1986 : Prost bâtit inéxorablement sa légende.
Adélaïde. Cet insoutenable Grand Prix d'Australie aura
été la course des paradoxes. Le plus étrange, sans
doute, est celui qui se fit jour au moment précis de
l'élimination de Rosberg. La mise hors combat de la McLaren
n°2 ne constituait pas une alerte pour celle de Prost, au
contraire, Alain était le seul des leaders à avoir - par
force - changé ses pneus depuis le départ. Il
était clair que les Williams de Piquet et de Mansell qui le
précédaient alors de peu, après qu'il eût
réussi au terme d'une longue poursuite à combler le
retard que son arrêt lui avait coûté sur elles, il
était clair que la même épée qui avait
été fatale au sort de Rosberg était suspendue sur
la tête de Mansell et sur celle de Piquet. En cela, le malheur de
Rosberg paraissait devoir faire le bonheur de Prost
Tout avait commencé par un bon départ de Mansell, en
tête dans la chicane immédiatement après ce dernier
obstacle. Piquet et Senna lui portèrent une attaque
simultanée : prudemment, se souvenant de 1985 où il
n'avait pas dépassé le cap des premiers virages, et ayant
à l'esprit la nécéssité pour lui de finir
cette course, Mansell s'écarta. Piquet et Senna
passèrent, tout comme Rosberg.
Ce dernier était déchaîné comme on ne
l'avait pas vu depuis longtemps. A l'accélération devant
les stands, la McLaren vint au niveau de la Williams. Côte
à côte, elles foncèrent vers la chicane. Rosberg
porta son attaque. Piquet tenta de résister, mais il
était mal placé pour répondre au Finlandais.
Rosberg s'imposa en force. Ce fut le début de son cavalier seul.
Entre le sixième et le soixante-deuxième tour, Keke eut
largement le temps de démontrer qu'il n'était nullement
fini.
Sur l'autre Mclaren, Prost s'était lancé dans un effort
plus mesuré. Comme Mansell et Piquet, lui aussi devait avoir
comme objectif supplémentaire, de gagner. Il déborda sur
Senna, réussit à prendre le meilleur sur Mansell, et
à faire pression sur Piquet.
Nelson, qui pilotait sur un fil, bien qu'il n'ait pas réussi
à suivre le rythme imposé par Rosberg, fut victime d'un
tête à queue. Il remit la gomme instantanément...
et manqua de justesse Mansell tout heureux de lui filer sous le nez !
Un second titre acquis par magie (©prostfan.com)
Son arrêt fut interminable (17"5). Quand il repris la piste, sa
situation était bien compromise : il naviguait à 50" de
Rosberg, 25" de Mansell et 22" de Piquet. Commença alors une
course poursuite. Vingt-cinq tours après sa crevaison, il avait
fait la jonction avec ses rivaux directs, à qui il avait repris
en moyenne une seconde par tour. Du beau travail.
C'est alors qu'eut lieu l'épisode des éclatements.
Rosberg d'abord : le pneu arrière droit céda dans la
ligne droite. Keke domina sa machine ébranlée et
l'arrêta sans se blesser.
Il restait à Prost à déborder les Williams. Ce
qu'il ne fit sans trop de peine pour Mansell, lequel même
dominé par Piquet et Prost, aurait beau jeu de finir
troisième et Champion du Monde. On n'était pas encore
revenu de la surprise Rosberg, que Mansell subit un K-O identique :
ici, ce fut le pneu arrière gauche qui se
désintégra à 300 km/h. Incroyable coup du sort...
Piquet et Prost, les deux outsiders, restaient face à face :
l'un d'eux serait vraisemblablement Champion du Monde, mais lequel? Les
pneus jouèrent une dernière fois un rôle
déterminant : "Rentre au stand, il faut qu'on change tes
roues!", fut il communiqué à Piquet par radio. Nelson
prit le risque de continuer. Un deuxième appel de son stand vint
à bout de son entêtement : la Williams n°8 observa une
halte de 7,5 secondes pour changer ses quatre roues. Il n'en fallut pas
plus pour que Prost se trouve, comme par enchantement, sur la voie
royale...