Le Cercle Louis de Frotté organisait le
9 novembre dernier un débat au Conservatoire National de
Musique de Rouen sur le thème : " La république pourquoi ? la monarchie pourquoi pas ? ".
Le débat était filmé et les intervenants
répartis en deux tables, l'une ornée du drapeau tricolore,
l'autre d'un drapeau fleurdelysé. De l'avis même du président
du Cercle, Michel Cosson, le débat avait été difficile à
organiser avec les républicains… et plus difficile encore
à organiser avec les royalistes. Par manque de temps, le
débat ne devait pas avoir lieu autant qu'on aurait pu l'espérer,
les interventions liminaires des quatres débatteurs ayant
chacune pris de l'ampleur, mais ils se répondaient dans
ces interventions liminaires mêmes. Entre eux, un maurassien
agnostique avait été accepté par les deux parties sinon
somme arbitre, du moins comme garant de la cohérence et
du caractère équitable des interventions.
Le Cercle Louis de Frotté a une vingtaine
d'années, et se donne pour mission de perpétuer la mémoire
de la contre-révolution en Normandie à travers des conférences,
des visites et des réceptions diverses avec pour seul but
la vérité historique, sans omission ou travestissement.
J'espère ne pas trahir les propos des
orateurs, je les exprime comme je les ai notés sur place
pendant leurs interventions.
C'est Michel Cosson qui prit la parole
pour introduire le débat en ces termes :
Alors que l'histoire s'accélère et que
tout va très vite, il faut se rappeler que par deux fois
la république qui semblait à peu près assurée a failli être
remplacée par une monarchie restaurée. Qui pourrait dire
que jamais la république ne sera remise en cause ? Alors
même que l'on parle de crise de la république, que certains
parlent d'une sixième république, ce numéro 6 paraît bien
dérisoire par rapport à nos Louis qui sont allés jusqu'à
Louis XVIII. D'autant que les monarchistes ont une vision
continue et cohérente : ils acceptent l'actif comme le passif
de leur histoire ininterrompue pendant si longtemps, ce
qui leur permet de voir la monarchie comme un patrimoine
non négligeable et une source d'inspiration pour les institutions
du XXIe siècle. De ce point de vue la monarchie n'est pas
le passé et les monarchistes ont bien compris que toute
velleité de retour pur et simple à l'ancien régime serait
dérisoire. Dans la modernité, plus que d'autres peut-être
ils savent - par exemple - que la technique doit être un
outil au service d'une fin et pas une fin en soi. Aujourd'hui,
ils sont répartis en plus de 400 associations qui sont autant
de preuves de vitalité.
Puis M. Mirc, présenté par Michel Cosson
comme modérateur du débat et garant d'un temps de
parole équitable pour chacun , prit la parole pour dire
à son tour quelques mots, soulignant lui aussi que la cause
semblait entendue et la république assurée, mais que par
son illogisme même elle chancelait périodiquement, comme
l'avait mis en évidence Maurras dès les origines de l'Action
Française, dans l'Enquête sur la Monarchie, et que ces vacillements
républicains périodiques amenaient des Français de tous
horizons et de toutes origines à se regrouper derrière l'espoir
monarchique.
Il présenta aussi les quatre intervenants
dans l'ordre où ils devaient chacun présenter leur
exposé liminaire :
- M. Thierry Menissier, professeur de philosophie
à l'université de Grenoble.
- Me Laurent Haye, avocat, administrateur de l'Institut
de la Maison de Bourbon (IMB)
- M. Jean-Robert Ragache, historien et ancien
grand Maître du Grand Orient de France.
- M. Hilaire de Crémiers, journaliste, conférencier,
Secrétaire général de la Restauration Nationale
(RN) qui a récemment lancé la revue Politique Magazine.
