1969 - Superbe doublé de Matra en France.
Clermont-Ferrand, 06 juillet 1969. Tout le stock disponible de
superlatifs flamboyants ayant déjà été
exploité au profit d'un certain Eddy Merckx dans les colonnes
voisines, le journal "L'Equipe" se trouve fort dépourvu de
célébrer le triomphe, prévu mais exceptionnel de
brio, remporté par Jackie Stewart dans le deuxième Grand
Prix de France.
Stewart s'est probablement élevé ici de manière
irréfutable au niveau de l'inoubliable Jim Clark. Quant à
l'équipe de Matra-Elf, elle a signé grâce à
une course somptueuse de Jean-Pierre Beltoise, le deuxième
doublé de son histoire, apres celui de Zandvoort en 1968. En un
peu plus d'un an de participation aux courses de Formule 1, Matra en
est arrivé au point où ses voitures planent au-dessus du
lot, à l'image du pilote qu'elles sont en train de propulser
vers le titre de Champion du Monde.
Vainqueur de quatre courses sur cinq cette année, Jackie Stewart
possède désormais sur tous ses rivaux le genre d'avance
que seul Jim Clark avait accumulé jadis. L'écossais
précède Graham Hill de 20 points, faisant dans ce
championnat cavalier seul, comparable à celui d'Eddy Merckx dans
le Tour de France.
Sa victoire en France ne fit jamais guère le moindre doute :
Parti en tête, Stewart prenait en moyenne plus de 2 secondes par
tour à Hulme aussi déterminé que du temps de ses
propres succès. Sur ce circuit de vérité,
où les faibles n'ont aucune chance de donner le change, Hulme se
battait avec toute la force de ses épaules de
déménageur, mais il était évident que ce ne
serait que pour la deuxième place, derrière un Stewart
hors concours. Le leader de l'équipe McLaren dut s'arrêter
avant le premier tiers de la course pour faire remplacer un boulon de
suspension défaillant.
Jean-Pierre Beltoise, en troisième ligne sur la grille, avait
pris un départ assez moyen qui le reléguait en
septième position à la fin du premier tour. Mais il
n'allait pas tarder à corriger ce classement qui ne
correspondait en rien à ses ambitions du jour. Dès le
second tour, Jean-Pierre avait montré ses roues arrières
à Graham Hill. Trois tours plus tard, il tirait aussi sa
révérence à Chris Amon pour se lancer à la
poursuite de Jochen Rindt. Il lui fallut quatre tours seulement pour
réduire un retard d'une dizaine de secondes sur l'autrichien et
deux tours de plus pour le laisser sur place.
Une superbe lutte pour la deuxième place - ©lequipe.fr
Alors commençait une bataille au couteau entre ces deux hommes,
qui sont dans la vie les meilleurs copains du monde. Elle allait durer
jusqu'à la ligne d'arrivée, à l'image de celle qui
avait opposé le même Jacky Ickx à l'allemand Hans
Hermann quelques semaines plus tôt, aux 24 Heures du Mans.
Soixante mille spectateurs enthousiastes portaient littéralement
le pilote français, espérant de lui l'attaque
décisive.
Beltoise était bien, alors, confronté avec "l'impossible
exploit". Il tenta tout et, peu à peu, chacun se rendait
à cette évidence qu'il ne passerait pas. Et pourtant
Beltoise passa!
Dans le dernier tour, lui qui avait déjà
brûlé la politesse à Hill, à Amon et
à Rindt, allait dépasser aussi Jacky Ickx. C'est au bas
de la descente que le jeune belge commit son unique erreur,
amorçant un travers qui permettait à Beltoise de le
passer à l'intérieur. Beltoise franchit ainsi la ligne
d'arrivée en 2e position, précédant Ickx de 0,2
seconde.