Nota : ce
texte, commandé par Le Monde pour être finalement refusé,
a été posté à l'intention de la Revue
Cancer par Maurice G. Dantec le 15 décembre 2002.
Si un jour,
le malheur veut qu'un historien du futur doive se pencher
sur l'époque que vit présentement la France, il devra d'abord
revêtir un costume antiseptique, et posséder de réels dons
d'anatomiste, pour ne pas dire de médecin légiste. Il
devra s'agir d'un analyste scrupuleux, il aura à recenser
et classer ce qui fut, dans l'Histoire des idées, et de
cette nation, ce qui revient pratiquement au même, la pire
dégringolade intellectuelle qu'un peuple ait connue depuis
des époques quasiment immémoriales ; il devra s'approcher
encore, muni de sa loupe, de ses gants et de son masque
de protection, et investir le grouillement des métastases
purulentes que de petits "pamphlétaires", ou "anti-pamphlétaires",
ne cessent de développer dans le cancer généralisé au stade
terminal que connaissent les idéologies modernes, dont la
France fut à la fois l'utérus, et le sépulcre. D'abord,
émettons ce triste constat : dans un pays sans plus la moindre
vision politique, ni le plus petit espoir d'en recouvrer
une un jour prochain (ni même lointain), toute critique
du pouvoir post-soixantuitard est subtilement décrite comme
un " Rappel à l'ordre " autoritaire et foncièrement
anti-libéral, et aux réminiscences plus que troubles, par
ceux qui, en vaillants clercs de notaire de la République,
veillent sur la bonne marche des choses, et des esprits,
en régime démocratique. Depuis que l'ordre établi est justement
devenu celui de la contestation institutionnelle, vous ne
pouvez plus qu'ânonner les clichés dûment autorisés au sujet
de l'invariable "société du spectacle", que tous
abhorrent, et à laquelle chacun, de son plein gré, collabore. Ainsi,
depuis quelque temps, des opuscules divers nous enjoignent
de ne plus faire entendre notre voix disgracieuse dans l'harmonie
universelle démocratique et, au cas où, préparent dans les
têtes une nouvelle offensive des pouvoirs en place contre
la littérature qui refuserait de se mettre au pas. Cette
offensive a ses avant-gardes : des livres de commande rédigés
à la va-vite par des " historiens des idées ",
pour les armées de journalistes incultes qui officient dans
la presse nationale-contemporaine. Elle a ses troupes à
pied : quelques pigistes nécessiteux qui écrabouillent de
leurs talons bottés toute bouche qui voudrait s'ouvrir à
contre courant de la merdique tendance actuelle. Elle
a aussi ses brigades blindées : l'ensemble des dispositifs
et procédures judiciaires permettant à tout un chacun d'intenter
un référé contre un livre ou un auteur qui n'aura pas l'heur
de lui plaire, ainsi Renaud Camus, attaqué par Catherine
Tasca et Laure Adler, ainsi Pierre Jourde, à qui l'on veut
chèrement faire payer sa liberté de ton, ainsi Michel Houellebecq
qui faillit, il y a peu, écoper d'une fatwa républicaine,
au nom des droits de l'Homme. Who's next on the black list
? Pour cette nouvelle offensive en règle, il fallait
un " livre de combat ". Un professeur de Paris-VIII
s'est chargé de produire ce " pamphlet ", encore
plus mal torché que prévisible, mais qui permettra aux analphabètes
lettrés du journalisme français d'y puiser quelques phrases
extirpées de leurs pages (cela leur évitera de les lire),
pour maintenir l'acte d'accusation contre leurs cibles favorites,
écrivains comme il se doit. Ce "petit livre orange"