Alors que M. Menissier prenait la parole,
l'un des petits drapeaux tricolores qui décoraient la table
où il avait pris place au côté de M. Ragache tomba… ce
petit incident passé, il put entamer son exposé en parlant
de la légitimité :
Ce qui l'intérese en tant que philosophe
dans le débat entre république et monarchie, c'est en
effet la légitimité, les modes de légitimation d'un
système politique, ce qui rend telle ou telle forme
de régime légitime, puisque cette légitimité décide
in fine du bien ou du mal du régime, donc de son choix. Dans
le passé on a tenté de légitimer des régimes qui passent
aujourd'hui souvent pour illégitimes : Platon légitimait
l'oligarchie en valorisant l'intelligence politique
d'un petit nombre, la monarchie trouve elle son défenserur
le plus classique dans Saint Thomas d'Aquin et son de
Regno. Tout et n'importe quoi peut-il donc être légitime
? Sans doute pas, car il faut remarquer ce que ces
légitimations ont en commun : elles jouent sur une représentation
de la nature qui énonce que les hommes ne sont pas égaux,
et que c'est par principe qu'ils ne le sont pas. C'est
la conception aristotélicienne énoncée dans la Politique,
qui oppose le statuts civils et domestiques de l'homme
et de la femme, ou la condition de l'esclave et celle
de l'homme libre. Cette vision hiérarchisée de la
nature qui imprègne les tentatives de légitimer la monarchie
ou l'oligarchie prennent fin avec la Renaissance : avec
Copernic et ses successeurs, la science n'est plus connaissance
de la finalité de la nature, et il paraît de plus en
plus difficile de fonder sur la connaissance de la nature
un ordre politique. De ce mouvement sort, avec Hobbes,
une idée maîtresse : celle de l'état de nature, présupposé
théorique essentiel qui pose l'égalité des hommes du
point de vue de leur condition initiale. Bien que l'utilité
de cette idée soit toute théorique, il en sort en pratique
que l'on considère les hommes non comme régis par la
nature qui les hiérarchise, mais comme égaux devant
une loi impersonnelle. On peut utiliser, en ne le
prenant pas dans le sens très précis qu'il a chez certains
auteurs, le concept de " désenchantement du
monde " pour décrire ce phénomène. Il faut
remarquer aussi qu'il est assez inexact d'opposer le
christianisme à ce mouvement, puisque ce mouvement même
vient du christianisme qui a dit les hommes égaux devant
Dieu. C'est en ce sens que l'on a pu parler du christianisme
comme d'une " religion de la sortie de la
religion ". C'est cela, accompagné d'un mouvement
de rationalisation croissant, qui légitime la république,
en ce sens qu'elle rend publiques les questions politiques,
qu'elle les rend aux hommes égaux devant la loi.
Question dans le public : La république romaine
était pourtant une république qui ne connaissait pas ce
mouvement de désenchantement ? était-elle illégitime pour
autant bien qu'elle fut une république ? comment concilier
cela avec vos propos ?
M. Menissier : Il ne faut pas perdre de vue que
l'histoire, même quand on y identifie des mouvements très
longs, reste discontinue. Il y a un mouvement long qui peut
se résumer d'un très grand trait comme un effort vers la
neutralité religieuse, vers la laïcité. Cela rejette effectivement
la république romaine du côté d'un monde ancien comme
une république qui avait beoin de l'enchantement du monde
sous la forme de sa religion civique.
La parole échut ensuite au camp monarchiste en la personne
de Me Haye :
Il y a une divergence entre le principe de légitimité
(ou son absence) en république et le principe de légitimité
en monarchie. Cela se traduit depuis la révolution par
une indépendance totale de la loi par rapport à tout
principe supérieur : la loi décide ce qu'elle veut,
quand elle veut. En monarchie, la légitimité repose
sur cela que le roi tient son pouvoir de Dieu et qu'il
se sent ainsi lié lui même par un certain nombre de
principes intangibles et qui se voulaient immuables.
Alors qu'en république les lois sont définies en fonction
de majorités de circonstance, ce qui est absurde si
l'on considère que cela rend n'importe quelle décision
prise à la majorité légitime ipso facto. On peut citer
par exemple l'accession parfaitement démocratique d'Hitler
au pouvoir). La république pèche en faisant cela,
et pèche sur les trois principes qu'elle proclame :
la liberté se révèle une tyrannie d'un pouvoir sans
borne exercé sur les individus, l'égalité se révèle
une pure abstraction contraire à l'expérience commune,
et la fraternité est, en l'absence de sentiment d'appartenance
à un ensemble réellement commun à tous, l'appartenance
à l'un ou l'autre groupe, mais dont aucun ne peut se
dire proprement Français. En contrepoint la monarchie
cherche elle à promouvoir des libertés réelles et non
une liberté abstraite : le pouvoir qu'elle donne aux
individus est concret, à leur échelle locale : c'est
de cela que vient le principe de décentralisation, ou
encore les syndicats qui sont l'oeuvre des catholiques
sociaux. C'est la même chose avec la justice : là où
la loi est impersonnelle et aveugle avec la république,
la monarchie veut rendre à chacun ce qui lui est dû,
selon des principes chrétiens. La conséquence de
cela est la prospérité, car ces principes monarchiques
permettent l'initiative économique, encouragent ceux
qui veulent apporter quelque chose à l'édifice commun.
