Bertrand, Michael et la voiture verte.
[...] Dans les rues de Phoenix-Arizona en ce petit matin de mars 1991,
les premières monoplaces s'affrontent pour la terrible
épreuve des qualifications. En ce début des années
'90, le nombre des "clients" inscrits pour disputer les Grands Prix est
devenu si important que les organisateurs en sont arrivés
à imposer cette mini-scéance du vendredi matin aux
aurores. Ceux qui n'ont pas marqué de points dans la
dernière demi-saison ont une heure pour s'expliquer et seuls les
tout meilleurs auront le privilège de disputer les "vrais"
essais qualificatifs pour une grille qui n'exédera pas 26
voitures. Est ce l'heure trop matinale, toujours est-il qu' Andrea de
Cesaris provoque un surrégime fatal à son V8 et se voit
comdamné au rôle de spectateur pour le reste de ce premier
Grand Prix de la saison. Bertrand Gachot réussit l'examen de
passage et se qualifiera en 14e place pour terminer la course 10e sans
trop de problèmes. La voiture et le pilote ont tenu et le
classement final est encourageant pour la suite des
événements.
Au Brésil, Gachot réussit à se hisser en 7e
position lorsqu'un échappement se fêle,
déréglant l'injection et faisant tomber la voiture en
panne d'essence. De Césaris finit 13e. Deux abandons à
Imola, mais là aussi, Andrea était 6e quand sa
boîte se bloqua. La même mésaventure lui arrivera
à Monaco quinze jours plus tard, cette fois à cause d'un
accélérateur bloqué. Pas de doute, les Jordan
marchent bien et de Césaris impressionne par sa sagesse toute
neuve et ses bonnes qualifications en milieu de grille. Il manque
simplement un peu de fiabilité pour concrétiser ces
belles promesses.
Au Canada, Ford a amené son évolution IV du moteur V8,
celle qui équipait les Benetton en début d'année
et offre un gain de puissance estimé à une quinzaine de
chevaux. Andrea et Bertrand vont bien exploiter ce petit avantage
puisqu'ils terminent respectivement à la 4e et 5e place du Grand
Prix. Beau tir groupé à l'issue seulement de cinq
épreuves. C'est la première victoire d'un Eddie Jordan
radieux de voir ses monoplaces bien se comporter aussi rapidement.
Une prometteuse 5e place pour Bertrand Gachot
au Gd Prix du Canada 1991 (©motoresenv.com)
Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour Eddie
Jordan qui affiche de plus un caractère jovial qui change
agréablement des mines sévères et suffisantes des
directeurs d'écuries de cette Formule 1 actuelle. Conscient de
ses prouesses, il veut accélérer et presse Ford de lui
fournir désormais la même évolution du V8 que celle
utilisée par Benetton. Le refus de Ford ("conseillé" par
Briatore) va alors pousser l'Irlandais à voir l'avenir d'une
autre couleur. Des contacts sont pris avec Yamaha qui n'est pas
satisfait de sa collaboration avec Brabham cette année. Ils
aboutiront en fin d'année à la fourniture exclusive et
gratuite du V12 à l'écurie Jordan pour trois ans à
partir de 1992. Ce qui fait grandement les affaires d'Eddie qui doit
débourser une coquette somme pour bénéficier du
Ford.
La deuxième demi-saison qui s'annonce va modérer
l'enthousiasme des observateurs conquis par cette charmante
équipe sympathique animée par un patron si farfelu. Les
performances vont stagner au point mort et le "jovial" Eddie va monter
l'autre facette de son personnage, celle du commerçant peu
embarassé par les scrupules. Peu avant le Grand Prix de
Belgique, Bertrand Gachot est traduit devant un tribunal anglais pour
avoir utilisé un spray de défense sur un taximan
londonien avec lequel il avait eu des mots. Ce genre de bombe est
interdit au Royaume-Uni et le pauvre Bertrand se voit condamné
avec éffarement à dix-huit mois de prison ferme ! Dont
acte. Cette sentence démesurée et aberrante sera
heureusement annulée plus tard, mais Gachot voit sa
carrière stoppée net et Jordan n'a plus de pilote.
Bertrand Gachot aux mains de la justice...
Tout bénéfice pour Michael (©f1news.ru)
Eddie Jordan en est parfaitement conscient mais va commettre une lourde
erreur liée à son sens tout particulier de
l'économie. Il propose à Schumacher de terminer
l'année moyennant une somme de 3,5 millions de dollars.
Parallèlement, Flavio Briatore propose un contrat de quatre ans
chez Benetton, gratuitement, cela va de soi. La suite n'est pas bien
difficile à imaginer : "Schumi" va evidemment signer avec
l'habile team manager italien et Jordan va intenter une action en
justice pour non-respect de contrat. L'affaire se résoudra entre
Flavio et Eddie avec le transfert du pilote Roberto Moreno chez Jordan,
que celui-ci virera sans ménagements deux Grands-Prix plus tard
pour le remplacer par le jeune pilote de F3000 italien Alessandro
Zanardi qui amenait un budget.
Pour avoir voulu à tout prix remplir ses caisses, Eddie Jordan a
laissé maladroitement filer celui qui allait devenir champion
incontesté des prochaines années. On appelle cela un
manque évident de clairvoyance. Cette vision mercantile à
court terme va hélas se retrouver dans les choix techniques et
stratégiques des saisons à venir. [...]