qui vient de paraître, sous le titre délicieusement Orwellien
de : "Rappel à l'ordre : Enquête sur les nouveaux réactionnaires",
on me dit qu'il s'en prend à moi, parmi bien d'autres, alors
je l'ausculte : j'y constate d'abord l'amalgame consacré
tant de fois selon l'habituelle méthode des professeurs
de l'université post-moderne : aphorismes isolés de tout
contexte explicatif, glissements de sens sémantiques à profusion,
ton indexatoire et récriminant, anathèmes diffamatoires
qui, si j'étais de son camp, me ferait le traîner lui et
son éditeur en justice, j'y reviendrai, bref, rien de plus,
rien de moins que ce que d'autres, oh, bien d'autres, ont
connu avant moi. Il est clair que cet historien du futur,
cet anthropologue de la disparition intellectuelle d'une
nation tout entière, on se doit de lui souhaiter bien du
courage, tout autant qu'un authentique dédain pour la dégoûtation. Je
vais essayer de lui faciliter la tâche. Sans tout ramener
aux charges (anti)personnelles dont m'affuble le souriant
binoclard à moustaches socialo-chiracquien, je me dois quand
même de ventiler quelque peu les épaisses divagations mysticologiques
que monsieur Lindenberg agite tout autour de moi, en se
servant de mes textes, coupés, triturés, hachés menus et
mis à bouillir, selon la bonne vieille cuisine de rebouteux
stalinienne qui aura tant fait ses preuves, en matière d'expédients,
comme de méthodes expéditives. Cher historien malheureux
du futur, ne m'en veux pas si je démantèle une à une les
fumeuses exégèses que ce monsieur m'a consacrées, c'est
que, tu le verras, l'adage "plus le mensonge est gros,
plus il a de chances de passer", de sinistre mémoire,
est désormais la mesure moyenne de tout ce qui, peu ou prou,
se publie comme "essais critiques" dans la République
des Zarzélettres, que le monde entier nous envie. Dès le
commencement de ta lecture, tu noteras d'abord que "nous"
faisons tous partie d'une sorte de "nébuleuse"
vaguement coalisée, aux origines diverses, et variées (nous
y reviendrons), et aux "contours mal définis".
Mais il ne fait aucun doute que cette extragalactique et
surprenante invasion de la Planète France par ces aliens
"nouveaux réactionnaires" semble le fruit d'une
volonté de " retour à l'ordre établi ", à des
" valeurs d'autorité hiérarchique " que la "République"
et la "Nation", voire les idéologies en perdition
du XXe siècle (communisme en tête) auraient représenté,
depuis des éons, pour "les masses populaires",
totalement "désorientées", tu le sais, par la
fermeture des usines Moulinex, le réchauffement global de
la planète, et le problème des retraites de la Sécurité
Sociale. Il est tout à fait exact, tu le remarqueras,
mon humble témoin du futur, que la plupart des critiques
de la " mondialisation " économique en cours se
sont en effet cristallisées sur ses mots fleurant bon la
IIIe République de nos ancêtres et les encriers-à-dictée-extraite-de
Jean-Paul Sartre ou de Jean Dutourd : Jules Ferry, les Hussards
Noirs, la Commune, la Paix-dans-le-monde, les saines Valeurs
Républicaines de Déroulède-et-Clémenceau, l'Union Sacrée
en somme, de la défense du "service public" à
celle de l'exception nationale-culturelle. Pour Lindenberg,
et quelques autres de sa caste, toutes les critiques formulées
envers le "monde" d'aujourd'hui sont donc unanimement
"nationalistes-républicaines", représentées politiquement
en gros par une autre "nébuleuse", qui irait de
feu le Pôle Républicain de Chevènement au MNR de Bruno Mégret.