En revanche, il suffit de penser aux 500 pages de décrets
qui régissent l'application des 35 heures, ou simplement
de souligner qu'au plus haut niveau de l'Etat l'exemple
n'est pas donné mais qu'il règne là une absence totale
de moralité, pour voir les conséquences des principes
républicains. La pierre angulaire de cet édifice
monarchique c'est bien le pouvoir du roi, qui est celui
qui tranche en dernier recours, sans contestation possible,
sans avoir de comptes à rendre à des groupes de pression
économiques ou politiques. Il est comme le fil rouge
sur la route du bien commun, armé de durée (les arbres
qui ont servi à développer la marine de Napoléon
avaient été plantés sous Louis XIV) et de compétence
(par les deux voies du sang et de l'éducation).
C'est ensuite M. Ragache qui prit la parole :
Il est incontestable que les rois ont
crée
quelque chose : la France territoriale, par des mariages,
des conquètes, des héritages… Mais la république, elle,
a inventé autre chose : l'unité du peuple français.
Que l'on songe par exemple au morcellement juridique
de l'ancien régime. En ce sens, on peut parler d'une
complémentarité entre république et royauté, et même
discuter de leurs avantages et inconvénients respectifs. Mais
il y a une évolution plus profonde : jusqu'au XVIIe
siècle, l'homme est une créature, un sujet ou une personne.
C'est à dire qu'il dépend toujours d'une référence extérieure
à lui au point qu'on ne le définit que par rapport à
cette référence. Le XVIIIe siècle voit naître
l'individu, être unique et donc universel parce qu'il
vaut par lui-même. Ce mouvement s'exprime dans la
déclaration des Droits de l'Homme… ET du citoyen : alors
que l'homme est un être concret, privé et social, le
citoyen, lui, est un être abstrait, public et juridique.
Cette déclaration des droits, elle les énumère : La
liberté : elle n'est que relative sous l'ancien
régime, d'abord par manque de moyens de la royauté,
mais surtout en raison du cadre étroit où l'homme se
trouve enfermé : l'artisan enfermé dans sa corporation,
ou même le noble enfermé dans sa caste par la règle
de la dérogeance, contrairement à la noblesse anglaise.
La révolution française va bien dans le sens du libéralisme
: économique et politique. L'égalité : définie
par rapport au roi, c'était une égalité dans la sujétion,
relativement au roi, imparfaite par rapport à celle
que procure la loi impersonnelle et abstraite, égale
pour tous. La propriété : On ne peut vouloir
à la fois les corporations et la liberté économique.
Mais plus profondément, c'est la révolution qui en abolissant
le droit d'aînesse a développé la petite propriété. La
révolution, disait Tocqueville, a été une " machine
à hacher le sol ". Sûreté : elle est mauvaise
sous l'ancien régime, par manque de moyens pour l'assurer,
par l'arbitraire royal (même si les lettres de cachet
ont surtout servi à embastiller quelques fils
qui faisaient des dettes) et par l'arbitraire seigneurial
(par exemple la suppression des communaux dans les temps
de difficultés économiques). La Révolution n'a pas apporté
la sûreté : l'anarchie, puis la Terreur, véritable terrorisme
contre-terroriste d'Etat, ne le permettaient pas. Ce
qui a apporté la sûreté, c'est la loi, que l'on voit
trop souvent sous l'angle de la répression et pas assez
sous celui de la protection. Résistance à l'oppression
: le pouvoir établi n'est plus sacré, on peut se révolter
contre lui. Ces principes définisent un état de droit.
En principe. Car le risque c'est que le populus, le
peuple se fasse plebs, plèbe. C'est ce qui arrive si
l'on prétend ne pratiquer que la démocratie seule :
une dérive absolutiste du peuple, bien proche du fascisme
ou de l'hitlérisme. Il faut dont pour que tout cela
soit viable une démocratie tempérée par la république.
