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Crise en Côte d'Ivoire : une connerie bien française Par Nemo | |
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N'en déplaise aux bons esprits, tous les observateurs attentifs au sort de l'Afrique Noire depuis quarante ans ont pu constater les méfaits des principes qui ont présidés au déroulement de la décolonisation qui est en pratique la colonisation financière la plus implacable que l'Afrique ait jamais connu! On s'indigne beaucoup dans les milieux de la gauche bien - ou mal- pensante de cette politique coloniale qui a détruit "la culture et les racines africaines" et a enrichi la France de façon scandaleuse. Certes, au temps de la Troisième république, cette colonisation" fille de la politique industrielle" selon Jules Ferry a bien essayé de puiser quelques richesses, mais comme le souligne Bernard Lugan, la colonisation a surtout coûté à la France en hommes et en argent pour apporter en Afrique un peu de civilisation. Les colonisateurs ont percé les voies de communication toujours en usage aujourd'hui : routes et voies ferrées. Ils ont ouvert des écoles et des hôpitaux, etc... Certes, "la culture traditionnelle africaine a été battue en brèche" : les missionnaires et les administrateurs ont lutté pied à pied pour éradiquer les coutumes les plus barbares ( guerres tribales incessantes, esclavage domestique, sacrifices humains, anthropophagie, excision et infibulations, etc...Toutes pratiques qui furent immédiatement rétablies à l'indépendance dans la plupart des pays et dont on prend enfin conscience en Europe avec l'exportation de ces pratiques à la faveur de l'immigration : esclavage domestique et excision font périodiquement la une de tous les journaux... En revanche l'Occident civilisateur a laissé à l'Afrique un cadeau empoisonné : la politique qui apparaît localement comme une version moderne de la palabre...pour laquelle, comme chacun sait, les Africains ont une prédilection particulière. Ceux qui les connaissent un peu savent qu'ils ont une prédilection pour la dialectique ce qui a aussitôt conduit la plupart de ceux qui furent éduquer à se jeter dans les bras du marxisme et de toutes ses variantes. Autre cadeau hautement civilisateur, la colonisation a laissé en Afrique Noire les langues occidentales écrites (français, anglais, allemand, portugais) qui ont permis d'unifier à travers un mode de communication commun les tribus installées ou circulant sur un même territoire. Mais cela ne va pas sans mal : ces langues très conceptuelles sont d'une incommensurable richesse par rapport à la plupart des idiomes locaux qui ne comportent que quelque centaines de mots, surtout relatifs à la vie quotidienne , qui ne laissent que bien peu de place aux concepts philosophiques! Le Togo qui compte cinq millions d'habitants sur un territoire grand comme cinq départements français comporte 41 idiomes d'importance variable suivant la taille des ethnies qui les pratiquent. La langue française, ou anglaise a donc été un puissant élément fédérateur dans les territoires colonisés. Lors de la décolonisation, l'Occident, pour éviter une trop grande pagaille, à imposé comme principe de base "l'intangibilité des frontières héritées du colonialisme" principe logique dans l"esprit géopolitique occidental, mais absurde en regard de l'histoire coloniale surtout en Afrique de l'Ouest où la colonisation a progressé perpendiculairement à la côte du golf de Guinée...quand les populations indigènes s'étageaient en strates parallèles : pêcheurs, agriculteurs, chasseurs-cueilleurs, puis pasteurs en zone sahélienne. C'est ainsi que des membres d'une même tribu, voire d'une même famille se retrouvent séparés en Nigerians, Dahoméens (Béninois), Togolais, Ghanéens,..voire même Ivoiriens, étalés au long d'un millier de kilomètre de côtes! Les "pays" d'Afrique de l'Ouest sont purement artificiels et ne reflètent nullement la tradition locale! Pour souder durablement de telles disparités et donner une réalité au concept de pays, concept totalement étranger aux préoccupations de ces gens il n'y avait qu'une solution : innover dans le nationalisme! C'est paradoxal de voir qu'alors qu'il était de bon ton en Europe dans les milieux "intellectuels" de fustiger le nationalisme, accusé de tous les maux, on en a encouragé le développement en Afrique! Encore aujourd'hui, il n'est pas une école ou un lycée où les enfants ne soient pas en uniforme et ne saluent le drapeau le matin en chantant l'hymne national! Et le reste à l'avenant... Mais ce fantasme politique devait tôt ou tard se heurter aux réalités démographiques... Outre les désordres intérieurs générés par les rivalités tribales traditionnelles qui se sont trouvé exacerbées - le drame Hutu / Toutsi qui fit un milllion de morts, le génocide biafrais, sont encore dans toutes les mémoires - les disparités économiques pèsent de plus en plus lourd sur de populations où emploi et chômage sont des concepts relatifs : trouver assez d'argent pour se nourrir reste la préoccupation essentielle. La Côte d'Ivoire n'a pas fait exception à la règle et sa relative richesse a conduit à une véritable colonisation du nord du pays par des populations voltaïques, besogneuses, motivées qui font tourner l'économie. Tôt ou tard, des revendications politiques devaient éclater. Grâce à la maladresse française, surtout soucieuse de conserver ses monopoles économiques locaux et de préserver son image de marque dans le pays fleuron de sa décolonisation africaine, cela est en train de tourner au drame! A l'origine, le gouvernement socialiste fait élire dans des circonstances douteuses le dénommé Bagboh...Ni meilleur ni pire qu'un autre, pour asseoir son pouvoir, ce nouvel homme fort se lance dans "l'ivoirité". Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une politique sectaire visant à exclure de la vie politique, dans un premier temps, tous ceux qui ne sont pas ivoiriens de souche, c'est à dire tous ceux qui ne peuvent attester être nés en Côte d'Ivoire de parents ivoiriens. Tel apparaissait précisément le dénommé Watara figure charismatique des populations industrieuses du nord à majorité voltaïque qui tiennent toute l'économie. Avoir empêché au nom d'une législation inique Watara de se présenter à des élections est alors pris comme une véritable déclaration de guerre dans le nord du pays. Bagboh, dans la bonne tradition locale qui veut du'on élimine les gêneurs, tente de faire assassiner Watara en faisant raser sa maison par un commando épaulé avec des chars...Pas très très discret! Watara qui avait trouvé refuge dans les ambassades occidentales échappe ainsi au courroux du nouvel homme fort. Mais cela ne suffit pas, en soi, à expliquer la crise. Ligotée par ses accords de coopération militaire qui devaient assurer la fidélité de l'Afrique de l'Ouest à la France , celle-ci se trouve contrainte de soutenir Bagboh, même mal élu, au nom d'une certaine légitimité démocratique et autres concepts dont nos démagogues se repaissent. Et ne comptons pas sur Chirac pour déroger à ces principes débiles! En face, les partisans de Watara trouvent une oreille complaisante auprès de ceux qui, depuis leur entrée dans la guerre, avaient exigé la décolonisation (voire la conférence d'Anfa de 1943)...Il y a du pétrole en Côte d'Ivoire! Parallèlement, et leurs intérêts actuels paraissent de plus en plus liés, les Anglais se mettent de la partie par l'entremise d'agents d'un organisme très particulier primitivement connu sous le nom de British Colonial Office, rebaptisé Overseas Developpement, directement placé sous le contrôle du Crown Resources, un groupe d'intérêts aussi important que confidentiel qui gère les intérêts parallèles de la couronne et la politique économique britannique occulte: c'est à cet officine que l'on doit la guerre de l'opium en Chine par exemple...
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11-03-2003]
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