Tu saisis je pense la manœuvre, elle est en effet usée. En
tout cas, en ce qui me concerne, on peut dire que monsieur
Lindenberg commence par se tirer une balle de gros calibre
dans le pied gauche, ce qui risque de lui causer pour quelques
temps des matins douloureux. C'est que voilà, cher interlocuteur
d'une bibliothèque sans doute en proie à un bombardement
ou à un autre, en aucun endroit dans mes écrits, et en particulier
les deux tomes du Théâtre des Opérations incriminés, tu
ne trouveras semblables interpellations à l' "extension
du domaine de la lutte" contre la " société marchande
", ou en tout cas, et nous verrons pourquoi : JAMAIS
sous cette forme. Au contraire. Et mieux encore : au contraire
du contraire. Car tu pourras de tes yeux constater comment
je m'en prends à chaque page ou presque de mon "Journal
Métaphysique" au dualisme mortifère dont cette nation
s'est faite le héraut, en parfaite " Marianne "
à la tête coupée, et donc au corps à jamais divisé en deux,
comme le savait en effet ce vieux salopard réactionnaire
de Maurras : D'un côté, les néo-actionnaires, pour reprendre
Philippe Muray, du "situationnisme institutionnel",
représentant la "gauche moderne", ouverte (de
tous ses orifices), tolérante (surtout envers l'intolérable),
multiculturelle (c'est à dire incapable de concevoir un
DESTIN MANIFESTE pour 400 millions d'Européens et les flux
migratoires qui s'en viennent), ludique et festive, donc
commémorative et culpabilisatrice, bref la bourgeoisie post-socialiste
néolibérale modèle Woodstock-Benetton International qui
voudrait bien perpétuer Mai-68 (la version gauchiste pépère
post-situ-hypercool-tu voâs) dans les Ministères, les offices
de tourisme, les agences de publicité, la télévision, et
je ne parle pas de l'Université. De l'autre côté : la cohorte
des petits pamphlétaires médiamondains et hargneux comme
des teckels, souvent en cure aux Îles Égée ou à Venise entre
deux " brunches" au Fouquet's, ou à la "Closerie",
et qui pérorent à n'en plus finir sur la "société du
spectacle", la " domination de la marchandise
", le "capitalisme-roi", la "banque
juive", l' "oppression israélienne", et l'
"impérialisme américain", désormais représenté
par les restaurants Mac-Donald's que de vaillants agro-terroristes
de province, aux généreuses bacchantes de "gaulois"
illustratives de notre bande-dessinée favorite, "démontent"
à coups de pioches, quand il ne les font pas tout bonnement
sauter au plastic bretonnant. La France progresse, tu le
constates. Alors cherche, fouille dans les quelques exemplaires
de mes ouvrages qui, peut-être, auront réchappé à l'apocalypse,
et tâche de trouver, où que ce soit, une seule assertion
qui me rangerait dans l'un ou l'autre de ces CAMPS. Je t'épargne
la besogne, mon vieil ami, tu ne la trouveras pas, pour
la bonne raison que non seulement elle n'existe pas dans
mes livres, mais qu'en plus je les place tous deux, ces
"camps" aux lignes de démarcation à aüsweiss idéologique,
bien en évidence, nommément, à poil et face à face, ou dans
une position pire encore si tu préfères, comme les deux
constituants duals du nihilisme planétaire.
Et voici
donc notre professeur socialiste bien embarrassé avec votre
humble serviteur. Comment lui faire rendre gorge ? Car il
s'agit de cela, tu l'auras compris, image à peine possible
de moi-même à peut-être trente ou quarante années de distance
: Je n'appartiens strictement à AUCUNE coterie. Je ne dois
donc strictement RIEN à PERSONNE : Ni à Sollers, ni à Debray.
Ni à BHL, ni à Alain de Benoist. Ni à J.F. Kahn, ni à Benamou.
Ni à Badiou, ou Bounan, et ni à Alain Minc, ou Poivre d'Arvor.
Ni à Catherine Millet, et ni à Régine Déforges. Ni à Bernard
Pivot, ni à Jean-Marie Messier. Ni à Alexandre Jardin, ni
à Guillaume Dustan, ni au Prix " pouêt-pouêt ",
ni à mes fréquentations au Queen's, ni à madame Dugland
ni à monsieur Dugenoux, bref, comme je l'ai dit je ne dois
rien à personne, sauf à H.P. Lovecraft, et à Philip K. Dick,
qui tous deux, pas de veine, sont morts et enterrés depuis
un bail et n'ont jamais été considérés comme des écrivains
sérieux par les branleurs qui passent leur temps à user
les banquettes fameuses que les culs d'Hemingway ou d'Aragon
usèrent avant eux, pour épater la Galerie de Montparnasse.