La démocratie est une méthode, une technique. Ce qui
porte les valeurs et une sorte de messianisme, c'est
la république. Comment donc la république tempère-t-elle
la démocratie : en faisant des citoyens éclairés, et
cela par le travail, sans que la plus grande partie
du pouvoir dépende de ceux qui comme le maître de Figaro
ne se sont donné que la peine de naître et rien de plus. Il
y a un élitisme républicain fondé sur le travail, qui
croit que l'on peut donner un esprit civique en vue
de l'intérêt général. Cela suppose la laïcité, celle
de Condorcet, puis celle de Jules Ferry, vosgien qui
veut des petits français pour la revanche) : il ne faut
pas que l'embrigadement religieux ou politique empêche
cet élitisme républicain. Cela suppose, d'une certaine
manière, d'arracher les enfants à leur identité familiale
même si cela peut paraître choquant quand on le formule
ainsi (exemple des gens du voyage, dont les enfants
si on les laisse vivre comme leurs parents reproduisent
la même vie misérable et souvent délinquante). Grâce
à cela, la république fait une nation. Pas des communautés
juxtaposées comme on entend parler de la communauté
juive, de la communauté musulmane : la république ce
sont des citoyens abstraits, ce qui permet d'ailleurs
le cosmopolitisme, celui de Rivarol, celui de la colonisation,
celui de la république d'aujourd'hui. Tous cela
fait que la république aujourd'hui est enracinée. Elle
connaît des problèmes, mas ces problèmes, les monarchies
d'Europe les connaissent aussi. Le pouvoir n'est plus
vertical mais horizontal, et l'individualisme fait que
lon consomme aujourd'hui les régimes sous la forme de
l'alternance des gouvernements, consommation qui paraît
un peu plus problématique dans une monarchie.
Question dans le public : Le prédecesseur de M.
Ragache au grand Orient, a parlé de l'islam comme d'une
" chance pour la France ". Qu'en pense M. Ragache
?
M. Ragache : Je ne me souviens pas qu'il ait dit
cela, il a sans doute plutôt dit que l'immigration devait
permettre de régler un problème de main d'œuvre. D'ailleurs
les problèmes que nous avons avec les immigrés sont essentiellement
liés à la situation économique : il n'y avait pas ces problèmes
durant les 30 glorieuses.
Autre question : Les francs-maçons sont-ils aujourd'hui
autorisés dans toutes les monarchies ? dans quels pays sont-ils
interdits ?
M. Ragache : Ils sont interdits dans les pays
totalitaires communistes et dans les pays totalitaires de
droite. Et dans les pays islamiques à part deux ou trois
exceptions comme la Jordanie.
Puis ce fut au tour d'Hilaire de Crémier de pourvoir
prendre la parole :
Cette confrontation est intéressante et il le faut
car le moment est venu des questions sur l'avenir de
la France. M. Ragache parlait de Rivarol, mais justement : Rivarol avait compris comment la république, précisément
avec ses principes abstraits, aboutirait au contraire
de ce qu'elle se proposait. Est-elle d'ailleurs si
assurée cette république ? elle s'est installée de manière
lente, dans des soubresauts incroyables : il a d'ailleurs
fallu la consolider en se tournant vers Bonaparte,
et on peut même se demander si elle n'a pas le besoin
régulièrement de se " ressourcer " dans un
principe d'autorité, sans toutefois vouloir le faire
dans l'autorité légitime. Si la république a pu paraître
recevoir un surcroît de légitimité avec la victoire
de 1914, il ne faut pas pour autant oublier que la 3e
république a fini dans la défaite, la 4e dans l'incohérence
et l'absurdité, au point qu'il faut se demander si tout
cela n'est pas le signe d'un problème au cœur de nos
institutions. Charles de Gaulle, justement avec la
IVe république finissante, a voulu arracher la France
au régime des partis. C'est toute l'ambition de la Ve
république à son origine : permettre en supprimant le
régime des partis une véritable politique nationale.
Mais il en a été de Charles de Gaulle comme de Mac Mahon
(et dans une certaine mesure de François Mitterrand) : ils se sont sentis à la bonne place, et cela même
permettait la perpétuation du vice du système républicain
quand bien même ils auraient voulu l'extirper complètement.
Il y a des constantes dans l'histoire dirait Bainville. Vous
avez défini, M. Ragache, la république dans ce qu'elle
peut avoir de convaincant. Mais elle n'est pas laïque,
elle est athée : c'est une métaphysique de remplacement.,
aux principes essentiellmeent abstraits. Et c'est cela
qui fait question aujourd'hui derrière l'inquiétude
doctrinale profonde que l'on trouve chez bien des éditorialistes : la république est une religion, mais cette croyance
est en émiettement parce que le libéralisme est remis
en cause. " La république " : res publica,
la chose publique. On a évoqué Platon, mais on pourrait
aussi parler de Bodin, qui voyait précisément dans la
monarchie le régime propre à sauver la res publica,
la chose commune, le souci du bien commun. Et l'individu
moderne est justement en train de pulvériser la république
en tant que bien commun. Que faudrait-il faire, si
l'on néglige le côté démagogique, pour remédier à cela ?
