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REMONTRANCE RESPECTUEUSE AU SIEUR DUC DE BAUFFREMONT


Par le piéton de Saint-Denis

 
 

                              Jesus sagte zu seinen Juden : « das Gesetz war für Knechte,  – Lieb Gott, wie ich ihn liebe, als sein Sohn ! Was geht uns Söhne Gottes die Moral an ! » –

                                Nietzsche, Jenseits von Gut une Böse, 164.

Cher Monsieur,

« Ces manifestants sont des gens qui n'étaient pas de chez nous. »

Cette appréciation rapportée par le Parisien, vous la portiez ce 21 janvier contre les personnes qui ont manifesté l’été dernier devant Saint-Denis, alors occupée par des immigrés clandestins transformées en masse de manœuvre par des mouvements d’extrême-gauche.

J’ai fait partie de ces gens qui ne sont « pas de chez nous ». C’est à dire pas de chez vous.

L’occupation de la basilique nous détermina à protester d’une manière un peu plus que symbolique ou polie. Il nous est arrivé d’y être à cinq contre cinq cents, sans aucune présence policière.  Les critiques n’ont alors pas manquées : aller manifester cela ne se faisait pas, exposait ceux qui le feraient à se faire ficher et même servait peut-être en sous-main des intérêts qui n'étaient pas les nôtres. Pardon, les vôtres. Ces excuses, toujours les mêmes, toujours données par les mêmes, n’ont rien de fondé : ou l’on est décidé à agir, et l’on en accepte les conditions, ou on ne l’est pas et l’on trouve des raisons de ne rien faire.  Il faut vouloir, aurait dit Bainville, les conditions et les conséquences de ce que l’on veut.

Lors de l'attentat pâtissier contre le père Berger - entartage qui ne l’a atteint, avant l’office et non pendant, que dans un  honneur déjà passablement flétri - on entendit dire que cela desservait la cause royaliste, que de telles pitreries, au choix, n'avaient aucun sens ou en avaient un trop clair, et qu’il était indigne que des royalistes se refusent à condamner cet entartage.

Dans les deux cas, il faut remarquer que ce qui est en cause, c'est une manière de faire de la politique qui n'est pas celle policée à laquelle les grandes organisations royalistes nous ont habituées depuis des décennies. Toutes sans exception respectent un certain nombre de règles tacites entre les partis politiques républicains : par exemple une manifestation doit être déclarée, on ne s'en prend pas aux personnes, et l'on préférera toujours écrire un beau texte à se rendre soi-même physiquement face à d'autres personnes physiques. D'une manière générale il faut savoir rester en deçà d'un point où l'affrontement ne se ferait plus pour de rire, ne surtout pas mettre en cause les intérêts véritables de l'adversaire, et ne pas déborder d'un terrain que l'on appelle le « débat d'idées » et qui présente toutes les garanties d'anodinerie possibles : ce qu'on y dit – et beaucoup plus rarement ce qu'on y fait – n'a pas vraiment d'importance, et est bien compris comme cela par l'adversaire (en anglais l'on dirait plutôt partner dans ce cas). D’ailleurs cet adversaire répond de même en sachant rester dans les limites d'une bonne éducation politique.

De fait le quasi-monopole des grandes organisations royalistes depuis plusieurs décennies a lentement anesthésié tout ce qui ne rentre pas dans ce cadre.  Si bien que l'on peine à trouver ailleurs que dans de grands discours eux même bien anodins des différences éclatantes entre la manière de faire de la politique de ces organisations royalistes et celle des partis républicains. Comme si singer les détenteurs du pouvoir pouvait donner du pouvoir, comme si la réalité du pouvoir n'était pas dans les mains des partis républicains de gouvernement, face auxquels les autres mouvements tiennent leur rôle de partis qui n'ont aucune chance de participer au gouvernement ou de l'infléchir d'une autre manière qu'anecdotique. Et cette manière de faire, puisqu'elle a été longtemps prônée comme la seule responsable ou légitime s'est imposée dans bien des esprits.

Face à cette situation, certains refusent ces règles, décident d'agir autrement, tiennent le rôle de sales galopins farceurs et parfois cruels : ils vont déployer des drapeaux devant une basilique occupée en se disant qu'un peu de publicité pour sortir de la naphtaline ne peut faire de mal, ou applaudissent bruyamment à l’entartage bouffon un ecclésiastique indigne.

Sont-ce seulement des galopineries sans importance, comme beaucoup ont intérêt à le faire croire pour ne pas perdre leur rang virtuel dans des cours irréelles, et comme d'autres sont tout prêts à le croire, souvent pénétrés d'une importance doctrinale d'emprunt ?

Autrement dit : ces galopins que nous sommes font-ils cela comme des têtes brûlées ou le font-ils en sachant pertinemment qu'ils brisent ainsi un tabou de la politique française en général et du royalisme en particulier ?

Entendons-nous : les actions d'éclat ont toujours existé. Mais revendiquer l'action réelle comme moyen privilégié, lui donner une autonomie qui la fait comprendre autrement qu'un simple défouloir à étudiants un peu turbulents, cela répond-il à une vision politique ? Et cette vision politique peut-elle revendiquer de concurrencer les pontifiants colloques ou sessions de formation d'où il ne sort jamais rien, avec une constance qu'il faut d'ailleurs souligner et saluer ?

Il y a aujourd’hui en France des royalistes de cette sorte, qui sont comme des soldats perdus bien décidés à bousculer sans trop d’égards l’ignominieux jeu de paravents, de connivences et d’intérêts que jouent avec le pouvoir en place les organisations royalistes. Perdus car ils ne reconnaissent pour légitime aucun des prétendants qui jouent leur rôle dans ce jeu. D’abord parce que ces prétendants ne sont pas légitimes au regard du principe le plus important : à quoi prétendraient-ils donc après deux cents ans d’une solution de continuité dans la transmission du pouvoir ? Ensuite parce que leur inaction et leur silence les disqualifient alors que la France se défait et se défait de la pire manière, par une substitution de population dont l’occupation de la basilique de Saint-Denis était précisément un insupportable symbole.

Refuser des règles tacites qui faussent le jeu au profit de ceux qui y participent et au détriment de ceux qui n'y participent pas, refuser les tabous sans vouloir prendre en compte ce que les bonnes âmes ont à en dire pour justifier leur existence, ne pas hésiter devant une présence physique et des actions réelles et efficaces, on doit pouvoir appeler cela de l’action directe.

Cette démarche, nous l’assumons, au nom du royalisme qu’on pourra dire aussi d’action directe.

Peut-être est-ce un royalisme qui n’est pas de chez vous, mais qui donc vous a fait, duc, dépositaire du royalisme et de la France ? qui donc vous aurait nommé syndic de faillite et liquidateur de vingt siècles d’histoire avec interdiction aux autres de s’en mêler ?

Continuez donc à célébrer pieusement les morts chaque 21 janvier. L’avenir nous appartient, c’est vers lui que nous choisissons de regarder.

 

25 janvier 2003

Le piéton de Saint-Denis.

 

 

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