Je n'ai aucun
ami bien placé dans la presse post-branchouille ou son adversaire
néo-jacobine. À l'exception de la NRF, quelques revues au
tirage fort modeste, dont Cancer ! - vilipendée comme il
se doit par notre prévôt de la sociale-démocratie - et un
ou deux "websites" à peine moins que confidentiels
acceptent parfois de publier ma prose. Il faut donc me faire
payer cet état civil qui les emmerde tant : pas d'études
universitaires et pourtant je plaque un petit rigolo post-moderne
sur à peu près le terrain qu'il veut. Pas né, comme disait
Céline, à "Tarnopol-sur-le-Don, mais à Courbevoie,
Seine", et dans mon cas Grenoble, pouah-la-province
! et le Dauphiné des révoltes en plus, et pire encore, petite
enfance et adolescence à Ivry-sur-Seine ! et avec des parents
intellectuels communistes, depuis la Résistance, qui eurent
le toupet de ne pas accepter la dictature de Thorez, Marchais
et leurs sinistres apparatchiks de choc, et se firent virer
comme des malpropres pour cela. Et pour finir le zigoto
part s'exiler en Amérique du Nord, pratiquement comme s'il
y demandait son asile politique ! Quel cursus ! Avec Yvan
Le Bolloch, Charles Pépin, Dieudonné ou Amélie Nothomb,
on se sent au moins QUELQUE PART. Si l'on a accepté,
il y a près de dix ans, et du bout des lèvres, de parler
de mon roman "obèse et hors normes" dans les Inrocks,
Technikart, Nova Mag, Télérama, ou Le Nouvel Obs', tu verras
que depuis, les qualificatifs "nouveau réactionnaire",
voire "white trash de la littérature" sont des
sobriquets dont ces placards à balais du journalisme m'ont
déjà affublés à de multiples reprises, rien de nouveau donc
sous le soleil radieux du socialisme. Lindenberg, tête
de pont de l'offensive "anti-réactionnaire" devait
faire mieux. Imiter la Miss-Bouquins du Nouvel Observateur,
en me traitant "d'Eminem de la littérature" sur
95 pages, ca risquait de ne pas s'avérer suffisant, même
si au demeurant on a vu pire, ces derniers temps. Il a donc
essayé, par tous les moyens possibles dont un "historien
des idées" de Paris-VIII est pourvu, et ils sont légions,
de me faire entrer de force dans les cases de sa petite
rhétorique au prix, on va le voir tout de suite, du mépris
des faits, et pire encore, des ÉCRITS. L'ensemble du
livre est rempli d'approximations grossières à mon sujet
(voir par exemple page 57, où l'on apprend que je serais
"fasciné" - comme d'autres coupables "venus
de la gauche athée" - par Pie IX et son syllabus anti-moderniste
: non m'sieur le professeur de Paris-VIII, je suis juste
un chrétien hétérodoxe), et je n'aurais certes pas la place
de faire ici une revue de détail, je vais donc, si tu le
permets, mon cher archéologue de la civilisation française
depuis longtemps disparue, me pencher un peu plus profondément
sur l'espèce de biographie, tout-à-fait impayable, dont
l'auteur m'affuble à partir de la page 89, et qui synthétise
peu ou prou ce qu'il a parsemé sur les 88 pages précédentes
(à l'exception de celles consacrées à Houellebecq qui comme
moi, tiens ? en prend lui aussi pour son grade nommément
: fiche de police culturelle visiblement bien à jour). Après
une petite mise en train sans trop l'air d'y toucher - il
y aura plus dérangeant par la suite - nous prévient d'emblée
l'auteur, on attaque direct, sur le mode : moi-je-suis-prof-moi-je-m'y
connais-pensez-donc : " Dantec pastiche les "grands
théoriciens" des sciences sociales, ne reculant pas
plus qu'un Taguieff devant le jargon philosophique le plus
abscons" - c'est moi qui souligne. En deux ou trois
locutions principales, tout est dit : l'auteur de polar
cyberpounke est renvoyé à sa banlieue de white-trash post-coco
dont il n'aurait jamais dû - surtout - SORTIR. Je ne peux
comprendre (je n'ai pas le brillant cursus du professeur
Lindenberg) les grands philosophes aux langages parfois
abscons (Bergson, Whitehead, Deleuze, Abellio, on le leur
a souvent reproché), donc : je les PASTICHE, bien sûr. Bon,
ensuite, plus banal, ce Pinkerton de la littérature m'accuse
de "répugnance" envers les "utopies socialisantes".
