime, et nous apprenons que le principal artisan de la plainte est un petit homme replet et barbu que nous avions vu à Saint Denis, un certain Bernard Weber, qui se proclame président d’une effarante association interreligieuse de Seine-Saint-Denis. Enfin, la même introductrice vient chercher notre camarade, sa liste glorieusement cochée en main, la décision va lui être communiquée.

Il ressort libre, du moins son contrôle judiciaire n’est pas aggravé en prison préventive.

Il reste au moins trois juges en France qui ne sont ni des traîtres ni des vendus. Trois si l’on est optimiste. Sinon il faut réduire à deux.

 

 

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