Restaurer l'autorité de l'état ; remener l'Etat
à assurer ses missions justement dites régaliennes ;
décentraliser. Car voilà deux siècles que l'on prèche
la liberté abstraite et les Français en sont réduits
à exiger leurs libertés. Ainsi la décentralisation est
essentiellement contraire aux principes de la république
une et indivisible, et le récent avis du conseil d'état
sur la loi Raffarin dit bien que vouloir faire une république
décentralisée, c'est aller contre les principes mêmes
de la république car ce serait laisser la liberté de
leur budget aux régions. Pourtant ce serait nécessaire
de l'avis de beaucoup si l'on veut que la France vive
demain, comme patrie ou comme nation, dans la modernité,
ou, comme l'on dit, dans la post-modernité. Tout
cela devrait d'ailleurs amener les esprits à s'assouplir
quant aux problèmes idéologiques pour s'affronter aux
vraies questions, et pas à des fictions juridiques ou
métaphysiques.
Remarque dans le public : Le réquisitoire que
l'on vient d'entendre contre la république aurait été possible
dans tous les autres pays d'Europe et en particulier dans
les monarchies. Si l'on se réfère à l'exemple américain,
ce qui nous manque, ce n'est pas tant alors la monarchie
que des contre-pouvoirs
Question dans le public : Peut-on avoir un éclairage
conceptuel sur la légitimité ?
Réponse de M. Menissier : On a parlé de Bodin,
mais lui aussi participe au mouvement vers l'abstraction,
bien que monarchiste, il préfigure la république par sa
conception de la volonté générale et de la souveraineté.
L'abstraction peut paraître difficilement légitime, mais
c'est parce qu'elle ne s'inscarna pas tout le temps, et
même pas très souvent. L'histoire politique est justement
l'histoire lente et parfois chaotique d'abstractions qui
prennent corps.
M. de Crémiers : Mais la souveraineté chez Bodin,
n'est pas d'une manière assez précise et peu abstraite l'indépendance,
contrairement à la volonté générale purement abstraite de
Rousseau ?
M. Menissier : Bodin parle en effet des marques
de souveraineté, qui sont concrètes, mais il précise bien
que la souveraineté ne se limite pas à ces marques et lui
réserve donc au-delà d'elles un caractère abstrait qui préfigure
la volonté générale, des abstractions constituantes qui
forment une idée du sacré qui correspond de moins en moins
au Dieu chrétien.
M. de Crémiers : Le concret supporte pourtant
assez mal l'idéologie. L'absolu est redoutable quand il
fait irruption dans le relatif, et s'il y a eu séparation
de l'Eglise et de l'Etat, on peut se demander si l'Etat,
lui s'est bien séparé d'une forme d'église quand il prétend
former une idée du sacré.
M. Ragache : Mais vous qui ne cessez de réclamer
contre l'abstraction, n'êtes vous pas extraordinairement
abstrait ? Il est toujours facile quand on est " dans
l'opposition " de critiquer, mais concrètement, quelle
forme de monarchie proposez-vous ? Un système qui repose
sur un homme est fragile, on le voit en Belgique où Baudouin
était intelligent, mais où on ne peut pas en dire autant
d'Albert. Et dans cette optique que fait-on de l'Europe ? faut-il donc mettre un roi à sa tête ?
(La discussion entre les orateurs est interrompue
faute de temps afin de privilégier une dernière question
dans le public)
Question dans le public : Tout cela est bel en
bon, mais pour l'instant personne n'a ici parlé des urgences : la démographie, le métissage et l'invasion migratoire.
Me Haye : Cette question est intéressante, mais
nous nous placions ici à un autre niveau. Il ne faut pas
avoir sur ces sujets de position dogmatique, et l'on peut
penser que la monarchie saurait mieux s'en débrouiller que
la république, puisqu'elle ne serait précisément pas dogmatique.
Pour finir, M. Alexandre, l'un des fondateurs
du Cercle Louis de Frotté fit une petit allocution où il
se félicitait de ce débat et de que que le Cercle l'ait
organisé. Un vin d'honneur prolongeait la fin de l'après-midi.
T.G.
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