Je le reconnais, monsieur Lindenberg, et c'est ma très grande
faute : mes narines délicates, sans doutes trop "aristocratiques"
à votre goût, ont du mal à supporter l'odeur des vastes
charniers communautaires dont les deux SOCIALISMES concurrents
ont agrémenté l'atmosphère du siècle qui est parti à la
ferraille, il y a un an et quelques poussières. Comme je
l'ai déjà demandé : avez-vous un camp, ou un programme de
rééducation à me proposer ? Maintenant bien lancé, Lindenberg
peut se permettre de franchir un degré décisif dans la grossièreté
mensongère : désormais les mots injurieux, de ceux qui peuvent
valoir " normalement " un procès en justice, comme
on le fait de nouveau à M. Renaud Camus, pour un motif bien
plus anodin, sont lancés, ou plutôt - on n'est pas "
professeur des idées " pour rien - glissés au milieu
d'une phrase à peine plus épicée que les autres : "On
sent également un certain racialisme chez lui et une conscience
très aiguë des conflits de civilisation." Oh, comme
l'amalgame est joliment esquissé : si vous êtes conscient
que les civilisations forment des diagrammes en lutte évolutionniste
- selon des lignes de coupe paradoxales qui se surajoutent
- alors, bien sûr, vous ne pouvez "sentir" que
le racialiste, autant dire dégager l'odeur d'un dogue allemand.
Déjà " conflit de civilisations ", dans un monde
de rave parties, de flûtes à bec et de colliers à fleurs,
ce monde de lait et de miel que la démocratie des droits
de l'homme a apporté avec elle durant le temps de son existence
(enfin terminée !), oui déjà ces mots sont suspects, comprenez
le bien, mon cher historien du futur, dans peu de temps
ils me conduiront en cour, voire en prison, et qui sait
? si je me lâchais vraiment, quel " article de loi
antidiscriminatoire " on ne me foutrait pas au train.
Mais il y
a mieux, tout est possible à l'espace de la rébellion festive
par tous et pour tous : "En effet ce sont là impressions
de surface, qui ne vont pas au cœur de sa pensée. En réalité
Dantec possède un système bien au point. " Je tenterais
de te résumer plus tard ce qu'est ce fameux "système"
que j'ai "mis au point" , mais remarques-tu, mon
lecteur du futur d'après l'effondrement terminal, oui, remarques-tu
qu'au préalable, ce professeur multidiplômé ne s'est pas
rendu compte qu'à de nombreuses reprises, non seulement
j'affirme ma suspicion envers TOUS les "systèmes"
de pensée, mais plus encore je décris le mien comme un processus
critique constamment rouvert, depuis ses fermetures, par
lequel j'aborde, et je dissous, pour les ressouder, autant
que faire se peut, les grandes machines théologiques ou
politiques qui forment l'horizon de nos connaissances actuelles. Non,
mais tu te crois où, vulgaire auteur de série noire et de
SF-pour-les-masses-abruties? Tu ne sais donc pas que nous
avons fait des années d'études pour ne rien savoir, et surtout
ne rien comprendre ? Retourne dans ton " neuf-quatre
", hé, tête d'œuf d'autodidacte, je t'en foutrais moi… Lindenberg
n'est alors plus à une corniflerie près, il peut en rajouter,
on connaît la musique, justement, et " depuis les années
30 ", justement. On apprend ainsi un peu plus loin
que " Popper tient chez Dantec la place qu'occupe Comte
chez Houellebecq " et que je nourrirais " la même
aspiration que lui à un gouvernement des savants ".
Là, mon lecteur du futur, marque une pause pour étouffer
ton rire. Tu vas en avoir besoin, et ce n'est rien en comparaison
du " final ". Si quelqu'un trouve quelque part
dans un quelconque de mes écrits une telle " aspiration
" désuète, et bien digne de ce positiviste de Comte,
je voudrais qu'il me la fît parvenir, en toutes lettres.
Car si jamais quelque chose pouvait encore me faire vraiment
m'esclaffer, ce serait ce genre de propositions de simplet.
Les savants FONT partie du complexe militaro-industriel
depuis au moins 1940, et je préfère ne pas remonter à l'Âge
du Fer, on pourrait encore se moquer. Vouloir leur participation
aux affaires du monde, depuis monsieur Nobel, c'est franchement
se foutre de la gueule dudit monde, ce que fait monsieur
Lindenberg, au demeurant. Car il n'en a pas fini avec moi,
ââh que non. C'est que j'ai - vois-tu - commis l'Irréparable,
le crime des crimes, l'insulte suprême aux droits de l'homme
et de la république en danger. D'abord, je me suis permis
de citer un aphorisme - excellent - de Jean Madiran, tiré
d'un livre (paru en 1960 !) et suivi d'une tentative d'explication
de la trajectoire de ce catholique de combat qui achève
son parcours dans les rangs des néo-païens à la Le Pen.
