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MONSIEUR
BRICOLAGE ET LA TOUR DE PISE
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Il paraît que Monsieur Pierre Bédier est secrétaire d’Etat aux programmes immobiliers de la Justice. J’avoue que je peine à distinguer Monsieur Bédier d’un certain nombre de ses comparses, les Patrick Ollier, les Jean-François Copé… Il me faut souvent plusieurs secondes de réflexion pour distinguer, parmi tous ces noms en é, le compagnon de MAM de l’aiglon de Meaux ou du ci-devant gestionnaire de Mantes-la-Jolie... De la trop rapide décomposition qui conduisit du gaullisme au pompidolisme, du pompidolisme au chiraquisme, du chiraquisme au technocrato-juppéisme et du technocrato-juppéisme au néant, ces bébés joufflus de la Chiraquie sont l’aboutissement final. Pas de chaînon manquant dans cette évolution à l’envers : le moule s’est emballé pour produire à l’infini les mêmes clones. Certes, on prête à Monsieur Bédier les vertus d’un bon élu local : je les lui concède volontiers, sur la foi sans doute de quelques lectures mal digérées puisées jadis dans le Figaro Magazine. La France ne manque pas de bons gestionnaires de terrain. Elle manque d’hommes d’Etat et de légistes au bon vieux sens du terme. Un Monsieur Prudhomme de SIVOM mâtiné d’apparatchik peut-il en tenir lieu ? Monsieur Bédier traîna trop longtemps ses guêtres dans le théâtre d’ombre d’une opposition qui n’avait rien à dire, pour devenir soudain crédible au sein d’un gouvernement qui estime manifestement n’avoir rien à faire. Quand on a observé Monsieur Bédier dans ses rôles passés, on peine à ne pas trouver trop grand son manteau de ministre, fût-ce au secrétariat d’Etat aux Programmes immobiliers de la Justice... Monsieur Bédier, pour autant, vient d’avoir une idée. Que voulez-vous, ces hommes ont appris le métier à l’école de la politique-gadget, de l’action-marketing. « Vivement demain avec le RPR ! » … Cheese ! Occuper le terrain, frapper les esprits, faire clinquant ; lancer un coup à court terme, et réfléchir sur le fond ensuite, voilà la règle du jeune cadre dynamique, donc de l'homme politique moderne. Ces gens-là lancent des projets comme ils se positionnent sur un marché. Ici, visiblement, les propos de Monsieur Bédier ont pour objet de sonder le chaland. Probablement, en brave petit soldat éclaireur de l'UMP, Monsieur Bédier s’exprime-t-il pour le compte de plus haut placé : le Premier ministre lui-même, qui nous livrerait ainsi une raffarinade par procuration, ou Monsieur Sarkozy, coutumier du fait puisque c'est lui qui, il y a quelques mois, téléguida la déclaration du député Jégo sur le vote des étrangers aux élections locales, opération qui visait à gagner au ministre de l'Intérieur les faveurs de l'UDF, objectif d’ailleurs atteint.... Voici donc que Monsieur Bédier propose de réviser la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905 afin de permettre en France le financement de la construction de mosquées par des fonds publics. Monsieur Bédier devrait prendre garde : l'enjeu auquel il s'attaque de ses petites mains politiciennes et maladroites s'élève bien au-dessus des contingences. Cette loi, tout comme les concordats avec Rome qui l'ont précédée, met en jeu des facteurs qui jouent dans la longue durée : les monuments institutionnels que sont le concordat de 1516, celui de 1801 et la loi de séparation de 1905 sont les produits de leur époque et répondent, non seulement à des rapports bien précis entre l'Eglise et l'Etat en France, mais encore à la relation entretenue par les Français avec leur religion historique. Le concordat de Bologne, signé en 1516 sous François Ier et appliqué jusqu'en 1790, était le fait d'une monarchie à la fois chrétienne et conquérante. Il constitua le cadre dans lequel s'épanouit un gallicanisme déterminé au point d'en devenir parfois agressif, farouchement jaloux des libertés de l’Eglise de France au point de se lancer dans les polémiques les plus suicidaires avec la papauté - mais sous l'égide de la royauté sacrée du Trés-Chrétien. Le concordat de 1801 s'efforça de réduire les fractures dues à la révolution et à sa constitution civile du clergé ; tout en permettant, de fait, le renouveau chrétien du XIXe siècle, il garantissait, à travers les lois organiques unilatéralement rajoutées par Bonaparte, un certain contrôle politique de l'Etat sur le clergé, dans la cadre d'une société divisée et en partie déjà sécularisée, mais encore largement marquée par un prégnante culture chrétienne. La loi de 1905 fut la conséquence du triomphe des idées de la révolution, de la déchristianisation de la France, du recul de la chrétienté. Par la séparation stricte qu'elle présuppose et confirme entre la sphère publique et la sphère religieuse privée, elle marque une reconnaissance supplémentaire, dans la législation, de cet individualisme