Un astérisque bien salé permet à tout lecteur consciencieux
de savoir ce que je pense de cet itinéraire et de cette
présente "cohabitation". Mais monsieur Lindenberg
n'en a que faire, ce n'est pas pour cela qu'il a été mandaté,
et payé (bien, je l'espère) : il décrète in petto que je
pratique l'APOLOGIE de cet auteur, ce qui, bien entendu,
ne peut mériter que l'opprobre public, à défaut d'un peloton
d'exécution. Vient alors, vois comme la liaison est subtile,
l'apothéose des damnations : j'ai osé consacrer 18 pages
"serrées" à ce salopard d'écrivain collabo de
Drieu la Rochelle. Mais où est le pilori ? nom d'un Être
Suprême…la guillotine, oui ! et tout de suite ! Comme l'agité
du bocal en son temps, il n'y a donc personne pour me foutre
une fatwa démocratique au cul ? L'Époque s'est affaiblie…
les islamistes peut-être, un jour, entre deux concours de
Miss Monde ? C'est qu'il faut que t'explique maintenant,
avant d'en finir, quel est le fameux "système"
que j'aurais mis au point, dans mon garage secret, pour
" réhabiliter " Drieu. Et attention, hein, c'est
" avec une adhésion telle qu' aucun auteur qui ne soit
venu du giron maurrassien-hussard ou néodroitier à la Alain
de Benoist, venu lui aussi de la droite extrême, n'en avait
apportée depuis des lustres". C'est moi qui souligne,
là encore. Je me demande à qui ce lui aussi s'adresse,
de la part de ce monsieur Lindenberg, et s'il s'agit de
moi, c'est alors qu'il est, lui, un de ces analphabètes
lettrés comme il en pullule tant de par le monde, car s'il
m'avait vraiment lu, il aurait tout de suite compris que
mon passage éclair dans les "rangs" de la droite
extrême - vers l'âge de 23-24 ans - fut aussi bref et amer
que celui que j'avais suivi avec les trotskistes et les
"autonomes" une demi-douzaine d'années auparavant.
Et que je pus, en revanche, en tirer les enseignements que
mes Journaux eurent, plus tard, pour vocation d'essayer
de partager avec quelques lecteurs. Monsieur le procureur
de la république, je tiens à attirer votre attention sur
le fait qu'un odieux énergumène se faisant passer pour un
écrivain de science-fiction a conçu le complot anti-démocratique
visant à ce que l'auteur collaborationniste Drieu La Rochelle
soit enseigné dans nos écoles, "sous entendu : comme
ses amis Aragon et Malraux", ce qui est un scandale
absolument intolérable, qu'il faut lui faire payer à tout
prix. Car il faut bien considérer ceci, ombre improbable
qui me lit dans je ne sais quelles conditions de désastre
absolu, je n'ai eu envers Drieu aucune compassion particulière
pour son cheminement politique, dont j'ai simplement essayé
d'entrevoir la tragique et fatale complexité. Je me suis
contenté d'extraire de son œuvre NON-LUE, des textes qui
me semblaient pertinents en ce début-fin de siècle, sur
le plan de la théorie de la littérature. Ce qui fait de
moi, comprends-tu, un néo-droitier de la pire espèce, façon
Alain de Benoist, voire Martin Bormann. Pire encore,
ceci apporte la preuve indubitable que "sans inquisition,
ni vigilance maniaque" - n'est-ce pas ? - "on
peut considérer que Dantec restaure une bibliothèque politique
qu'il est très difficile de distinguer dans une librairie
d'extrême-droite ou dans les stands d'une fête bleu-blanc-rouge".
Ah, mon vieil ami, d'ici à ce que tu lises ces lignes mon
corps et peut être ma bibliothèque tout entière auront disparu.
Comment faire pour inviter ce pamphlétaire de bulletin paroissial
à venir prendre connaissance des volumes qui constituent
cette bibliothèque, sans commettre une terrible faute de
goût pour mon entourage, comme pour ces nombreux et nobles
ouvrages ? Comment faire, dis le moi si tu peux un jour,
pour que ce pauvre lunetier d'amphithéâtre comprenne que
j'ai bien " d'autres références et d'autres bibliothèques
", comme il ose feindre de s'en questionner lui-même
(tout en les citant, très partiellement, pour se dédouaner).
Alors puisqu'il
faut en finir, finissons en UNE BONNE FOIS POUR TOUTES.
Baroud d'honneur, messieurs, vous allez être servis. Je
n'ai, monsieur le professeur Lindenberg, plus rien à voir
avec la France depuis des années déjà, et encore moins avec
Paris, ce bocal des agités, condensé de jus de tuyau d'évier
où toutes les formes d'idées pouvant évoluer dans les égouts
de la zérocratie se reproduisent en colonies violemment
neuroparasitaires, et je m'en suis exilé pour des raisons
complexes qu'en fait votre livre me permet de tirer au clair
en toute simplicité : je ne suis pas du côté du " libéralisme
" européen qui aura exporté ses " lumières "
un peu partout dans le monde, et jusqu'ici en Amérique.
Je ne suis pas non plus du côté de ceux qui voudraient prendre
sa place, en le modernisant sauce ATTAC, ou Coalitions Zécolo-Zanarchistes
de toutes obédiences. Et encore moins de ceux qui prétendent
le vaincre en poursuivant son œuvre destructrice, désormais
retournée contre lui, c'est-à-dire contre nous tous. Je
n'ai rien à voir non plus avec les prétendus critiques "
post-situationnistes " du capital marchand, puisqu'ils
ne font désormais qu'alimenter le discours préformaté des
intellectuels bourdivins et autres " contestataires
institutionnels " qui rendent désormais toute véritable
critique-scientifique IMPOSSIBLE. Et encore moins avec les
petits pit-bulls du nationalisme républicain, version Syndicalisme
Uni des Débiles profonds ou nazillons-à-keffiehs suceurs
de talibans. Je ne rejoins non plus en rien les doctes "critiques"
de la démocratie des Droits de l'Homme quand ils accusent
l'Amérique d'être son agent porteur, car, en dépit de ses
fondations paradoxalement rationalistes, voire grâce à elles,
l'Amérique est le lieu UNIQUE où une transformation du christianisme
est encore possible. Il existe au moins deux occidents :
L'un a vécu sous l'ère Clinton sa dernière grande "illumination"
spectaculaire, elle s'est éteinte avec l'action de césure
définitive que les attentats du 11 septembre ont propagée
entre l'Ancien et le Nouveau Monde. L'autre, qui couvait
sous la cendre depuis les ORIGINES, vient tout juste d'être
réveillé. Un peu comme le 7 décembre 1941. Mais en mille
fois plus TERRIBLE. Quelqu'un se souvient-il du mois d'août
1945 ?
Nous ne sommes
donc plus du même Monde, monsieur Lindenberg, vous comme
bien des soi-disant "nouveaux-réactionnaires"
que vous épinglez dans votre dormitif ouvrage, vous appartenez
au même : celui qui a choisi de se faire en se défaisant,
comme votre Europe de Choux de Bruxelles et sa Monnaie Unique,
comme votre armée de pious-pious qui protège les génocidaires
serbes, mais ne peut même pas traverser la frontière de
l'Ouzbékistan pour foutre une trempe à quelques bandits
fanatiques et incultes ! Ici, en Amérique, depuis le 11
septembre 2001, une mutation métapolitique sans précédent
est en train de voir le jour. Elle séparera définitivement
le Nouveau Monde de ses ex-colonies zéropéennes, elle laissera
la France de Chiracospin, et de vous même, face à vos hérésies
nihilistes et dévolutionnaires (sic ! en effet, pour vous
reprendre). Cette Amérique se tournera vers les nations
prêtes à affronter, avec elle, leur DESTIN MANIFESTE. C'est
pour ca que je suis parti de votre pays de cocagne, monsieur
Lindenberg, je vous laisse à vos Forpronu et à vos Sarkozy,
à vos Julien Dray et à vos Luc Ferry, à vos Le Penismes
et à vos Chiracquies. Ni gauche, ni droite, en effet, messieurs
du bocal des agités : L'Ouest. Le vrai.
Montréal, Amérique du Nord
française, le 7 décembre 2002.
@ maurice dantec, 2002
POUR REAGIR A L'ARTICLE DE
MAURICE G. DANTEC, contactez la rédaction de Cancer!
qui transmettra.
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