moderne que nous combattons. Plus encore que des hommes de la fin du XIXe siècle qui l’ont rédigée, cette loi fut celle des hommes du XXe siècle, aux valeurs desquels elle s’accorde parfaitement. Elle permit aussi, sommes toutes, à l'Eglise de s'émanciper d'une tutelle étatique longtemps étouffante, et d'y gagner quelques avantages. On ne réformera pas cette dernière loi juste en claquant des doigts. La loi de 1905 est une tour de Pise, un monument en fragile équilibre. Aussi insatisfaisante soit-elle, on n’y peut toucher qu'en réalisant, après mûre réflexion, un autre équilibre... Reste à savoir lequel... Et c'est bien là que le bât blesse : les apprentis sorcier qui nous gouvernent sont-ils capables de s'élever au-delà des initiatives de circonstances ("je suis incapable d'empêcher les Saoudiens de contrôler les mosquées françaises, donc je vais les payer moi-même") pour accéder au niveau d'une réflexion construite et pertinente sur les rapports entretenus par l'Etat français avec les religions coexistant sur son territoire, et plus fondamentalement, sur l'identité spirituelle de la France, donc son identité tout court ? En sont-ils capables ? J’entends d’ici ta réponse, lecteur ! ............. N’est-ce pas...? Je crois que nous sommes d'accord : un tel défi exige un bagage culturel autrement consistant que celui des demi-instruits et des arrivistes qui composent la pseudo-élite française ! Monsieur Bédier et la loi de 1905, ou quand Monsieur Bricolage s’attaque à la tour de Pise… Pour que nous accordions la plus minime once de notre confiance à Monsieur Bédier et à ses commettants, il leur faudrait apporter la preuve qu'il sont conscients de quelques saines vérités. A savoir : 1) Nous vivons une guerre de civilisation. Une guerre se gagne par des mesures énergiques et la conscience de sa propre identité. Or, une mosquée n'est pas qu'un lieu de culte, ce peut être un laboratoire social : celui de l'ennemi. 2) Il n'est certes pas nécessaire d'être catholique pour être français, mais le catholicisme fait partie intégrante de l'identité de la France, contrairement à l'islam. La loi française, au-delà d'une prétendue « laïcité », sectaire et périmée, devrait donc reconnaître officiellement une situation privilégiée au catholicisme en France. 3) Il y a trop de musulmans en France. La France se saurait être et ne doit jamais être un pays musulman. L'Etat doit donc prendre garde à limiter l'expansion de l'islam dans notre pays. La construction d’une mosquée en France ne doit pas devenir un événement banal. Est-ce bien cependant d'une véritable politique de contrôle qu'il est question dans l'idée lancée par Monsieur Bédier ? ou juste de bons sentiments ? 4) Aucune conscience ne doit être forcée. Un musulman sincère doit pouvoir pratiquer sa religion. N'y eût-il que dix musulmans en France, ceux-ci doivent pouvoir disposer d'un lieu de culte. Mais il y a lieu de culte et lieu de culte. Au fait, qu'appelle-t-on une mosquée ? Si c'est un grand bâtiment situé en pleine ville avec un minaret et le muezzin, non merci ! Nous ne saurions tolérer que les mosquées deviennent aussi visibles que les églises dans notre paysage. Monsieur Bédier a-t-il réfléchi au type de mosquée qu'il veut financer ? 5) Quand Monsieur Bédier aura construit sa mosquée, qui s'occupera du service après-vente ? Monsieur Bédier a-t-il un plan pour vérifier que les Saoudiens ou autres intégristes ne rentreront pas par la fenêtre ? Monsieur Bédier enfilera-t-il ses babouches tous les vendredis pour aller vérifier ce qui se passe dans les mosquées qu'il aura payées ? La loi doit être appliquée dans toute sa rigueur par un Etat efficace. N’est-ce pas possible sans toucher à la loi de 1905 ? Après tout, un véritable Etat, bien conscient de ses droits et devoirs régaliens, machiavélien juste ce qu'il faut, aurait peut-être tout à gagner à financer la construction de mosquées. Mais nous connaissons Monsieur Bédier et ses semblables. Nous savons jusqu’où est descendue la société française. Une nouvelle loi réglant les relations entre l'Etat et les différentes confessions ne pourrait, dans l'état actuel des choses, qu'être le reflet de la confusion mentale qui règne dans notre pays. Gageons qu'elle ne se ferait qu'aux dépens des intérêts de l'Eglise catholique, qui s'accommode à peu près de la situation juridique actuelle. Gageons qu'elle ne ferait que donner de nouvelles armes aux musulmans. Tant que tous les points énumérés plus hauts n'auront pas été pris en compte, nous ne pourrons que considérer avec méfiance les projets de Monsieur Bédier : Non possumus ! La République laïque n'a pas les moyens spirituels, intellectuels ni moraux d’affronter le choc des civilisations ! Qu'on se le dise...
Camulogène
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11-03-2003]
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